Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 11 avril 2018, sous le n° 18MA01605, M. A..., représenté par la Selarl BS2A Bescou et Sabatier avocats associés, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 5 mars 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 28 février 2018 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application de l'article L 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle méconnaît les stipulations des articles 6-2 et 7bis de l'accord franco-algérien ;
- elle viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
S'agissant de la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- cette décision méconnaît l'article 7-4 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;
- elle viole les dispositions de L. 511-1-II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- elle est illégale en raison de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai ;
S'agissant de la décision portant interdiction de retour d'une durée de deux ans :
- elle est illégale en raison de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai ;
- elle est contraire aux dispositions de L. 511-1-III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Un courrier du 12 avril 2018 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.
Un avis d'audience portant clôture immédiate de l'instruction a été émis le 21 février 2019.
Un mémoire présenté par le préfet des Bouches-du-Rhône a été enregistré le 26 février 2019, postérieurement à la clôture d'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- la directive n° 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., né le 13 juin 1987, de nationalité algérienne, relève appel du jugement du 5 mars 2018 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Marseille qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 février 2018 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et l'a inscrit au fichier du système d'information Schengen.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. Aux termes de l'article 7 bis a) de l'accord franco-algérien susvisé : " Le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit (...) a) Au ressortissant algérien marié depuis au moins un an avec un ressortissant de nationalité française dans les mêmes conditions que celles prévues à l'article 6 nouveau 2) et au dernier alinéa de ce même article... ". L'article 6 du même accord stipule que : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention ''vie privée et familiale'' est délivré de plein droit : (...) 2° Au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...) Le premier renouvellement du certificat de résidence délivré au titre du 2) ci-dessus est subordonné à une communauté de vie effective entre les époux. ".
3. Les stipulations précitées subordonnent le renouvellement des cartes de résident des ressortissants algériens au maintien de la communauté de vie entre les époux. Ainsi, et dès lors que cette communauté de vie n'existe plus à la date à laquelle le préfet statue sur une demande de renouvellement, ce dernier peut, quel que soit le motif de la rupture de la communauté de vie, rejeter cette demande sur le fondement des articles 6-2 ou 7 bis a) de l'accord franco-algérien.
4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... s'est marié le 6 février 2015 avec une ressortissante de nationalité française. Il a bénéficié d'un certificat de résidence algérien valable jusqu'au 2 juillet 2016. Le 20 juin 2016, il en a sollicité le renouvellement. Dans l'attente, il a obtenu plusieurs récépissés de titre de séjour dont le dernier a expiré le 26 avril 2017. Lors de son interpellation, le 28 février 2018, il a déclaré aux services de police ne plus vivre avec son épouse domiciliée.... Le même jour, son épouse a confirmé aux services de police qu'ils étaient réellement séparés et qu'une procédure de divorce allait être engagée dans les meilleurs délais. M. A... n'établit pas que la communauté de vie aurait été effective à la date de la décision contestée. Au contraire, les documents versés au débat, à savoir des billets de train, deux avis de situation déclarative à l'impôt sur le revenu 2016 et 2017, plusieurs factures, l'attestation de son épouse et des courriers de l'assurance maladie du Rhône démontrent que M. A... était hébergé chez sa soeur à Bron alors que son épouse était domiciliée.... Dès lors, c'est sans méconnaître les stipulations des articles 6-2 et 7 bis a) de l'accord franco-algérien que le préfet des Bouches-du-Rhône a pris la décision contestée.
5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
6. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré en France le 28 octobre 2014 et a épousé le 6 février 2015 une ressortissante de nationalité française. Ainsi qu'il a été dit au point 4, la communauté de vie a cessé au début de l'année 2016. En outre, M. A... n'établit pas être dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine où résident sa mère et ses soeurs et où il a vécu jusqu'à l'âge de 27 ans. Dans ces conditions et alors même que sa soeur vit en France, eu égard à la durée et aux conditions de son séjour sur le territoire français, la décision en litige n'a pas porté une atteinte au droit au respect de sa vie privée et familiale disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise, et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, cette décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :
7. Pour les motifs indiqués aux points 2 à 6, M. A... n'est pas fondé à invoquer par voie d'exception, contre la décision contestée, l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
8. La décision en litige mentionne les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lesquelles a entendu se fonder le préfet des Bouches-du-Rhône. Elle précise que M. A... ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, ne justifiant pas notamment de la possession de documents de voyage en cours de validité ni d'un lieu de résidence permanent, étant précisé qu'il a déclaré être hébergé chez sa soeur à Lyon sans en justifier et ne pas vouloir retourner en Algérie. Dans ces conditions et en l'absence de circonstances particulières, le préfet a estimé qu'il existait un risque que l'intéressé qui s'était maintenu irrégulièrement sur le territoire, se soustraie à l'exécution d'une mesure d'éloignement. Cet arrêté comporte ainsi, en ce qu'il refuse à M. A... un délai pour quitter le territoire français, l'indication des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.
9. Il ressort des pièces du dossier et, en particulier, des mentions de la décision contestée précisées au point 8, que le préfet des Bouches-du-Rhône a procédé à l'examen particulier de la situation personnelle de M. A....
10. Le 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permet au préfet de ne pas accorder de délai de départ à l'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français lorsqu'il existe un risque qu'il se soustraie à cette obligation, et que ce risque est établi, " sauf circonstance particulière ", " (...) c) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, de son récépissé de demande de carte de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ; (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2. ".
11. Il ressort des pièces du dossier que M. A... s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français depuis le 26 avril 2017, soit plus d'un mois après l'expiration de son récépissé de demande de carte de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement. Ainsi et alors même que M. A... aurait justifié d'un domicile stable chez sa soeur et qu'il était en possession d'un passeport en cours de validité, le risque qu'il se soustraie à la mesure d'éloignement pouvait être présumé en application des dispositions du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le préfet n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
12. Les dispositions précitées du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont issues de la transposition, en droit interne, de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008. M. A... ne peut ainsi utilement invoquer directement l'article 7 de ladite directive à l'encontre de la décision en litige.
13. Le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au point 6.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
14. Pour les motifs indiqués aux points 2 à 13, M. A... n'est pas fondé à invoquer par voie d'exception, contre la décision contestée, l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français et refusant de lui accorder un délai de départ volontaire.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour d'une durée de deux ans et inscription au fichier du système d'information Schengen :
15. Pour les motifs indiqués aux points 2 à 13, M. A... n'est pas fondé à invoquer par voie d'exception, contre la décision contestée, l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français et refusant de lui accorder un délai de départ volontaire.
16. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) III. - L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III (...) sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".
17. Il résulte de ces nouvelles dispositions, en vigueur depuis le 1er novembre 2016, que, lorsque le préfet prend, à l'encontre d'un étranger, une décision portant obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ, ou lorsque l'étranger n'a pas respecté le délai qui lui était imparti pour satisfaire à cette obligation, il appartient au préfet d'assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans le cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. Seule la durée de cette interdiction de retour doit être appréciée au regard des quatre critères énumérés au III de l'article L. 511-1, à savoir la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, l'existence ou non d'une précédente mesure d'éloignement et, le cas échéant, la menace pour l'ordre public que constitue sa présence sur le territoire. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet a commis une erreur de droit en ne se prononçant pas expressément sur chacune de ces conditions pour prononcer à son encontre une interdiction du territoire.
18. Si M. A... soutient qu'il a toujours résidé régulièrement en France, qu'il y dispose d'attaches familiales intense en la personne de son épouse et de sa soeur, il résulte de ce qui a été dit au point 6 que le préfet des Bouches-du-Rhône a pu légalement fixer à deux ans la durée de l'interdiction de retour en France.
19. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 28 février 2018.
Sur les frais liés au litige :
20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à M. A... la somme que celui-ci réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 15 mars 2019, où siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- M. Guidal, président assesseur,
- Mme C..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 29 mars 2019.
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N° 18MA01605
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