Procédure devant la Cour :
I. Par une requête enregistrée le 22 mai 2018 sous le n° 18MA02382, M. A..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 16 mars 2018 ;
2°) d'annuler cette décision du 1er décembre 2016 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui accorder le droit de faire venir son épouse sur le sol français, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 400 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
le jugement est irrégulier en ce que le tribunal administratif a omis de répondre au moyen tiré de ce que la présence de garde-corps au niveau des fenêtres de son logement n'était pas exigée par la règlementation ;
il justifie de ressources stables et suffisantes au sens de l'article R. 411-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
il dispose d'un logement qui satisfait aux conditions de salubrité et d'équipement fixées par le décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 ;
la décision attaquée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 6 septembre 2018, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
II. Par une requête enregistrée le 22 mai 2018 sous le n° 18MA02383, M. A..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'ordonner le sursis à exécution, sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, de ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 16 mars 2018 ;
2°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui accorder à titre provisoire le droit de faire venir son épouse sur le sol français à compter de l'arrêt à intervenir, subsidiairement, de réexaminer sa demande de regroupement familial ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 400 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
les moyens qu'il invoque sont sérieux ;
l'exécution du jugement attaqué risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables.
Par un mémoire en défense enregistré le 6 septembre 2018, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
le code de la construction et de l'habitation ;
le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
le rapport de M. d'Izarn de Villefort,
et les observations de MeB..., représentant M. A...
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes susvisées n° 18MA02382 et n° 18MA02383 présentées par M. A... étant dirigées contre le même jugement, il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.
2. Pour rejeter, par sa décision du 1er décembre 2016, la demande de regroupement familial présentée par M. A... au profit de son épouse, le préfet des Bouches-du-Rhône s'est notamment fondé sur la circonstance que le logement de l'intéressé ne satisfaisait aux conditions de salubrité et d'équipement fixées aux articles 2 et 3 du décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent pris pour l'application de l'article 187 de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbain dans la mesure où les fenêtres de ce logement étaient dépourvues de garde-corps. Pour demander au tribunal administratif de Marseille l'annulation de cette décision, M. A... a soulevé en particulier le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article R. 111-15 du code de la construction et de l'habitation n'imposaient la présence de garde-corps au niveau des fenêtres d'un logement situé aux étages autres que le rez-de-chaussée que lorsque les parties basses de ces fenêtres se trouvent à moins de 0,90 mètre du plancher. En omettant de répondre à ce moyen, qui n'était pas inopérant, le tribunal administratif de Marseille a insuffisamment motivé le jugement attaqué du 16 mars 2018 par lequel il a rejeté la demande de M. A.... Par suite, ce jugement doit être annulé.
3. Il y a lieu d'évoquer l'affaire et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Marseille.
4. Par l'article 1er d'un arrêté du 20 septembre 2016, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du 22 septembre 2016, le préfet des Bouches-du-Rhône a donné délégation à M. F..., directeur de la direction des étrangers dans les matières et pour les actes portant notamment sur l'admission au séjour qui comporte en particulier les actes relatifs au regroupement familial, y compris les refus. Par les articles 2 et 3 de cet arrêté, le préfet a également donné délégation de signature, dans le cadre de la délégation consentie à l'article 1er, pour les attributions de son bureau, à Mme C...D..., attachée principale, chef du Bureau de l'Accueil et de l'Admission au Séjour (BAAS) en charge des demandes de regroupement familial. En conséquence, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté.
5. Aux termes de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : / 1° Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont prises en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales et des allocations prévues à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles, à l'article L. 815-1 du code de la sécurité sociale et aux articles L. 351-9, L. 351-10 et L. 351-10-1 du code du travail. Les ressources doivent atteindre un montant qui tient compte de la taille de la famille du demandeur. Le décret en Conseil d'Etat prévu à l'article L. 441-1 fixe ce montant qui doit être au moins égal au salaire minimum de croissance mensuel et au plus égal à ce salaire majoré d'un cinquième. Ces dispositions ne sont pas applicables lorsque la personne qui demande le regroupement familial est titulaire de l'allocation aux adultes handicapés mentionnée à l'article L. 821-1 du code de la sécurité sociale ou de l'allocation supplémentaire mentionnée à l'article L. 815-24 du même code. / 2° Le demandeur ne dispose pas ou ne disposera pas à la date d'arrivée de sa famille en France d'un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant dans la même région géographique (...) ". Aux termes de l'article R. 411-4 du même code : " Pour l'application du 1° de l'article L. 411-5, les ressources du demandeur et de son conjoint qui alimenteront de façon stable le budget de la famille sont appréciées sur une période de douze mois par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum de croissance au cours de cette période. Ces ressources sont considérées comme suffisantes lorsqu'elles atteignent un montant équivalent à : / - cette moyenne pour une famille de deux ou trois personnes (...) " ;
6. En application du 3° de l'article R. 421-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et droit d'asile, la période de référence à prendre en compte pour apprécier la condition de ressources prévue à l'article L. 411-5 du même code est constituée par les douze mois précédant la demande de regroupement familial soit en l'espèce de juin 2015 à mai 2016. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a perçu au cours de cette période des revenus constitués, à hauteur d'un montant net de 1050 euros, d'une pension de retraite versée par la MSA et d'une rente d'accident du travail. Même en tenant compte de l'augmentation de 745 euros à 774 euros du montant de cette pension, ce montant de 1 050 euros est inférieur à la moyenne mensuelle du salaire minimum de croissance au cours de la période de référence, soit 1 140 euros. Si le requérant percevait également, à hauteur de 250 euros par mois, l'allocation d'aide au retour à l'emploi, cet avantage est en principe versé pour une durée limitée et ne revêt pas en conséquence le caractère stable exigé par les dispositions précitées du 1° de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur ce point, alors même que M. A..., né en 1955, est entré pour la première fois en France en 1979, qu'il a été victime d'un accident du travail en 1997 et que son séjour actuel en France a commencé en 2006, il ne démontre pas qu'il serait en droit de percevoir l'allocation d'aide au retour à l'emploi jusqu'à son départ en retraite qui serait selon lui imminent. Dans ces conditions, le préfet des Bouches-du-Rhône a pu légalement refuser sa demande de regroupement familial au motif qu'il ne justifiait pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille.
7. Aux termes de l'article R. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et droit d'asile : " Pour l'application du 2° de l'article L. 411-5, est considéré comme normal un logement qui : (...) / 2 Satisfait aux conditions de salubrité et d'équipement fixées aux articles 2 et 3 du décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent pris pour l'application de l'article 187 de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbain. ". Aux termes de l'article 2 du décret du 30 janvier 2002 : " Le logement doit satisfaire aux conditions suivantes, au regard de la sécurité physique et de la santé des locataires : (...) 2. Les dispositifs de retenue des personnes, dans le logement et ses accès, tels que garde-corps des fenêtres, escaliers, loggias et balcons, sont dans un état conforme à leur usage ; (...) ". L'article R. 111-15 du code de la construction et de l'habitation dispose : " Aux étages autres que le rez-de-chaussée : / a) Les fenêtres autres que celles ouvrant sur des balcons, terrasses ou galeries et dont les parties basses se trouvent à moins de 0,90 mètre du plancher doivent, si elles sont au-dessus du rez-de-chaussée, être pourvues d'une barre d'appui et d'un élément de protection s'élevant au moins jusqu'à un mètre du plancher (...) ".
8. Il ressort du relevé de l'enquête effectuée par les agents de l'OFII le 8 novembre 2016, que ceux-ci ont constaté l'absence de garde-corps aux fenêtres du logement loué par le requérant, situé au 1er étage d'un immeuble. Les photographies non cotées produites par M. A... n'établissent pas que les parties basses de ces fenêtres se trouveraient à moins de 0,90 mètre du plancher et qu'ainsi, elles n'auraient pas à être pourvues de garde-corps. Si une attestation de la propriétaire du logement, établie le 19 décembre 2016, et le procès-verbal d'un constat d'huissier effectué le même jour démontrent la présence de ces équipements à cette date, ces documents ne prouvent pas que la pose de ces équipements, en dépit de leur oxydation apparente, était effectuée ou était en cours ou prévue à la date du 1er décembre 2016 à laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a statué sur la demande de regroupement familial litigieuse. Ainsi, le préfet a pu légalement fonder sa décision sur le motif tiré de ce que M. A... ne disposait pas ou ne disposerait pas à la date d'arrivée de sa famille en France d'un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant dans la même région géographique.
9. M. A... ne justifie pas d'une communauté de vie avec son épouse avec laquelle il s'est marié au Maroc le 22 septembre 2015. Eu égard en outre au caractère récent de ce mariage, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas porté à son droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressé une atteinte disproportionnée au regard des motifs de sa décision. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet des Alpes-Maritimes a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
10. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision contestée. Les conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées.
11. La Cour statuant par le présent arrêt sur les conclusions de la requête de M. A... tendant à l'annulation du jugement attaqué, les conclusions de sa requête n° 18MA02383 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont privées d'objet. Il n'y a pas lieu, par suite, d'y statuer.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 16 mars 2018 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Marseille et le surplus des conclusions de sa requête n° 18MA02382 sont rejetés.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 18MA02383.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 18 septembre 2018, où siégeaient :
M. Gonzales, président,
M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
* M. Jorda, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 2 octobre 2018.
N° 18MA02382, 18MA02383 2