Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 13 février 2018 et le 2 juillet 2018, M. C..., représenté par la SCP Dessalces et Associés, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 8 février 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 23 octobre 2017 du préfet de l'Hérault ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle, sous réserve que son conseil renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Il soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé.
Sur la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
- il justifie de la solidité de ses attaches personnelles et familiales en France ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;
- la décision querellée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- cette décision est privée de base légale à raison de l'illégalité de la décision de refus d'admission au séjour ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 août 2018, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 20 avril 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la Cour a désigné M. Georges Guidal, président assesseur, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Coutier a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., de nationalité marocaine, relève appel du jugement du 8 février 2018 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 octobre 2017 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination pour l'exécution de la mesure d'éloignement.
Sur la légalité de l'arrêté du 23 octobre 2017 :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. M. C... est entré pour la dernière fois en France le 10 mars 2013 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa Schengen d'une durée de validité de dix jours. Il s'est marié le 9 août 2011 à une compatriote qui titulaire d'une carte de résident de dix ans et de cette union sont nés en France trois enfants, des jumeaux le 7 janvier 2014 et le dernier le 18 juin 2015. Les pièces qu'il produit dans l'instance sont de nature à établir qu'il réside habituellement en France depuis 2013. Alors même que l'intéressé a déjà fait l'objet durant cette période de deux décisions préfectorales d'éloignement auxquelles il n'a pas déféré, l'ancienneté et la stabilité du mariage et la naissance des trois enfants démontrent qu'il a fixé ses attaches familiales et personnelles en France. Dans ces conditions la décision du 23 octobre 2017 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour a porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels l'arrêté en litige a été pris, et a ainsi méconnu l'article 8 précité de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué ni sur les autres moyens de la requête, M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Il est, dès lors, fondé à demander l'annulation de ce jugement et de l'arrêté en litige.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
4. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".
5. Eu égard au motif d'annulation qui le fonde, le présent arrêt implique nécessairement la délivrance du titre de séjour sollicité par M. C.... Il ne résulte pas de l'instruction qu'à la date du présent arrêt, des éléments de droit ou de fait nouveaux justifieraient que l'autorité administrative oppose à la demande de l'intéressé une nouvelle décision de refus. Il y a lieu, dès lors, d'enjoindre au préfet de l'Hérault de délivrer à l'intéressé un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
6. M. C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle. Par suite, son conseil peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Dessalces et Associés renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la SCP Dessalces et Associés de la somme de 1 500 euros.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du 8 février 2018 du tribunal administratif de Montpellier et l'arrêté du préfet de l'Hérault du 23 octobre 2017 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Hérault de délivrer à M. C... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à la SCP Dessalces et Associés une somme de 1 500 euros, en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que la SCP Dessalces et Associés renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à la SCP Dessalces et Associés et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 14 décembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Guidal, président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222 - 26 du code de justice administrative,
- Mme B..., première conseillère,
- M. Coutier, premier conseiller.
Lu en audience publique le 28 décembre 2018.
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N° 18MA00683
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