Par une requête, enregistrée le 5 juillet 2018, M. C..., représenté par Me E..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 5 juin 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 6 février 2018 du préfet du Gard ;
3°) d'enjoindre au préfet du Gard, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer, durant cet examen, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 200 euros à verser à son conseil en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle, sous réserve que son conseil renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Il soutient que :
s'agissant de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences pour son épouse et leur fils ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
s'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- cette décision est privée de base légale à raison de l'illégalité de la décision de refus d'admission au séjour ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 avril 2019, le préfet du Gard conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 septembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Coutier a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., de nationalité marocaine, relève appel du jugement du 5 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 février 2018 par lequel le préfet du Gard a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination pour l'exécution de la mesure d'éloignement.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. C..., qui affirme sans toutefois l'établir par les pièces qu'il verse au dossier être entré en France début 2009 alors qu'il était âgé de seize ans, s'est marié le 2 août 2014 à Alès avec une compatriote. Son épouse a accouché le 30 juin 2015 d'un enfant sans vie, naissance pour laquelle a été établi le 1er juillet 2015 un acte " d'enfant sans vie " par les services de l'état civil de la commune de Nîmes. M. C... a fait l'acquisition d'une concession de quinze ans dans le cimetière de Nîmes pour y fonder la sépulture de cet enfant. Un second enfant est né de l'union de M. C... et de son épouse le 26 novembre 2016. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que l'intéressé effectue du bénévolat dans plusieurs associations telles que l'association des famillesA..., B...social, la Croix-Rouge, Action contre la faim, Les Restos du coeur et a effectué un stage de six mois en qualité d'auxiliaire aumônier en milieu hospitalier, au sein du centre hospitalier universitaire de Nîmes. Eu égard à sa situation familiale particulière, à l'effort réel d'insertion dans la société française dont il fait montre et au fait que son épouse, qui est titulaire d'une carte de résident, a vocation à résider durablement en France, M. C..., qui doit être regardé comme ayant désormais en France le centre de ses intérêts privés et familiaux, est fondé à soutenir que la décision de refus de titre de séjour porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît ainsi les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ". Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé ".
6. Il y a lieu, eu égard aux motifs de l'annulation de l'arrêté contesté, d'enjoindre au préfet du Gard de délivrer un titre de séjour à M. C... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
7. M. C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son conseil peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me E... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me E... de la somme de 1 200 euros.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 5 juin 2018 et l'arrêté du 6 février 2018 du préfet du Gard sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Gard de délivrer à M. C... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus de la requête de M. C... est rejeté.
Article 4 : L'Etat versera une somme de 1 200 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 à Me E..., sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C..., à Me E... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Gard.
Délibéré après l'audience du 3 juin 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Helmlinger, présidente de la Cour,
- M. Guidal, président-assesseur,
- M. Coutier, premier conseiller.
Lu en audience publique le 17 juin 2019.
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N° 18MA03148
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