Procédure devant la Cour :
Par une requête et trois mémoires, enregistrés les 18 novembre 2016, 17 janvier 2018, 29 mars 2018 et 16 avril 2018, sous le n° 16MA04224, l'association Groupe Ornithologique du Roussillon, représentée par Me B... demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 20 septembre 2016 ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 16 décembre 2013 et la décision implicite de rejet de son recours gracieux née le 13 avril 2014 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la société Centrale éolienne du Fenouillèdes la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal a commis une erreur de fait quant au domaine vital de l'aigle de Bonelli ;
- l'étude est entachée d'une erreur de fait quant à la présence de l'aigle de Bonelli à proximité du projet ;
- cette étude est entachée d'une erreur de fait quant au territoire de chasse de l'aigle royal ;
- le tribunal a commis une erreur de droit en estimant que le projet n'avait pas à envisager ses effets cumulés avec ceux de l'éolienne de Centernach déjà existante ;
- il a commis une erreur de fait en estimant que l'étude d'impact avait pris en compte les effets cumulés du projet avec l'éolienne de Centernach alors que ceux-ci n'ont été envisagés que du point de vue paysager ;
- l'étude d'incidences en ce qu'elle conclut à une absence d'incidence notable du projet présente un caractère insuffisant ;
- les mesures d'accompagnement prévues par l'étude d'impact sont insuffisamment précises pour pouvoir juger de leur pertinence ;
- elles ne peuvent se substituer à la mesure compensatoire préconisée par l'étude d'impact ;
- le projet porte atteinte aux objectifs de conservation de la zone de protection spéciale (ZPS) " Basses Corbières ".
Par trois mémoires en défense, enregistrés les 28 septembre 2017, 9 avril 2018 et 3 mai 2018, la société Centrale éolienne du Fenouillèdes conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de l'association Groupe Ornithologique du Roussillon la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par l'association Groupe Ornithologique du Roussillon ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 février 2018, le ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par l'association Groupe Ornithologique du Roussillon ne sont pas fondés.
Le mémoire présenté par l'association Groupe Ornithologique du Roussillon, enregistré le 7 mai 2018, n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- les conclusions de M. C...,
- et les observations de Me B..., représentant l'association Groupe Ornithologique du Roussillon et de Me A..., représentant la société Centrale éolienne du Fenouillèdes.
Une note en délibéré présentée pour la société Centrale éolienne du Fenouillèdes a été enregistrée le 20 mars 2019.
Considérant ce qui suit :
1. La société Centrale éolienne du Fenouillèdes a déposé, le 2 décembre 2012, une demande d'autorisation d'exploiter un parc éolien constitué de dix aérogénérateurs d'une hauteur maximale de 101 mètres et d'un poste de livraison sur les communes de Lesquerde et de Saint-Arnac, aux lieux-dits " la Serrette ", " Lou Casteillets " et " Castillets ". Par un arrêté du 16 décembre 2013, le préfet des Pyrénées-Orientales a accordé à cette société l'autorisation sollicitée. L'association Groupe Ornithologique du Roussillon relève appel du jugement du 20 septembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Il appartient au juge du plein contentieux des installations classées pour la protection de l'environnement d'apprécier le respect des règles de procédure régissant la demande d'autorisation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de l'autorisation et celui des règles de fond régissant l'installation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce.
S'agissant de l'étude d'impact :
3. Aux termes de l'article R. 122-5 du code de l'environnement dans sa version en vigueur à la date de l'arrêté contesté : " I.- Le contenu de l'étude d'impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des travaux, ouvrages et aménagements projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. / II.- L'étude d'impact présente : / 1° Une description du projet comportant des informations relatives à sa conception et à ses dimensions, y compris, en particulier, une description des caractéristiques physiques de l'ensemble du projet et des exigences techniques en matière d'utilisation du sol lors des phases de construction et de fonctionnement (...) / 2° Une analyse de l'état initial de la zone et des milieux susceptibles d'être affectés par le projet, portant notamment sur la population, la faune et la flore, les habitats naturels, les sites et paysages, les biens matériels, les continuités écologiques telles que définies par l'article L. 371-1, les équilibres biologiques, les facteurs climatiques, le patrimoine culturel et archéologique, le sol, l'eau, l'air, le bruit, les espaces naturels, agricoles, forestiers, maritimes ou de loisirs, ainsi que les interrelations entre ces éléments ; / 3° Une analyse des effets négatifs et positifs, directs et indirects, temporaires (y compris pendant la phase des travaux) et permanents, à court, moyen et long terme, du projet sur l'environnement, (...) / 4° Une analyse des effets cumulés du projet avec d'autres projets connus. Ces projets sont ceux qui, lors du dépôt de l'étude d'impact / ont fait l'objet d'un document d'incidences au titre de l'article R. 214-6 et d'une enquête publique / ont fait l'objet d'une étude d'impact au titre du présent code et pour lesquels un avis de l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement a été rendu public (...) / 7° Les mesures prévues par le pétitionnaire ou le maître de l'ouvrage pour : / éviter les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine et réduire les effets n'ayant pu être évités ; / compenser, lorsque cela est possible, les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine qui n'ont pu être ni évités ni suffisamment réduits. S'il n'est pas possible de compenser ces effets, le pétitionnaire ou le maître d'ouvrage justifie cette impossibilité. (...) ". Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure, et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude, que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.
Quant à l'aigle de Bonelli :
4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que l'étude d'impact du mois de novembre 2012 comprend une partie dédiée à l'état initial et plus particulièrement au plan national d'action (PNA) de l'aigle de Bonelli qui mentionne que l'aire d'étude du projet se situe en limite occidentale du domaine vital de l'aigle de Bonelli " Corbières-Fenouillèdes ". Cette partie comprend une carte relative au domaine vital de cette espèce sur le Languedoc-Roussillon qui montre que l'aire d'étude du projet le recoupe sur une partie dans les Pyrénées-Orientales. Bien que cette carte n'indique pas exactement l'emprise du projet par rapport au domaine vital et ne fasse apparaître qu'un domaine d'étude, une autre carte intitulée " APB - Projet de Fenouillèdes - PO (66) " illustre l'aire d'étude immédiate et la zone de développement de l'éolien (ZDE) existante, ainsi qu'en vert, la zone du PNA de l'aigle de Bonelli. La circonstance que la mention " domaine vital " ait disparu de la légende de cette deuxième carte n'est pas de nature à créer une confusion, pas plus que l'utilisation de la couleur vert foncé pour indiquer la zone de présence de l'aigle selon le PNA, cette couleur se distinguant nettement du vert pâle utilisé pour le reste de la carte. Cette dernière peut être recoupée avec une autre carte de l'étude d'impact relative aux enjeux humains identifiés qui localise les éoliennes du projet de Fenouillèdes au sein de cette même zone d'étude. L'association Groupe Ornithologique du Roussillon se prévaut de l'avis défavorable du 23 septembre 2013 de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) du Languedoc-Roussillon qui estime que le projet en litige se situe dans le domaine vital de l'aigle de Bonelli. Toutefois, la société Centrale éolienne du Fenouillèdes produit la cartographie de synthèse des données télémétriques et analyses effectuées de novembre 2014 à novembre 2015 par le conservatoire d'espaces naturels (CEN) du Languedoc-Roussillon à partir des suivis par GPS de l'aigle de Bonelli et auxquels a participé l'association requérante d'où il ressort que le domaine vital de cette espèce correspond au kernel 95 qui est le périmètre dans lequel l'individu est apparu dans 95 % des cas, étant précisé que par rapprochement avec les autres cartes de l'étude, le parc en litige n'est pas situé dans ce périmètre. Si l'association requérante verse au débat une autre carte correspondant au kernel 99 lequel englobe cinq éoliennes, la société Centrale éolienne du Fenouillèdes fait valoir que la surface supplémentaire ne correspond qu'à 4 % de localisation supplémentaire de l'aigle qui ainsi passe 95 % de son temps sur 60 % à peine de la superficie couverte par le Kernel 99. Elle en déduit que les incursions de l'aigle sont donc très rares, l'individu passant la quasi-totalité de son temps au sein du kernel 95. Il s'en suit que l'étude d'impact n'est pas insuffisante quant à l'indication du domaine vital de l'aigle de Bonelli, ni entachée d'erreur de fait sur ce point.
5. En second lieu, l'étude d'impact se réfère à une étude spécifique consacrée à l'aigle de Bonelli, réalisée par le porteur du projet en septembre 2012, qui relève que la zone d'implantation du projet d'éolienne est située à 2,5 kilomètres de la zone nord et à 3 kilomètres de la zone sud de l'APBB Bac de l'Alvèse sur laquelle est actuellement installé l'aigle de Bonelli. Les éléments de cette étude réalisée sur douze jours et repris dans l'étude d'impact indiquent que l'aigle de Bonelli ne semble utiliser le site que rarement et à haute altitude, le projet n'empiétant ni sur son aire de reproduction, ni sur ses territoires de chasse et de repos. L'étude d'impact mentionne également que les deux seules observations qui ont eu lieu correspondent à des transits en bordure du site à haute altitude et comprend une carte des altitudes de vol des observations de l'aigle de Bonelli reprise de l'étude spécifique qui montre un seul vol en altitude de risque fort, entre 0 et 150 mètres en bordure nord-est du projet. Ces constatations sont corroborées par l'étude d'impact du 22 novembre 2010 réalisée par le bureau Calidris à la demande de la société Valeco qui précise que bien que nichant à proximité de la zone du projet cette espèce n'a jamais été observée en transit ou en action de chasse. Le fait que la zone soit vouée à la viticulture et que le lapin, qui est une proie essentielle pour l'aigle de Bonelli, soit classé nuisible expliquent le fait que la zone d'implantation du projet ne soit pas utilisée par l'espèce. En outre, il ne peut être reproché à l'étude d'impact de ne pas avoir pris en compte l'arrivée en 2016, soit postérieurement à l'arrêté contesté, d'une nouvelle femelle ni de ne pas avoir évalué la fréquentation du site en période de reproduction de l'aigle de Bonelli dès lors que celle-ci n'avait pas eu lieu depuis 2008. Dès lors l'étude d'impact n'est pas entachée d'erreur de fait quant à la présence de l'aigle de Bonelli à proximité du projet ni n'a sous-estimé ses conséquences sur l'environnement.
Quant à l'aigle Royal :
6. L'étude d'impact comprend une note d'un expert ornithologue selon lequel cette espèce a été observée à chaque visite de terrain au dessus du site d'étude mais que, dans tous les cas, l'individu survolait la zone à plus de 500 mètres d'altitude et que le site n'était ou ne pouvait pas être utilisé comme territoire de chasse. La circonstance que dans l'étude Calidris réalisée en 2010, ce même expert ait estimé que le site constituait une zone importante du territoire de chasse de l'aigle Royal, est sans incidence dès lors qu'il n'est pas démontré qu'entre temps, la situation n'aurait pas évolué. Ainsi, l'étude d'impact ne comporte pas d'incohérences ni ne sous-évalue la présence de l'aigle Royal dans le secteur du projet en litige.
Quant aux autres espèces de l'avifaune :
7. L'étude d'impact précise que le Circaète Jean-le-Blanc a été observé in situ mais ne niche pas sur l'emprise du projet. En outre, une carte de l'étude indique que la zone de nidification de cette espèce se situe hors de l'emprise du projet bien qu'à proximité. Cette constatation n'est pas en contradiction avec celle de l'étude Calidris du 22 novembre 2010 qui a relevé que cette espèce niche à proximité immédiate du site. Par ailleurs, l'étude d'impact prévoit l'absence de travaux en période de nidification. Elle se réfère aussi à l'étude Calidris dans le tableau récapitulatif des observations lors du suivi hivernal qui mentionne une observation du faucon Pélerin sur le site en hivernage. Elle comprend également une carte indiquant une zone de nidification de ces deux espèces hors de l'emprise du projet et à proximité et un tableau selon lequel le faucon pèlerin est présent à une fréquence relative évaluée entre 10 à 25 %. Par suite, l'étude d'impact n'est pas entachée d'insuffisance ni d'inexactitude ou d'incohérence concernant les autres espèces de l'avifaune et n'a pas sous-estimé les conséquences du projet sur l'environnement.
Quant aux effets cumulés avec l'éolienne de Centernach :
8. Il ressort des pièces du dossier que l'état initial de l'étude d'impact analyse les effets sur le paysage des carrières d'extraction de Feldspath et de l'éolienne de Centernach laquelle est indiquée sur les cartes de cette étude. Cette dernière relève les effets cumulés avec d'autres projets éoliens situés à Prugnanes et à Saint-Paul de Fenouillet sans toutefois tenir compte de l'éolienne de Centernach. Ainsi, les effets cumulés du projet contesté avec cette éolienne n'ont pas été analysés. Toutefois, une telle omission n'a pas pu nuire à l'information complète de la population ni n'a été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative dès lors que la société Centrale éolienne du Fenouillèdes fait valoir sans être contestée qu'il n'y aura aucun effet cumulé avec le projet en raison du démontage de cette éolienne avant la réalisation du parc éolien qui est prévu dans le courant du mois d'octobre 2017.
S'agissant de l'étude d'incidences Natura 2000 :
9. Il ressort des pièces du dossier que le dossier d'enquête publique comprend une étude d'incidences sur les sites Natura 2000 réalisée en novembre 2012. D'après cette étude, le secteur d'implantation du projet est entouré de seize sites Natura 2000 dans un rayon de 25 kilomètres, les plus proches étant la zone de protection spéciale (ZPS) de Basses Corbières située à 0,3 kilomètres qui est proposée pour la conservation de l'aigle de Bonelli, et d'autres rapaces tels que le Faucon pèlerin, l'aigle royal, le Cochevis de Thékla, la SIC dit " sites à chiroptères des Pyrénées-Orientales ", localisée à 6 kilomètres et la ZSC Fenouillèdes à près de 7,7 kilomètres qui comporte des grands Rhinolopes ainsi que des petits et grands Murins. L'étude d'incidences analyse de façon suffisamment précise ces sites en relevant pour chacun les espèces animales concernées, leur qualité, leur importance et leur vulnérabilité. Par ailleurs, elle comprend une évaluation des incidences du projet sur les oiseaux, les chiroptères et sur les autres espèces avec, pour chacun, l'impact en terme de dérangement en période de nidification, de risque de collision et de pertes d'habitats ou de rupture écologique. La circonstance que cette étude ne reprenne pas la mesure compensatoire consistant à financer l'acquisition de terrains naturels dans la limite de 250 000 euros correspondant à une surface de 100 à 166 hectares et la mise en place d'une gestion pastorale sur la durée d'exploitation du parc sur une surface de 50 hectares est sans incidence dès lors qu'elle mentionne de manière suffisamment précise d'autres mesures de suppression, de réduction et d'accompagnement pour chaque espèce et alors que l'étude Calidris ne prévoit nullement cette mesure comme étant une condition expresse. Les circonstances que le site à Chiroptère des Pyrénées-Orientales et la zone de protection spéciale (ZPS) " Basse Corbières " se trouvent respectivement à 6 kilomètres et à 300 mètres du projet de parc éolien et que la distance de perturbation d'un tel parc serait évaluée entre 875 mètres à 1 300 mètres pour l'aigle royal et de 950 mètres à 1 100 mètres pour l'aigle de Bonelli, n'est pas de nature à démontrer que l'étude d'incidences serait insuffisante compte tenu de ce qui vient d'être dit. Si l'association Groupe Ornithologique du Roussillon se prévaut des commentaires de l'autorité environnementale selon lesquels bon nombre des espèces d'oiseaux et de chauve-souris observées sur le site sont des espèces qui ont contribué à la désignation des sites Natura 2000 voisins et que l'évaluation des incidences sur les sites Natura 2000 devrait donc être réévaluée en conséquence, cet avis de caractère trop général ne revêt pas, en tout état de cause, un caractère contraignant. Par suite, cette étude d'incidences ne présente pas un caractère insuffisant.
S'agissant de la prise en compte d'une mesure compensatoire :
10. Aux termes de l'article L. 414-4 du code de l'environnement dans sa version applicable à la date de l'arrêté contesté : " I. - Lorsqu'ils sont susceptibles d'affecter de manière significative un site Natura 2000, individuellement ou en raison de leurs effets cumulés, doivent faire l'objet d'une évaluation de leurs incidences au regard des objectifs de conservation du site, dénommée ci-après " Evaluation des incidences Natura 2000 " : (...) / 2° Les programmes ou projets d'activités, de travaux, d'aménagements, d'ouvrages ou d'installations ; (...) / III.- Sous réserve du IV bis, les documents de planification, programmes ou projets ainsi que les manifestations ou interventions soumis à un régime administratif d'autorisation, d'approbation ou de déclaration au titre d'une législation ou d'une réglementation distincte de Natura 2000 ne font l'objet d'une évaluation des incidences Natura 2000 que s'ils figurent : / 1° Soit sur une liste nationale établie par décret en Conseil d'Etat ; / 2° Soit sur une liste locale, complémentaire de la liste nationale, arrêtée par l'autorité administrative compétente. (...) / VI. - L'autorité chargée d'autoriser, d'approuver ou de recevoir la déclaration s'oppose à tout document de planification, programme, projet, manifestation ou intervention si l'évaluation des incidences requise en application des III, IV et IV bis n'a pas été réalisée, si elle se révèle insuffisante ou s'il en résulte que leur réalisation porterait atteinte aux objectifs de conservation d'un site Natura 2000. (...) / VII.- Lorsqu'une évaluation conclut à une atteinte aux objectifs de conservation d'un site Natura 2000 et en l'absence de solutions alternatives, l'autorité compétente peut donner son accord pour des raisons impératives d'intérêt public majeur. Dans ce cas, elle s'assure que des mesures compensatoires sont prises pour maintenir la cohérence globale du réseau Natura 2000. (...) ".
11. Il résulte de ces dispositions que l'autorisation d'un projet entrant dans leur champ d'application ne peut être accordée qu'à la condition que les autorités compétentes, une fois identifiés tous les aspects dudit projet pouvant, par eux-mêmes ou en combinaison avec d'autres plans ou projets, affecter les objectifs de conservation du site Natura 2000 concerné et compte tenu des meilleures connaissances scientifiques en la matière, aient acquis la certitude, au moment où elles autorisent le projet, qu'il est dépourvu d'effets préjudiciables durables à l'intégrité du site concerné. Il en est ainsi lorsqu'il ne subsiste aucun doute raisonnable d'un point de vue scientifique quant à l'absence de tels effets. D'autre part, il résulte de ces dispositions que, pour évaluer les incidences du projet sur l'état de conservation de ce site, il doit être tenu compte des mesures, prévues par le projet, de nature à supprimer ou réduire les effets dommageables de celui-ci sur le site en cause mais, en revanche, il n'y a pas lieu de tenir compte, à ce stade, des mesures compensatoires envisagées, le cas échéant, dans l'étude d'incidences.
12. Ainsi qu'il a été dit au point 9, l'étude d'incidences Natura 2000 prévoit une série de mesures de suppression et de réduction pour chaque espèce consistant notamment en l'éloignement des éoliennes des escarpements rocheux et des grands arbres, l'absence de travaux en avril et septembre, l'implantation en continuité d'une zone anthropisée, la limitation de la hauteur des éoliennes ou encore l'évitement des maquis hauts et des zones humides. Cette étude conclut que suite aux mesures de réduction et de suppression envisagées, il n'y a pas d'incidence, ni d'effet significatif dommageable du projet sur les espèces d'oiseaux et de chiroptères qui ont permis la désignation des sites Natura 2000 concernés. Par suite, il n'était pas nécessaire que soit prise en compte la mesure compensatoire consistant à financer l'acquisition de terrains naturels mentionnée au point 9 dans l'étude d'incidences, cette mesure n'ayant pas au demeurant été remplacée par de simples mesures d'accompagnement. La circonstance à la supposer établie que l'autorité environnementale aurait estimé que ces mesures n'étaient pas suffisamment abouties et détaillées est sans incidence.
S'agissant de l'atteinte à la zone de protection spéciale de Basses Corbières :
13. Comme indiqué aux points 4 et 5, l'aigle de Bonelli ne semble utiliser le site que rarement et à haute altitude, le projet n'empiétant ni sur son aire de reproduction ni sur ses territoires de chasse, ces constatations étant corroborées par l'étude d'impact du 22 novembre 2010 qui précise que, bien que nichant à proximité de la zone du projet, cette espèce n'a jamais été observée en transit ou en action de chasse. Le fait que la zone soit vouée à la viticulture et que le lapin, qui est une proie essentielle pour l'aigle de Bonelli, soit classé nuisible expliquent le fait que la zone d'implantation du projet ne soit pas utilisée par l'espèce. Par ailleurs, le site du projet en litige est implanté sur une zone déjà anthropisée située à proximité d'une carrière en exploitation. De même, le site n'est pas un territoire de chasse de l'aigle Royal. L'association Groupe Ornithologique du Roussillon n'établit pas que le projet aura des conséquences significatives sur ces espèces en se fondant sur le seul plan national d'action (PNA) selon lequel, face aux parcs éoliens, l'aigle de Bonelli et l'aigle Royal ont tendance à éviter les abords des éoliennes, ce qui se traduirait par des pertes d'habitats de chasse et à une délocalisation du site de reproduction. D'autant qu'il résulte de l'étude d'impact et de l'étude d'incidences Natura 2000 que la société Centrale éolienne du Fenouillèdes a prévu une série de mesures de réduction et de suppression concernant l'impact du projet sur l'avifaune comprenant l'éloignement des éoliennes des escarpements rocheux et des grands arbres, l'absence de travaux entre avril et septembre, l'implantation en continuité d'une zone anthropisée non utilisée pour la chasse et la limitation de la hauteur des éoliennes. En outre, il résulte d'un courrier du 21 octobre 2013 adressé au préfet des Pyrénées-Orientales que la société Eolienne du Fenouillèdes a pris l'engagement de mettre en place sept systèmes de détection des oiseaux en vol conduisant à l'arrêt des éoliennes afin d'écarter tout risque de collision, la sécurisation des lignes électriques, qui constitue la principale cause de mortalité de l'aigle de Bonelli et le financement d'une opération de suivi télématique du couple d'aigles en cause. Ainsi, l'étude d'impact conclut à un impact " très faible " concernant le risque de collision et un impact " nul " sur la perte d'habitat. L'association Groupe Ornithologique du Roussillon ne démontre pas que le système de détection des oiseaux en vol conduisant à l'arrêt des éoliennes ne présente aucune efficacité en se référant à un article de la Ligue de Protection pour les Oiseaux (LPO) qui a constaté, en 2016, six cas de mortalité chez le faucon crécerelletes dus à des éoliennes équipées de ce système, ces cas concernant un site et des espèces différents. Si elle se prévaut de la mort d'un aigle Royal dans l'Hérault causé par une éolienne équipée d'un tel système, la société Centrale éolienne du Fenouillèdes fait valoir que le système de détection était défaillant au moment de la collision. Enfin, le système de détection des oiseaux en vol n'étant pas efficace sur les petits passereaux, d'autres mesures sont prévues telles que l'évitement des maquis hauts, l'absence de travaux entre avril et septembre et la revitalisation des zones perturbées par le chantier, alors qu'un faible effectif a été recensé dans la zone. Par suite, l'arrêté en litige ne porte pas atteinte à l'avifaune de la zone de protection spéciale (ZPS) de Basses Corbières.
14. Il résulte de tout ce qui précède que l'association Groupe Ornithologique du Roussillon n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 16 décembre 2013 et de la décision rejetant son recours gracieux.
Sur les frais liés au litige :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat et de la société Centrale éolienne du Fenouillèdes, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, tout ou partie de la somme que l'association Groupe Ornithologique du Roussillon demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la société Centrale éolienne du Fenouillèdes présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de l'association Groupe Ornithologique du Roussillon est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la société Centrale éolienne du Fenouillèdes présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Groupe Ornithologique du Roussillon, à la société Centrale éolienne du Fenouillèdes et au ministre de la transition écologique et solidaire.
Copie en sera adressée à la commune de Lesquerde et à la commune de Saint-Arnac.
Délibéré après l'audience du 15 mars 2019, où siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- M. Guidal, président assesseur,
- Mme D..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 29 mars 2019.
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N° 16MA04224
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