Par un jugement n° 1602007 du 19 juin 2018, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 août 2018 et le 29 novembre 2018, Mme A..., représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 19 juin 2018 ;
2°) d'annuler la décision du 2 mars 2016 de l'inspectrice du travail ;
3°) de mettre à la charge de la société Purfer ou à défaut de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'inspectrice du travail ne justifie pas d'une délégation de signature régulière ;
- le contradictoire n'a pas été respecté au cours de l'enquête ;
- la décision en litige est insuffisamment motivée ;
- la rupture conventionnelle de son contrat a été conclue dans un contexte de harcèlement moral qui a vicié son consentement, circonstance qui faisait obstacle à ce que soit accordée l'autorisation en litige.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 23 octobre 2018 et le 27 décembre 2018, la société Purfer, représentée par la SELARL Capstan Rhône-Alpes, conclut au rejet de la requête et à ce que
soit mise à la charge de Mme A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée à la ministre du travail qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Guidal,
- et les conclusions de M. Chanon, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... a été embauchée en contrat à durée indéterminée à compter du 1er janvier 2013 par la société Purfer en qualité d'assistante administrative. Elle était également membre élu du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Le 8 janvier 2016, Mme A... et son employeur sont convenus de la rupture de ce contrat de travail. Le 2 mars 2016, l'inspectrice du travail de l'unité territoriale des Alpes-Maritimes a autorisé cette rupture conventionnelle. Mme A... relève appel du jugement du 19 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 2 mars 2016 de l'inspectrice du travail.
Sur la légalité de la décision de l'inspectrice du travail :
2. Aux termes de l'article L. 1237-11 du code du travail : " L'employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie. La rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l'une ou l'autre des parties. Elle résulte d'une convention signée par les parties au contrat. Elle est soumise aux dispositions de la présente section destinée à garantir la liberté du consentement des parties ". L'article L. 1237-15 du même code dispose que : " Les salariés bénéficiant d'une protection mentionnée aux articles L. 2411-1 et L. 2411-2 peuvent bénéficier des dispositions de la présente section. Par dérogation aux dispositions de l'article L. 237-14, la rupture conventionnelle est soumise à l'autorisation de l'inspecteur du travail dans les conditions prévues au chapitre Ier du titre Ier du livre IV, à la section 1 du chapitre Ier et au chapitre II du titre II du livre IV de la deuxième partie. Dans ce cas, et par dérogation aux dispositions de l'article L. 1237-13, la rupture du contrat de travail ne peut intervenir que le lendemain du jour de l'autorisation. (...) ". En sa qualité de membre élue du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail mentionné à l'article L. 2411-2 du code du travail, Mme A... entrait dans le champ de ces dernières dispositions.
3. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque la rupture conventionnelle du contrat de travail de l'un de ses salariés est envisagée, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si le salarié à librement consenti à cette rupture. L'autorité administrative ne peut légalement faire droit à une telle demande d'autorisation que si cette exigence est remplie.
En ce qui concerne la légalité externe :
4. En premier lieu, aux termes de l'article R. 8122-3 du code du travail : " Sans préjudice des dispositions de l'article R. 8121-15, les inspecteurs et les contrôleurs du travail exercent leur mission : / 1° Soit dans une unité de contrôle départementale ou infra-départementale ; (...) ". Aux termes de l'article R. 8122-10 du même code : " I.- Dans chaque unité de contrôle mentionnée au 1° de l'article R. 8122-3, l'agent de contrôle de l'inspection du travail exerce ses missions sur le territoire d'une section. Il peut, lorsqu'une action le rend nécessaire, intervenir sur le reste du territoire de l'unité départementale à laquelle est rattachée l'unité de contrôle où il est affecté. (...) / IV.- Toutefois, l'inspecteur du travail est seul habilité à prendre, dans la section où il exerce ses missions, les décisions qui relèvent de sa compétence exclusive en vertu de dispositions législatives ou réglementaires. ".
5. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 1237-15 du code du travail que la rupture conventionnelle du contrat de travail d'un salarié protégé est soumise à l'autorisation de l'inspecteur du travail, lequel est seul habilité à prendre, dans la section où il exerce ses missions, une telle décision qui relève de sa compétence exclusive. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision en litige, Mme B...E..., inspectrice du travail, signataire de la décision contestée, était affectée à la 5ème section de l'unité de contrôle UC 3 de l'unité territoriale des Alpes-Maritimes, dans le ressort duquel se trouve l'établissement dans lequel est employée Mme A.... Il s'ensuit que Mme E... avait compétence pour autoriser la rupture conventionnelle du contrat de travail de Mme A..., sans avoir à justifier d'une délégation de signature d'une autorité supérieure.
6. En deuxième lieu, à l'effet de concourir à la mise en oeuvre de la protection rappelée au point 3, l'article R. 2421-11 du code du travail, inséré dans la section 1 du chapitre 1er du titre II du livre IV de la deuxième partie du code du travail, applicable en vertu de l'article L. 1237-15 du même code aux demandes d'autorisation de rupture conventionnelle du contrat de travail d'un salarié protégé au titre de son mandat représentatif, dispose que l'inspecteur du travail " procède à une enquête contradictoire ".
7. Si Mme A... soutient qu'elle n'a pas eu connaissance des éléments d'appréciation recueillis au cours de l'enquête contradictoire, il ressort des pièces du dossier que l'inspectrice du travail, saisie de la demande d'autorisation de la rupture conventionnelle du contrat de travail de Mme A... présentée par la société Purfer, a invité tant la salariée concernée que son employeur à participer à l'enquête à laquelle elle a procédé. Elle a entendu séparément, d'une part, Mme A... et d'autre part, la responsable des ressources humaines de la société Purfer le 18 février 2016. La circonstance que Mme A... n'a été entendu qu'à une seule reprise n'est pas de nature à affecter le caractère contradictoire de la procédure. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'inspectrice du travail aurait recueilli, en dehors de ces auditions, des éléments déterminants notamment des témoignages ou des pièces nouvelles de nature à établir si la salariée avait ou non librement consentie à cette rupture et dont celle-ci et son employeur auraient dû être mis à même de prendre connaissance. Dans ces conditions, l'enquête a été menée contradictoirement conformément aux dispositions de l'article R. 2421-11 du code du travail.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 2421-12 du code du travail, inséré dans la section 1 du chapitre 1er du titre II du livre IV de la deuxième partie : " La décision de l'inspecteur du travail est motivée (...) ".
9. Il ressort des pièces du dossier que, dans sa décision, l'inspectrice du travail, après avoir rappelé les dispositions applicables du code du travail et les résultats de l'enquête contradictoire, a motivé son accord en se fondant sur les circonstances que la procédure interne à l'entreprise inhérente à la rupture conventionnelle avait été régulièrement suivie, que le montant de l'indemnité conventionnelle respectait les dispositions de l'article L. 1237-13 du code du travail, que la salariée consentait à son départ de l'entreprise dans le cadre de la rupture conventionnelle qu'elle avait conclue et qu'il n'existait aucun lien entre la procédure engagée et le mandat détenu. Dans la mesure où l'inspectrice du travail relevait dans sa décision que Mme A... consentait à son départ, elle estimait implicitement mais nécessairement qu'il n'existait pas d'éléments ayant pu vicier son consentement. Dès lors, et même si elle ne l'a pas expressément mentionné dans la décision en litige, celle-ci est suffisamment motivée. Il en résulte que les dispositions de l'article R. 2421-12 du code du travail n'ont pas été méconnues.
En ce qui concerne la légalité interne :
10. Si, dans le cas où la rupture conventionnelle du contrat de travail d'un salarié protégé est soumise à l'autorisation de l'inspecteur du travail, celui-ci doit vérifier que le salarié a librement consenti à cette rupture et notamment qu'aucune circonstance n'a altéré sa volonté, il ne lui appartient pas, dans l'exercice de ce contrôle, de rechercher la cause de cette altération, y compris dans le cas où le vice du consentement allégué résulterait d'un harcèlement moral.
11. Il résulte de ce qui vient d'être dit, que l'inspectrice du travail n'a pas méconnu les dispositions du code du travail en ne recherchant pas si, en l'espèce, Mme A... avait ou non fait l'objet de faits de harcèlement moral. Le moyen tiré de ce que la requérante aurait fait l'objet de tels faits est, par suite, sans incidence sur la légalité de la décision en litige.
12. Si Mme A... se prévaut d'un état dépressif au cours de l'année 2015 et produit des certificats médicaux et plusieurs arrêts de travail dont il résulte qu'elle a été victime au cours de cette période d'un syndrome anxio-dépressif, aucun des éléments produits ne permet d'établir que celui-ci résulterait de violences morales exercées au sein de l'entreprise, ni que de telles violences seraient à l'origine de la rupture conventionnelle de son contrat de travail. En l'état des pièces du dossier, il n'est nullement établi que l'état de santé de l'intéressée aurait altéré de manière significative ses facultés mentales et l'aurait empêchée d'être en capacité de consentir librement et de façon éclairée à la rupture conventionnelle de son contrat de travail. Par suite, en estimant que la salariée avait librement consenti à son départ de l'entreprise, l'inspectrice du travail a fait une exacte application des dispositions précitées du code du travail relatives à la rupture conventionnelle du contrat de travail.
13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Purfer ou de l'Etat, qui ne sont pas dans la présente instance les parties perdantes, la somme demandée par Mme A..., au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de faire application de ces mêmes dispositions en mettant à la charge de Mme A... la somme de 1 500 euros à verser à la société Purfer.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Mme A... versera à la société Purfer la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... A..., à la ministre du travail et à la société Purfer.
Délibéré après l'audience du 3 juin 2019, où siégeaient :
- Mme Helmlinger, présidente de la Cour,
- M. Guidal, président assesseur,
- Mme D..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 17 juin 2019.
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N° 18MA03973
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