Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 21 juin 2017, M. F..., représenté par Me D... demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 28 avril 2017 ;
2°) d'annuler le titre de perception d'un montant de 14 956 euros émis le 17 février 2015 à son encontre ainsi que la décision implicite de rejet résultant du silence gardé pendant plus de deux mois par le ministre de l'intérieur sur son recours gracieux en date du 20 mai 2015 ;
3°) de condamner l'État à lui verser la somme de 14 956 euros en réparation de son préjudice ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
les premiers juges ont omis de répondre à ses conclusions présentées à titre subsidiaire, dans son mémoire enregistré le 2 avril 2017, fondées sur la responsabilité pour faute de l'État ;
le titre exécutoire ne mentionne pas la qualité et ne comporte pas la signature de son auteur, en méconnaissance de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 ;
il ne comporte pas les bases de liquidation, en méconnaissance de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 ;
les sommes mises en paiement entre le 10 décembre 2012 et le 28 février 2013 sont prescrites, le courrier du 19 novembre 2014 ne pouvant être regardé comme un acte interruptif de prescription ;
subsidiairement, l'administration a commis une faute compte tenu du retard mis dans le traitement de sa radiation de la gendarmerie ; il est en droit d'obtenir le paiement d'une somme de 14 956 euros en réparation de son préjudice.
Par un mémoire en défense enregistré le 5 octobre 2018, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les conclusions indemnitaires sont irrecevables, faute de réclamation préalable, et les moyens soulevés par M. F... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 ;
la loi n° 2011-1977 du 29 décembre 2011 ;
le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
le rapport de Mme Tahiri,
* et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. F... a été employé, au sein de l'armée de terre, en qualité de gendarme adjoint volontaire à Kourou jusqu'au 10 décembre 2012. Il a demandé au tribunal administratif de Marseille l'annulation du titre exécutoire émis à son encontre le 17 février 2015 lui réclamant un trop perçu de rémunération d'un montant de 14 955,59 euros résultant du maintien de sa rémunération en tant que gendarme adjoint volontaire à Kourou du 10 décembre 2012 au 30 octobre 2013. M. F... relève appel du jugement du 28 avril 2017 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Sur la régularité du jugement :
2. Il résulte de l'instruction que M. F... a formulé, dans son mémoire enregistré le 2 avril 2017 devant le tribunal administratif de Marseille, des conclusions additionnelles fondées sur la responsabilité pour faute de l'État. Il résulte des termes du jugement attaqué que les premiers juges ont omis de se prononcer sur ces conclusions. Le jugement est entaché d'irrégularité dans cette mesure et doit, par suite, être annulé dans cette limite.
3. Il y a lieu, dès lors, de statuer immédiatement sur ces conclusions par la voie de l'évocation et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur le surplus des conclusions de la requête.
Sur les conclusions indemnitaires :
4. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, dans sa version applicable au litige, " (...) La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision (...) ".
5. M. F... ne justifie pas avoir saisi l'administration d'une demande indemnitaire préalable, en dépit de la fin de non-recevoir opposée en ce sens par le ministre de l'intérieur. Par suite, ses conclusions à fin d'indemnisation sont irrecevables et doivent être rejetées.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
6. Aux termes de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 alors applicable : " Dans ses relations avec l'une des autorités administratives mentionnées à l'article 1er, toute personne a le droit de connaître le prénom, le nom, la qualité et l'adresse administratives de l'agent chargé d'instruire sa demande ou de traiter l'affaire qui la concerne ; ces éléments figurent sur les correspondances qui lui sont adressées. Si des motifs intéressant la sécurité publique ou la sécurité des personnes le justifient, l'anonymat de l'agent est respecté. / Toute décision prise par l'une des autorités administratives mentionnées à l'article 1er comporte, outre la signature de son auteur, la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. ". Si l'article L. 252 A du livre des procédures fiscales indique que les titres de perception que l'Etat délivre pour le recouvrement des recettes de toute nature constituent des titres exécutoires, le V de l'article 55 de la loi susvisée du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010 alors applicable prévoit que : " (...) B. - Pour l'application du deuxième alinéa de l'article 4 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration aux titres de perception délivrés par l'Etat en application de l'article L. 252 A du livre des procédures fiscales, afférents aux créances de l'Etat ou à celles qu'il est chargé de recouvrer pour le compte de tiers, la signature figure sur un état revêtu de la formule exécutoire, produit en cas de contestation. ".
7. Il résulte de ces dispositions que pour l'application de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000, tel que précisé par l'article 55 de la loi du 29 décembre 2010, selon lequel le destinataire d'une décision administrative doit pouvoir constater que son auteur l'a signée, l'autorité administrative concernée, dans le cas où le titre de perception reçu par son destinataire n'est pas lui-même signé, peut justifier de cette signature en produisant un état revêtu de la formule exécutoire comportant la signature de l'ordonnateur ou de son délégué. Lorsque le bordereau est signé par l'ordonnateur, ce sont les noms, prénoms et qualité de ce dernier qui doivent être mentionnés sur le titre de recettes individuel ou l'extrait du titre de recettes collectif, de même que sur l'ampliation adressée au redevable.
8. Il résulte de l'instruction que le titre de recettes en litige porte mention de ce qu'il a été rendu exécutoire par Mme H...C..., " P/D Dir. S.E. solde unique ", soit par délégation du directeur du service exécutant de la solde unique du ministère de la défense, ordonnateur. L'abréviation " Dir. S.E. solde unique " était connue de M. F..., l'intéressé ayant été destinataire d'un courrier du 19 novembre 2014 émanant de ce directeur, M. B... G..., et lui notifiant le trop-perçu de solde auquel l'intéressé a répondu par courrier du 28 janvier 2015. Toutefois le titre de perception contesté ne mentionne pas les noms et prénoms du directeur du service exécutant de la solde unique mais ceux de sa déléguée et n'est revêtu d'aucune signature manuscrite. L'état récapitulatif des créances pour mise en recouvrement produit par l'administration comporte quant à lui la signature de l'ordonnateur, M. G.... Par suite, M. F... est fondé à soutenir que le titre de perception contesté du 17 février 2015 méconnaît l'article 4 susmentionné de la loi du 12 avril 2000. Cette irrégularité privant M. F... d'une garantie, celui-ci est fondé à demander l'annulation du titre de perception litigieux.
9. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur ses autres moyens, que M. F... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation du titre de perception du 17 février 2015 ainsi que de la décision implicite rejetant son recours gracieux formé le 20 mai 2015.
Sur les frais liés à l'instance :
10. Dans les circonstances de l'espèce, il ne paraît pas inéquitable de laisser à M. F... la charge des frais qu'il a exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1506810 du 28 avril 2017 du tribunal administratif de Marseille, la décision implicite rejetant la demande de décharge du titre de perception du 17 février 2015 émis à l'encontre de M. F... ainsi que ce titre de perception sont annulés.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... F..., au ministre de l'action et des comptes publics, au ministre de l'intérieur et au directeur régional des finances publiques de Bretagne et du département d'Ille-et-Vilaine.
Délibéré après l'audience du 16 octobre 2018, où siégeaient :
- M. Gonzales, président,
- M. A... et Mme Tahiri, premiers conseillers.
Lu en audience publique le 6 novembre 2018.
N° 17MA02569 2