Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 18 avril 2016, Mme D..., représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 1er octobre 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 7 avril 2015 ;
3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et, à titre subsidiaire, de lui enjoindre de procéder au réexamen de sa situation dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle, sous réserve que son conseil renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Elle soutient que :
- sa requête est recevable ;
- le tribunal a insuffisamment répondu au moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte attaqué ;
- les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
S'agissant de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
- la compétence du signataire de l'arrêté contesté n'est pas établie ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'erreur de fait ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- la compétence du signataire de l'arrêté contesté n'est pas établie ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 janvier 2017, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 février 2016.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Coutier a été entendu au cours de l'audience publique.
Sur la régularité du jugement :
1. Considérant que dans son mémoire complémentaire, enregistré au greffe du tribunal administratif de Montpellier le 11 septembre 2015, Mme D... a fait valoir que la combinaison de ses problèmes de santé, de l'accroissement de son isolement à mesure qu'elle vieillit et de la présence de deux enfants en France, dont un de nationalité française, auraient dû amener le préfet à lui octroyer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que les premiers juges ont rejeté sa requête sans répondre à ce moyen, qui n'était pas inopérant, le préfet ayant expressément examiné la demande de titre de séjour au regard de ces dispositions ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen, le jugement contesté est entaché d'irrégularité et doit être annulé ;
2. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme D... devant le tribunal administratif de Montpellier ;
Sur le bien-fondé du jugement :
S'agissant de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
3. Considérant, en premier lieu, que, par arrêté n° 2014-I-1341 du 31 juillet 2014, régulièrement publié au recueil des actes administratifs du département, le préfet de l'Hérault a accordé une délégation de signature à M. Olivier Jacob, secrétaire général de la préfecture, à l'effet de signer " tous actes, arrêtés, décisions et circulaires relevant des attributions de l'Etat dans le département de l'Hérault (...) à l'exception, d'une part des réquisitions prises en application de la loi du 11 juillet 1938 relative à l'organisation générale de la nation pour temps de guerre, d'autre part de la réquisition des comptables publics régie par le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique. " ; que la circonstance selon laquelle cet arrêté vise le décret du 29 décembre 1962 et non pas le décret du 7 novembre 2012, qui s'y est substitué, est sans incidence sur la validité de la délégation qu'il consent ; que les deux exceptions que cet arrêté comporte, alors même que les réquisitions prises en application de la loi du 11 juillet 1938 seraient exceptionnelles, sont de nature à assurer le respect de la compétence propre dont dispose le préfet lui-même ; que, par suite, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que la délégation de signature consentie par ledit arrêté est illégale en ce qu'elle est trop générale ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) /7º A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée " ;
5. Considérant que Mme D..., de nationalité marocaine, qui est entrée en France le 17 novembre 2013 à l'âge de soixante-dix ans munie d'un visa de court séjour, fait valoir qu'elle connaît des problèmes de problèmes de santé et qu'elle est isolée au Maroc où ses deux enfants qui y résident ne s'occupent pas d'elle, et se prévaut de la présence en France de deux de ses enfants, dont l'un possède la nationalité française ; que ces circonstances ne sont toutefois pas de nature à faire regarder la décision attaquée, au regard des buts poursuivis par l'administration, comme portant à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée, alors même que le préfet a indiqué, par erreur, que quatre de ses enfants et non pas deux résideraient au Maroc ; que cette décision ne méconnaît, par suite, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, pour les mêmes motifs, cette décision n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
6. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du même code : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) " ;
7. Considérant que les arguments invoqués par Mme D..., tels que mentionnés au point précédent ne relèvent pas de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels ; qu'il y a lieu, dès lors, d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
8. Considérant que la décision contestée a été signée par M. Olivier Jacob, lequel, ainsi qu'il a été dit au point 3 ci-dessus, bénéficiait d'une délégation de signature régulièrement publiée ; qu'il y a lieu, par suite, d'écarter le moyen tiré du vice d'incompétence ;
9. Considérant que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté aux mêmes motifs que ceux déployés au point 5 ci-dessus ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B...veuveD..., à Me C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 14 mars 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Guidal, président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222 26 du code de justice administrative,
- M. Chanon, premier conseiller,
- M. Coutier, premier conseiller.
Lu en audience publique le 30 mars 2017.
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N° 16MA01462