Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 9 mars 2018 et le 7 novembre 2018, M. et Mme B..., représentés par Me C..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 8 février 2018 ;
2°) d'annuler ces arrêtés du 3 novembre 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Pyrénées-Orientales d'organiser leur retour en France dans les meilleurs délais, puis de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente d'un nouvel examen de leur situation, à titre subsidiaire de lui enjoindre d'abroger ses décisions portant interdiction de retour ou d'en réduire le délai de validité ;
4°) de leur accorder l'aide juridictionnelle provisoire ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros pour chacun d'entre eux en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 à verser à leur avocat.
Ils soutiennent que :
- l'exécution de l'obligation de quitter le territoire qui leur a été notifiée ne rend pas leur requête sans objet ;
- les obligations de quitter le territoire sont insuffisamment motivées ;
- le préfet a commis une erreur de droit en prononçant simultanément à leur encontre une obligation de quitter le territoire sans délai et une assignation à résidence pour une durée de six mois renouvelable ;
- les obligations de quitter le territoire méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celles du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en les obligeant à quitter le territoire ;
- les décisions portant désignation du pays de renvoi méconnaissent les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- ils auraient dû disposer d'un délai de départ volontaire d'une durée minimum égale à celle de leur assignation à résidence ;
- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en renouvelant une troisième fois l'assignation à résidence dont ils faisaient l'objet ;
- le délai de trois ans d'interdiction de retour est excessif.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 octobre 2018, le préfet des Pyrénées-Orientales, représenté par Me A..., conclut au non-lieu à statuer sur la requête, subsidiairement au rejet de celle-ci, et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de M. et Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les obligations contestées de quitter le territoire ont été exécutées ;
- les moyens soulevés par M. et Mme B... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 9 juillet 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 6 août 2019 à 12 heures.
M. et Mme B... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décisions du 25 mai 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950,
- la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. D....
Considérant ce qui suit :
1. A la suite du rejet par l'OFPRA, le 30 avril 2015, des demandes d'asile présentées par M. et Mme B..., ressortissants arméniens entrés en France le 6 janvier 2015, le préfet des Pyrénées-Orientales leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois par arrêtés du 29 juin 2015, devenus définitifs. Les demandes de réexamen présentées par les intéressés le 18 mars 2016 ont été rejetées pour irrecevabilité par l'OFPRA par décisions du 31 mars 2016 également devenues définitives. Ils ont alors fait chacun l'objet, par arrêtés du 3 novembre 2016, d'une obligation de quitter le territoire français sans délai assortie d'une mesure d'assignation à résidence. Par deux arrêtés distincts du 3 mai 2017, le préfet des Pyrénées-Orientales a renouvelé la mesure d'assignation à résidence prononcée à leur encontre pour une période de six mois. Par arrêtés du 3 novembre 2017, le préfet leur a notifié deux nouvelles obligations de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être reconduits, a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans et les a assignés à résidence pour une durée de six mois.
M. et Mme B... font appel du jugement du 8 février 2018 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces deux arrêtés du
3 novembre 2017.
Sur la demande d'admission à l'aide juridictionnelle provisoire :
2. M. et Mme B... ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décisions du bureau d'aide juridictionnelle du 25 mai 2018, leurs demandes d'admission à l'aide juridictionnelle provisoire sont devenues sans objet.
Sur l'exception de non-lieu opposée par le préfet des Pyrénées-Orientales :
3. La circonstance que les obligations de quitter le territoire notifiées aux requérants ont été exécutées le 19 juillet 2018 ne rend pas sans objet les conclusions de leur requête dirigées contre ces décisions, lesquelles n'ont pas été retirées. Ainsi, les conclusions à fin de non-lieu à statuer présentées par le préfet ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
4. M. et Mme B... reprennent en appel les moyens qu'ils avaient invoqués en première instance et tirés de ce que les obligations de quitter le territoire seraient insuffisamment motivées, de ce que les obligations de quitter le territoire méconnaitraient les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant, de ce que les décisions portant désignation du pays de renvoi méconnaîtraient les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de ce que le préfet aurait commis une erreur de droit en prononçant simultanément à leur encontre une obligation de quitter le territoire sans délai et une assignation à résidence pour une durée de six mois renouvelable et de ce que le préfet aurait méconnu les dispositions de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en renouvelant une troisième fois l'assignation à résidence dont ils faisaient l'objet. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Montpellier.
5. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme B... se sont maintenus en France après le rejet de leurs recours devant la cour nationale du droit d'asile dirigés contre les décisions leur refusant l'asile et contre les décisions rejetant leurs demandes de réexamen. Ils se sont soustraits aux obligations de quitter le territoire français dont ils ont fait l'objet sans pour autant avoir cherché à régulariser leur situation administrative respective. Entrés en France à l'âge, respectivement, de 32 et 31 ans, ils n'y disposent d'aucune attache familiale et ne soutiennent pas qu'ils sont dépourvus de telles attaches dans leur pays d'origine. Dans ces conditions, eu égard aux conditions et à la durée de leur séjour en France et en dépit de la volonté d'insertion manifestée par les requérants, de la maîtrise, par Mme B..., de la langue française ainsi que des études universitaires menées par celle-ci et des bons résultats scolaires de leur fille née le 27 juin 2007, le préfet des Pyrénées-Orientales, n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale des intéressés une atteinte disproportionnée au regard des motifs des obligations de quitter le territoire dont ils ont fait l'objet. Par suite, le moyen tiré de ce que ces décisions méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour le même motif, le préfet n'a pas entaché son arrêté d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de ses décisions sur leur situation personnelle.
6. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti./ Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".
7. Par l'arrêté attaqué, le préfet des Pyrénées-Orientales a fait obligation à M. et Mme B... de quitter le territoire français sans délai. Ainsi, les requérants se trouvaient dans l'une des situations envisagées au III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans lesquelles le préfet pouvait assortir ces obligations de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de trois ans. Alors même que la présence des requérants sur le territoire français ne représenterait pas une menace pour l'ordre public et qu'ils justifient d'efforts d'intégration, compte tenu de la durée de leur séjour en France et du fait qu'ils se sont précédemment soustraits aux mesures d'éloignement prononcées à leur encontre, le préfet n'a pas entaché ses décisions d'une erreur manifeste d'appréciation en fixant à trois ans la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français prononcée à leur encontre.
8. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leurs demandes.
9. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. et Mme B..., n'implique pas qu'il soit enjoint au préfet des Pyrénées-Orientales d'organiser leur retour en France et de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente d'un nouvel examen de leur situation, ni même d'abroger ses décisions portant interdiction de retour ou d'en réduire le délai de validité. Les conclusions présentées à cette fin par M. et Mme B... ne peuvent donc qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que l'avocat de M. et Mme B... demande au titre des frais exposés qu'il aurait réclamée à ses clients si ces derniers n'avaient bénéficié de l'aide juridictionnelle totale. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions du préfet des Pyrénées-Orientales présentées sur le fondement de ces mêmes dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes de M. et Mme B... tendant à leur admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Article 2 : La requête de M. et Mme B... est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par le préfet des Pyrénées-Orientales sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... B..., à Mme E... épouse B..., au ministre de l'intérieur et à Me C....
Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Orientales.
Délibéré après l'audience du 24 septembre 2019, où siégeaient :
- M. Badie, président,
- M. D..., président assesseur,
- M. Ury, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 8 octobre 2019.
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N° 18MA01136
kp