Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 23 décembre 2014, le 6 novembre 2015, le 21 décembre 2015, le 13 janvier 2016 et le 4 février 2016, l'association de défense de l'environnement de Saint-Jean-Cap-Ferrat, ensuite devenue l'association de protection de l'environnement de Saint-Jean-Cap-Ferrat et des trois corniches, représentée par Me A..., de la Selarl LVI Avocats et Associés, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 28 octobre 2014 ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 11 décembre 2012 ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;
3°) de lui délivrer l'agrément sollicité ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté préfectoral est insuffisamment motivé ;
- il a été édicté à l'issue d'une procédure irrégulière en l'absence de consultation des autorités mentionnées à l'article R. 141-9 du code de l'environnement, ce qui a eu une influence sur le sens de la décision prise ;
- l'avis du directeur régional de l'environnement, de l'aménagement et du logement, qui ne prend pas en compte l'ensemble de ses activités, est illégal, ce qui entache d'irrégularité l'arrêté préfectoral ;
- la modification des statuts notifiée au préfet le 28 décembre 2012 constitue une circonstance de fait nouvelle qui aurait dû entraîner une nouvelle procédure consultative ;
- les premiers juges ont commis une erreur de droit en estimant que les dispositions de l'article R. 141-3 du code de l'environnement exigent que l'activité de l'association couvre une part substantielle du territoire départemental ;
- le préfet a commis une erreur de droit en estimant que l'activité de l'association ne pouvait pas s'exercer principalement sur seulement une partie du territoire départemental ;
- l'activité de l'association étant consacrée de manière significative à des problématiques environnementales départementales, conformément à ses statuts, le préfet a aussi commis une erreur d'appréciation ;
- l'ensemble de ses activités démontre que son action présente un caractère exceptionnel et officiel lui permettant de bénéficier du 2ème alinéa de l'article R. 141-3 du code de l'environnement ;
- le juge de plein contentieux peut lui délivrer l'agrément illégalement refusé par l'administration, alors qu'elle dispose en outre d'un nombre d'adhérents suffisant.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 23 septembre 2015, le 23 novembre 2015, le 15 janvier 2016 et le 26 janvier 2016, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- les moyens soulevés par l'association ne sont pas fondés ;
- l'association, qui ne compte qu'une centaine d'adhérents, n'est pas de taille suffisante pour obtenir un agrément départemental.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Chanon, premier conseiller,
- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., représentant l'association de protection de l'environnement de Saint-Jean-Cap-Ferrat et des trois corniches.
1. Considérant que, par jugement du 28 octobre 2014, le tribunal administratif de Nice a rejeté la demande de l'association de défense de l'environnement de Saint-Jean-Cap-Ferrat tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 11 décembre 2012 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer au niveau départemental l'agrément prévu par l'article L. 141-1 du code de l'environnement ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux, et, d'autre part, à la délivrance de cet agrément ; que l'association de défense de l'environnement de Saint-Jean-Cap-Ferrat, aujourd'hui dénommée association de protection de l'environnement de Saint-Jean-Cap-Ferrat et des trois corniches, relève appel de ce jugement ;
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 141-1 du code de l'environnement : " Lorsqu'elles exercent leurs activités depuis au moins trois ans, les associations régulièrement déclarées et exerçant leurs activités statutaires dans le domaine de la protection de la nature et de la gestion de la faune sauvage, de l'amélioration du cadre de vie, de la protection de l'eau, de l'air, des sols, des sites et paysages, de l'urbanisme, ou ayant pour objet la lutte contre les pollutions et les nuisances et, d'une manière générale, oeuvrant principalement pour la protection de l'environnement, peuvent faire l'objet d'un agrément motivé de l'autorité administrative (...). Ces associations sont dites "associations agréées de protection de l'environnement". Cet agrément est attribué dans des conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. Il peut être retiré lorsque l'association ne satisfait plus aux conditions qui ont conduit à le délivrer (...). Les décisions prises en application du présent article sont soumises à un contentieux de pleine juridiction " ; qu'aux termes de l'article R. 141-2 du même code : " Une association peut être agréée si, à la date de la demande d'agrément, elle justifie depuis trois ans au moins à compter de sa déclaration :1° D'un objet statutaire relevant d'un ou plusieurs domaines mentionnés à l'article L. 141-1 et de l'exercice dans ces domaines d'activités effectives et publiques ou de publications et travaux dont la nature et l'importance attestent qu'elle oeuvre à titre principal pour la protection de l'environnement ;2° D'un nombre suffisant, eu égard au cadre territorial de son activité, de membres, personnes physiques, cotisant soit individuellement, soit par l'intermédiaire d'associations fédérées ;3° De l'exercice d'une activité non lucrative et d'une gestion désintéressée ;4° D'un fonctionnement conforme à ses statuts, présentant des garanties permettant l'information de ses membres et leur participation effective à sa gestion ; 5° De garanties de régularité en matière financière et comptable " ; qu'aux termes de l'article R. 141-3 de ce code : " L'agrément est délivré dans un cadre départemental, régional ou national pour une durée de cinq ans renouvelable. Le cadre territorial dans lequel l'agrément est délivré est fonction du champ géographique où l'association exerce effectivement son activité statutaire, sans que cette activité recouvre nécessairement l'ensemble du cadre territorial pour lequel l'association sollicite l'agrément " ; que l'article R. 141-14 dispose que la décision de refus d'agrément doit être motivée ;
3. Considérant que, comme il été dit au point 1, l'association a déposé une demande en vue d'obtenir un agrément en tant qu'association de protection de l'environnement au niveau départemental ; que l'arrêté préfectoral vise les dispositions législatives et réglementaires applicables et considère " que l'activité principale de l'association se concentre sur la commune de Saint-Jean-Cap-Ferrat et qu'à ce titre le niveau territorial de l'agrément demandé ne correspond pas au territoire d'intervention de l'association " ; qu'une telle motivation permet à l'association, au regard notamment des dispositions des articles R. 141-2 et 141-3 du code de l'environnement dont il est fait application et sur le fondement desquelles la demande a été formulée, de connaître les motifs du refus qui lui a été opposé ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article R. 141-9 du code de l'environnement : " Le préfet procède à l'instruction de la demande et consulte pour avis le directeur régional de l'environnement, de l'aménagement et du logement ainsi que les chefs des services déconcentrés intéressés. Il recueille également l'avis du procureur général près la cour d'appel dans le ressort de laquelle l'association a son siège social " ; qu'aux termes de l'article R. 141-10 : " Le directeur régional de l'environnement, de l'aménagement et du logement transmet au préfet du département son avis motivé. Les autres personnes consultées en application de l'article R. 141-9 font connaître leur avis au préfet dans un délai de deux mois. Faute de réponse dans ce délai, leur avis est réputé favorable " ;
5. Considérant, d'une part, que l'administration a versé au débat les lettres du 17 juillet 2012 par lesquelles le procureur général près la cour d'appel d'Aix-en-Provence, le directeur départemental des territoires et de la mer des Alpes-Maritimes et le directeur régional de l'environnement, de l'aménagement et du logement de Provence-Alpes-Côte d'Azur ont été saisis pour avis par le préfet des Alpes-Maritimes ; qu'en l'absence de réponse, l'avis du procureur général est réputé favorable en application des dispositions de l'article R. 141-10 du code de l'environnement ; que, par courrier du 7 août 2012, le directeur départemental des territoires et de la mer a indiqué au préfet que, ses services n'ayant pas connaissance des activités de l'association, il n'était pas en mesure de formuler un avis ; que, par courrier du 17 septembre 2012, le directeur régional de l'environnement, de l'aménagement et du logement a émis un avis motivé conformément aux dispositions du même article R. 141-10 du code de l'environnement ; qu'en tout état de cause, il ne ressort pas de la rédaction de cet avis, qui mentionne notamment que " l'activité principale de l'association se concentre " sur Saint-Jean-Cap-Ferrat, que le directeur régional n'aurait pas pris en compte l'ensemble des activités de l'association ;
6. Considérant, d'autre part, que, postérieurement au refus d'agrément, l'association a notifié au préfet, le 28 décembre 2012, la modification de ses statuts, étendant son périmètre géographique d'intervention du territoire de la commune de Saint-Jean-Cap-Ferrat à celui du département des Alpes-Maritimes ; qu'elle n'a pas ainsi fait état, en tout état de cause, d'une circonstance de fait nouvelle qui aurait dû entraîner une nouvelle procédure de consultation dès lors que la délivrance de l'agrément repose, en vertu des dispositions de l'article R. 141-3 du code de l'environnement, sur l'examen du champ géographique où l'association exerce effectivement son activité statutaire, et non sur son objet social ;
7. Considérant qu'il suit de ce qui a été dit aux points 5 et 6 que le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure suivie ne peut être accueilli ;
8. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte des dispositions de l'article R. 141-3 du code de l'environnement que si un agrément départemental peut être délivré à une association exerçant effectivement son activité statutaire dans le cadre territorial d'un département, quand bien même cette activité ne porterait pas sur l'ensemble du département, il ne saurait en être de même lorsque les activités de l'association ne s'étendent pas effectivement au-delà du territoire d'une commune ou de la protection du cadre de vie des habitants de cette commune et ne présentent pas ainsi une dimension départementale ; que, par suite, dès lors que, comme il a été dit au point 3, le refus d'agrément départemental contesté est fondé sur la circonstance que l'activité principale de l'association se concentre sur la commune de Saint-Jean-Cap-Ferrat, le préfet n'a pas commis d'erreur de droit ;
9. Considérant, en quatrième lieu, qu'il résulte de l'instruction que l'association émet régulièrement des avis au cours des enquêtes publiques relatives à des projets de documents d'urbanisme de la commune de Saint-Jean-Cap-Ferrat et a conduit diverses actions contentieuses en matière d'urbanisme sur le territoire communal ; que si elle a également présenté des observations auprès du commissaire enquêteur dans le cadre de l'élaboration du plan d'occupation des sols de Beaulieu-sur-Mer, comme aurait pu d'ailleurs le faire tout particulier, et participé a l'élaboration du plan de mouillage de la commune de Villefranche-sur-Mer, ces communes sont immédiatement voisines de celle de Saint-Jean-Cap-Ferrat ; qu'elle a engagé des contentieux l'opposant au SIVOM de Villefranche-sur-Mer, dont la commune de Saint-Jean-Cap-Ferrat fait partie ; qu'elle est membre, en qualité d'association de protection de l'environnement concernée par l'environnement aéroportuaire, de la commission consultative de l'environnement de l'aéroport de Nice-Côte d'Azur, situé à une faible distance de Saint-Jean-Cap-Ferrat, et s'intéresse notamment à ce titre à la prévention des nuisances sonores et atmosphériques ; que les actions entreprises en dehors du strict périmètre géographique communal sont susceptibles d'avoir un impact direct sur le cadre de vie des habitants de Saint-Jean-Cap-Ferrat ; qu'il ressort de l'ensemble de ces éléments que les activités que l'association exerce effectivement, qui ne s'étendent pas au-delà du territoire de la commune de Saint-Jean-Cap-Ferrat ou de la protection du cadre de vie des habitants de cette commune, ne présente pas une dimension départementale ; que, dans ces conditions et compte tenu de ce qui a été dit au point précédent, le préfet des Alpes-Maritimes n'a pas entaché le refus d'agrément départemental d'une erreur d'appréciation ;
10. Considérant, en cinquième et dernier lieu, que l'association de protection de l'environnement de Saint-Jean-Cap-Ferrat et des trois corniches ne peut utilement se prévaloir de ce que l'ensemble de ses activités démontrerait que son action présente un " caractère exceptionnel et officiel " lui permettant de bénéficier du 2ème alinéa de l'article R. 141-3 du code de l'environnement dès lors que ni les dispositions invoquées, ni aucune autre disposition législative ou réglementaire, ne mentionnent les actions à " caractère exceptionnel et officiel " ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'association de protection de l'environnement de Saint-Jean-Cap-Ferrat et des trois corniches n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande ; que, par suite, la requête doit être rejetée, y compris les conclusions tendant à la délivrance de l'agrément ainsi que celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de l'association de protection de l'environnement de Saint-Jean-Cap-Ferrat et des trois corniches est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'association de protection de l'environnement de Saint-Jean-Cap-Ferrat et des trois corniches et à la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat.
Délibéré après l'audience du 26 février 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Lascar, président de chambre,
- M. Guidal, président assesseur,
- M. Chanon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 mars 2016.
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N° 14MA05155
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