Procédure devant la Cour :
Par un recours et un mémoire, enregistrés le 19 janvier 2018 et le 27 juin 2018, la ministre des solidarités et de la santé demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 21 novembre 2017 ;
2°) de rejeter la demande de l'union départementale des associations familiales des Bouches-du-Rhône présentée devant le tribunal administratif de Marseille.
Elle soutient que :
- c'est de manière erronée que le tribunal administratif a estimé que le signataire de l'arrêté ministériel en litige ne disposait pas d'une délégation de signature régulière ;
- les autres moyens soulevés en première instance par l'union départementale des associations familiales des Bouches-du-Rhône tirés du défaut de motivation de l'arrêté en litige, de sa notification irrégulière, de l'absence de coût pour les finances publiques et de la méconnaissance du principe d'égalité ne sont pas fondés ;
- il en est de même du moyen soulevé pour la première fois en appel tiré de l'irrégularité de la composition de la commission nationale d'agrément.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 avril 2018, l'union départementale des associations familiales des Bouches-du-Rhône (UDAF 13), représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint à l'autorité administrative, à titre principal, d'agréer l'accord collectif d'entreprise du 23 septembre 2014 relatif à l'aménagement du temps de travail dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et à titre subsidiaire de prendre une nouvelle décision sous la même condition de délai, enfin de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la ministre des solidarités et de la santé ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;
- le décret n° 2006-672 du 8 juin 2006 ;
- l'arrêté du 25 janvier 2010 portant organisation de la direction générale de la cohésion sociale en services, en sous-directions et en bureaux ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Guidal,
- et les conclusions de M. Chanon, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Sur le fondement des dispositions de l'article L. 314-6 du code de l'action sociale et des familles, la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes a, au III de l'article 2 de l'arrêté du 19 février 2015 relatif à l'agrément de certains accords de travail applicables dans les établissements et services du secteur social et médico-social privé à but non lucratif, refusé d'agréer l'accord collectif d'entreprise relatif à l'aménagement du temps de travail (repos compensateurs), conclu le 23 septembre 2014. L'union départementale des associations familiales des Bouches-du-Rhône (UDAF 13), signataire de cet accord, a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler, dans cette mesure, l'arrêté ministériel du 19 février 2015 ainsi que la décision du 23 juillet 2015 par laquelle la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes a rejeté son recours gracieux dirigé contre le refus d'agrément. La ministre des solidarités et de la santé relève appel du jugement du 21 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Marseille a fait droit à cette demande et a annulé, dans cette mesure, l'arrêté ministériel du 19 février 2015 ainsi que la décision du 23 juillet 2015.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 314-6 du code de l'action sociale et des familles : " Les conventions collectives de travail, conventions d'entreprise ou d'établissement et accords de retraite applicables aux salariés des établissements et services sociaux et médico-sociaux à but non lucratif dont les dépenses de fonctionnement sont, en vertu de dispositions législatives ou réglementaires, supportées, en tout ou partie, directement ou indirectement, soit par des personnes morales de droit public, soit par des organismes de sécurité sociale, ne prennent effet qu'après agrément donné par le ministre compétent après avis d'une commission où sont représentés des élus locaux et dans des conditions fixées par voie réglementaire (...) ". En vertu de l'article R. 314-197 du même code, le ministre compétent pour donner l'agrément mentionné à l'article L. 314-6 est celui chargé de l'action sociale.
3. D'autre part, aux termes de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 : " A compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions ou à compter du jour où cet acte prend effet, si ce jour est postérieur, peuvent signer, au nom du ministre ou du secrétaire d'Etat et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : (...) 2° Les chefs de service, directeurs adjoints, sous-directeurs (... ) ".
4. Il ressort des pièces du dossier que Mme D...C..., inspectrice générale de l'administration, signataire de l'arrêté critiqué, a été nommée par arrêté du Premier ministre, du ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique, de la ministre des affaires sociales et de la santé et de la ministre des droits des femmes, de la ville, de la jeunesse et des sports en date du 16 juin 2014, en qualité de chef du service des politiques d'appui, adjointe à la directrice générale de la cohésion sociale (groupe II) à la direction générale de la cohésion sociale, à l'administration centrale du ministère de l'économie, du redressement productif et du numérique, du ministère des affaires sociales et de la santé et du ministère des droits des femmes, de la ville, de la jeunesse et des sports, pour une période d'un an. Du fait des attributions du service placé sous son autorité qui, selon les dispositions de l'article 9 de l'arrêté interministériel du 25 janvier 2010 portant organisation de la direction générale de la cohésion sociale en services, en sous-directions et en bureaux, est chargé des relations avec les partenaires sociaux du secteur social et médico-social et notamment des demandes d'agrément des conventions collectives et accords de travail pour les établissements et services soumis à cette procédure, elle disposait, en sa qualité de chef de service, d'une délégation régulière pour signer l'arrêté litigieux au nom de la ministre chargée de l'action sociale.
5. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur ce l'administration ne justifiait pas d'une délégation de signature au profit de Mme C... lui donnant compétence pour signer l'acte en litige, pour annuler l'arrêté ministériel du 19 février 2015 ainsi que, par voie de conséquence, la décision du 23 juillet 2015 rejetant le recours gracieux de l'UDAF 13.
6. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par l'union départementale des associations familiales des Bouches-du-Rhône devant le tribunal administratif de Marseille et devant la Cour.
Sur les autres moyens soulevés par l'UDAF 13 :
7. Aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs, en vigueur à la date de l'arrêté en litige, dont les dispositions sont désormais codifiées à l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " (...) doivent être motivées les décisions qui : (...) / - refusent une autorisation (...) ". Selon l'article R. 314-198 du code de l'action sociale et des familles : " Les décisions prises après avis de la Commission nationale d'agrément font l'objet d'une notification par lettre recommandée avec avis de réception aux signataires de la convention ou de l'accord et d'une publication au Journal officiel de la République française ".
8. Les refus d'agrément pris sur le fondement de l'article L. 314-6 du code de l'action sociale et des familles sont au nombre des décisions qui doivent être motivées en application des dispositions précitées de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979. Pour satisfaire à cette exigence de motivation, le ministre chargé de l'action sociale doit indiquer, soit dans sa décision elle-même, soit dans la lettre de notification adressé aux signataires de la convention ou de l'accord, outre les dispositions en application desquelles le refus d'agrément est pris, les considérations de fait sur lesquels il se fonde pour opposer ce refus.
9. Il ressort des pièces du dossier que si l'arrêté du 19 février 2015, publié le 28 février suivant au Journal officiel de la République française, ne mentionnait pas les considérations de fait sur lesquelles la ministre s'est fondée pour prendre la décision en litige, en revanche la notification qui en a été faite le 24 février 2015 à l'UDAF 13, conformément aux dispositions de l'article R. 314-198 du code de l'action sociale et des familles, après avoir rappelé les dispositions pertinentes de ce code, mentionnait le motif du refus d'agrément tenant à ce que le coût des stipulations prévues par l'accord conclu le 23 septembre 2014 ne pouvait être pris en charge par les financeurs. Ces éléments permettaient à l'UDAF 13 de connaître les considérations de fait au vu desquelles ce refus a été pris. La ministre a ainsi satisfait aux exigences de motivation précitées.
10. Les conditions de la notification au signataire de l'accord des décisions prises après avis de la Commission nationale d'agrément prévues par les dispositions précitées de l'article R. 314-198 du code de l'action sociale et des familles, ne conditionnent pas la régularité de la procédure suivie et partant, la légalité de ces décisions. Cette procédure a pour seul objet de rendre celles-ci opposables à leur destinataire, de leur permettre le cas échéant d'en connaître les motifs et de faire courir le délai dont ils disposent pour en contester la légalité devant la juridiction administrative. Par suite, le moyen tiré de ce que le courrier du 24 février 2015, qui comportait les motifs du refus d'agrément, n'a pas été notifié régulièrement à l'UDAF 13 est inopérant à l'appui du recours pour excès de pouvoir formé contre l'arrêté en litige.
11. D'une part, aux termes du I de l'article R. 314-198 du code de l'action sociale et des familles : " La Commission nationale d'agrément comprend : / a) Un représentant du ministre chargé de l'action sociale, président ; / b) Un représentant du ministre chargé du travail ; / c) Un représentant du ministre chargé de la sécurité sociale ; / d) Un représentant du ministre chargé du budget ; / e) Un représentant du garde des sceaux, ministre de la justice ; / f) Un représentant du ministre chargé des collectivités territoriales ; / g) Trois présidents de conseil départemental désignés par l'Assemblée des départements de France ou leurs représentants ; Elle comprend également, à titre consultatif : /a) Le directeur général de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés ou son représentant ; /b) Le directeur de la Caisse nationale d'allocations familiales ou son représentant ; / c) Le directeur de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés ou son représentant ; / d) Le directeur de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie ou son représentant ".
12. D'autre part, aux termes de l'article 11 du décret du 8 juin 2006 relatif à la création, à la composition et au fonctionnement de commissions administratives à caractère consultatif, applicable à la commission nationale d'agrément mentionnée à l'article R. 314-198 du code de l'action sociale et des familles : " Le quorum est atteint lorsque la moitié au moins des membres composant la commission sont présents, y compris les membres prenant part aux débats au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle, ou ont donné mandat. / (...) " ;
13. Il ressort du procès-verbal établi à la suite de la réunion de la commission nationale d'agrément du 29 janvier 2015 au cours de laquelle celle-ci a émis un avis sur l'accord collectif d'entreprise relatif à l'aménagement du temps de travail conclu le 23 septembre 2014 que six des neuf membres de cette commission régulièrement convoqués étaient présents ou avaient régulièrement donné mandat pour les représenter. La condition de quorum étant ainsi satisfaite, l'UDAF 13 ne peut utilement soutenir que l'absence de trois de ses membres ayant voie délibérative aurait vicié la délibération de la commission. Par ailleurs, les dispositions précitées n'imposent pas la présence lors de la réunion de la commission des personnes associées à ses travaux à titre consultatif. Dès lors, la circonstance que ces personnes n'auraient pas siégé est sans incidence. Par suite, le moyen tiré de ce que la délibération de la commission nationale d'agrément aurait été adoptée lors d'une séance tenue dans des conditions irrégulières doit être écarté.
14. Il ressort des pièces du dossier que l'accord collectif relatif à l'aménagement du temps de travail conclu le 23 septembre 2014 par l'UDAF 13 conduit, en vertu de son article 4, à accorder une compensation de sept jours ouvrés de repos par an au personnel dit administratif et une compensation de dix jours ouvrés par an au personnel dit " mobile ". Si la requérante fait valoir que le refus d'agréer ces stipulations crée une rupture d'égalité entre les salariés des différentes unions départementales d'associations familiales dans la mesure où 60 % de ces unions appliquent un tel dispositif, le principe d'égalité, tel qu'interprété par une jurisprudence constante de la Cour de cassation pour les salariés régis par un contrat de travail, ne s'applique pas lorsque les salariés qui revendiquent le bénéfice d'un droit ou d'un avantage n'appartiennent pas à l'entreprise au sein de laquelle ce droit ou cet avantage est reconnu en vertu d'un accord collectif, d'un usage ou d'un engagement unilatéral de l'employeur. Dans la mesure où chaque union départementale constitue une entité autonome dont les salariés relèvent d'accords d'entreprises propres à chaque association départementale, l'atteinte au principe d'égalité entre salariés de différentes unions ne peut, dès lors, en l'espèce être utilement invoquée.
15. Comme il a été dit au point 9, la ministre a fondé sa décision de refus d'agrément sur le motif tiré de ce que l'accord en cause avait des incidences financières importantes qui faisaient obstacle à ce que son coût soit pris en charge par les financeurs. Si cet accord ne remet pas en cause le maintien de l'horaire collectif de travail tel qu'il résultait d'un précédent accord de transposition du 7 novembre 2002, il remet en revanche en vigueur les stipulations d'accords de branche précédemment dénoncés. Par ailleurs, en prévoyant d'accorder trois jours de fractionnement " systématiquement et sans condition " il octroie un avantage qui n'est prévu ni par le code du travail ni par la convention collective du 15 mars 1966 applicable en l'espèce. Contrairement à ce que soutient l'UDAF 13, il ne se borne pas ainsi à procéder à une simple généralisation de dispositions ou stipulations existantes. De même les trois jours dits " exceptionnels " accordés aux personnels relevant de catégorie " mobile " créent un nouveau droit pour les intéressés, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté. Il ressort des pièces du dossier que ces mesures engendrent de façon pérenne de nouvelles charges dont le coût annuel a, au demeurant, été évalué par l'association à 182 088 euros, raison pour laquelle elles ont reçu un avis défavorable du principal financeur. Il en résulte qu'en fondant sa décision sur le motif susmentionné, la ministre n'a pas fait une inexacte application des pouvoirs qu'elle tient des dispositions précitées de l'article L. 314-6 du code de l'action sociale et des familles.
16. Il résulte de tout ce qui précède que la ministre des solidarités et de la santé est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté ministériel du 19 février 2015 en tant qu'il refuse d'agréer l'accord collectif d'entreprise du 23 septembre 2014 relatif à l'aménagement du temps de travail, ainsi que la décision du 23 juillet 2015 rejetant le recours gracieux de l'UDAF 13.
Sur les conclusions aux fins d'injonction présentées par l'UDAF 13 :
17. Le présent arrêt n'appelant aucune mesure d'exécution, les conclusions aux fins d'injonction présentées par l'UDAF 13 doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 21 novembre 2017 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par l'union départementale des associations familiales des Bouches-du-Rhône devant le tribunal administratif de Marseille ainsi que ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre des solidarités et de la santé et à l'union départementale des associations familiales des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 15 mars 2019, où siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- M. Guidal, président assesseur,
- Mme B..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 29 mars 2019.
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N° 18MA00273
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