Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 8 mars 2017, Mme B..., représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 20 janvier 2017 ;
2°) de condamner la commune de Toulon à lui verser la somme de 65 000 euros au titre de préjudices subis à raison de l'illégalité de l'arrêté du 24 juin 2013 mettant fin à son stage, ainsi que les intérêts au taux légal ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Toulon la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal n'a pas recherché si elle avait perdu une chance sérieuse d'être titularisée ;
- l'arrêté du 24 juin 2013 est entaché d'illégalité interne pour violation de la loi, erreur de fait et erreur de droit ;
- l'illégalité de cette décision est constitutive d'une faute qui lui a causé un préjudice de carrière, ainsi qu'un préjudice moral, dès lors qu'elle avait droit à être titularisée ; que ces deux préjudices doivent être indemnisés respectivement à hauteur de 60 000 euros et 5 000 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 juillet 2017, la commune de Toulon, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme B... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 92-1194 du 4 novembre 1992 ;
- le décret n° 2006-1691 du 22 décembre 2006 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la Cour a désigné M. d'Izarn de Villefort pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
-le rapport de Mme Schaegis,
- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., représentant la commune de Toulon.
1. Considérant que Mme B..., nommée adjoint technique territorial stagiaire de la commune de Toulon à compter du 1er septembre 2006, a été placée en congé de longue maladie du 21 février 2007 au 20 février 2008 ; qu'elle a repris son service, à temps partiel thérapeutique, du 21 février 2008 au 20 février 2009 puis, à temps plein, du 21 février 2009 au 31 janvier 2010, et qu'elle a ensuite été placée en congé de longue durée du 1er février 2010 au 31 janvier 2013 ; que, par un arrêté du 24 juin 2013, l'adjoint au maire délégué au personnel de la commune de Toulon a mis fin au stage de Mme B..., à compter du 8 juillet 2013, pour insuffisance professionnelle, et l'a radiée des cadres de la collectivité à compter de cette même date ; qu'elle relève appel du jugement du 20 janvier 2017 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de cette décision ;
2. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 5 du décret du 4 novembre 1992 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires stagiaires de la fonction publique territoriale : " Le fonctionnaire territorial stagiaire peut être licencié pour insuffisance professionnelle lorsqu'il est en stage depuis un temps au moins égal à la moitié de la durée normale du stage " ; qu'il résulte de ces dispositions que, sous réserve d'un licenciement intervenant en cours de stage et motivé par ses insuffisances ou manquements professionnels, tout fonctionnaire stagiaire a le droit d'accomplir son stage dans des conditions lui permettant d'acquérir une expérience professionnelle et de faire la preuve de ses capacités pour les fonctions auxquelles il est destiné ; que, s'il est loisible à l'autorité administrative d'alerter, en cours de stage, l'agent sur ses insuffisances professionnelles et, le cas échéant, sur le risque qu'il encourt de ne pas être titularisé s'il ne modifie pas son comportement, la collectivité employeur ne peut, avant l'issue de la période probatoire, prendre d'autre décision que celle de licencier son stagiaire pour insuffisance professionnelle dans les conditions limitativement définies à l'article 5 précité ;
3. Considérant que, par arrêté du maire de Toulon du 2 octobre 2006, Mme B... a été nommée adjoint technique territorial stagiaire pour une durée d'un an ; qu'il n'est pas contesté qu'en raison de ses placements en congés pour raisons de santé, Mme B... n'a pas pu accomplir l'intégralité de son stage, mais qu'elle en a accompli au moins la moitié ; qu'elle était susceptible, dès lors, de faire l'objet d'un licenciement pour insuffisance professionnelle, à la condition que ce motif soit avéré ;
4. Considérant que la commune de Toulon se borne à soutenir, dans ses écritures, qu'à défaut de pouvoir apprécier la manière de servir de Mme B..., eu égard à la répétition de ses absences pour raison de maladie, et à défaut d'avoir constaté son inaptitude physique, elle ne pouvait que la licencier pour inaptitude professionnelle ; que, toutefois, cette difficulté à apprécier le travail de l'intéressée, que confirment les pièces du dossier et qui motive explicitement l'arrêté du 24 juin 2013 lui-même, atteste que son insuffisance professionnelle n'est pas établie ; qu'il en résulte que la commune de Toulon ne pouvait régulièrement se fonder sur ce motif pour mettre fin au stage de son agent ; que cette irrégularité affectant la décision en litige constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la commune ;
5. Considérant qu'en vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité des personnes publiques, l'agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre, y compris au titre de la perte des rémunérations auxquelles il aurait pu prétendre s'il était resté en fonctions ; que lorsque l'agent ne demande pas l'annulation de cette mesure mais se borne à solliciter le versement d'une indemnité en réparation de l'illégalité dont elle est entachée, il appartient au juge de plein contentieux, forgeant sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties, de lui accorder une indemnité versée pour solde de tout compte et déterminée en tenant compte notamment de la nature et de la gravité des illégalités affectant la mesure d'éviction, de l'ancienneté de l'intéressé, de sa rémunération antérieure ainsi que, le cas échéant, des fautes qu'il a commises ;
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme B... a été employée en qualité d'agent contractuel puis d'agent stagiaire, par la commune de Toulon, durant plus de quatorze ans, que ses bulletins de salaire joints au dossier pour les douze derniers mois d'activité mentionnent un revenu moyen net d'environ 1 250 euros par mois et que la mesure d'éviction est fondée sur un motif erroné ; que, compte tenu de ces circonstances, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par Mme B... en l'évaluant à 10 000 euros, tous intérêts compris au jour du présent arrêt ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande ;
8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme B..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la commune de Toulon demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Toulon la somme de 2 000 euros que Mme B... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulon du 20 janvier 2017 est annulé.
Article 2 : La commune de Toulon est condamnée à verser à Mme B... la somme de 10 000 euros, tous intérêts compris.
Article 3 : La commune de Toulon versera à Mme B... la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de la commune de Toulon présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B...et à la commune de Toulon.
Délibéré après l'audience du 17 avril 2018, où siégeaient :
- M. d'Izarn de Villefort, président,
- Mme Schaegis, première conseillère,
- M. Coutel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 2 mai 2018.
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N° 17MA00943