Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire respectivement enregistrés le 17 octobre 2017 et le 8 octobre 2018, M. B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler l'arrêté du 23 mars 2017 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à la frontière et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans ;
3°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- il n'a pas été informé de ses droits en application de l'article L. 512-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet est incompétent pour se prononcer sur l'état de minorité ;
- en application des dispositions combinées de l'article 388 du code civil et de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il doit être regardé comme mineur et par suite, ne peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire ;
- il devait être orienté sur la procédure de demande d'asile ;
- alors qu'il craint pour sa sécurité en cas de retour dans son pays d'origine, la décision fixant le pays de renvoi doit être annulée ;
- il justifie de circonstances humanitaires justifiant qu'aucune interdiction de retour ne puisse être édictée à son encontre.
Par un mémoire enregistré le 9 octobre 2018, le préfet des Pyrénées-Orientales conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête sont infondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 novembre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Coutel a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M. A... B..., ressortissant guinéen, a demandé l'annulation l'arrêté du 23 mars 2017 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à la frontière et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans ; que le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande par jugement en date du 18 septembre 2017 ; que M. B... demande l'annulation de ce jugement et de l'arrêté du 23 mars 2017 du préfet des Pyrénées-Orientales ;
Sur la légalité de la décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 512-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dès notification de l'obligation de quitter le territoire français, l'étranger auquel aucun délai de départ volontaire n'a été accordé est mis en mesure, dans les meilleurs délais, d'avertir un conseil, son consulat ou une personne de son choix. L'étranger est informé qu'il peut recevoir communication des principaux éléments des décisions qui lui sont notifiées en application de l'article L. 511-1. Ces éléments lui sont alors communiqués dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de supposer qu'il la comprend. " ;
3. Considérant qu'il ressort des mentions du formulaire de notification de l'obligation de quitter le territoire, cosigné par un interprète, que M. B... a été informé le 23 mars 2017 à 12 h 30 de ses droits en application des prescriptions des dispositions citées de l'article L. 512-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 388 du code civil : " Le mineur est l'individu de l'un ou l'autre sexe qui n'a point encore l'âge de dix-huit ans accomplis. Les examens radiologiques osseux aux fins de détermination de l'âge, en l'absence de documents d'identité valables et lorsque l'âge allégué n'est pas vraisemblable, ne peuvent être réalisés que sur décision de l'autorité judiciaire et après recueil de l'accord de l'intéressé. Les conclusions de ces examens, qui doivent préciser la marge d'erreur, ne peuvent à elles seules permettre de déterminer si l'intéressé est mineur. Le doute profite à l'intéressé. " ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / 1° L'étranger mineur de dix-huit ans ; / (...) " ;
6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B... a déclaré avoir quitté son pays d'origine en novembre 2016 par voie aérienne pour rejoindre la France ; que, dès le 10 février 2017, il a été pris en charge par le dispositif national de protection des mineurs isolés étrangers ; que le scanner pratiqué le 21 mars 2017, à la demande du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Perpignan, a déterminé que l'intéressé était âgé de dix-huit ans au moins ;
7. Considérant que, contrairement à ce qui est soutenu, pour l'application des dispositions combinées de l'article L. 511-1 I) et de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile , il appartient à l'administration, qui doit faire échec à une fraude commise en vue d'échapper à l'application des dispositions organisant l'éloignement des ressortissants étrangers en situation irrégulière, de s'assurer de l'exactitude des renseignements produits devant elle pour déterminer l'âge d'un ressortissant étranger, afin de mettre en oeuvre, le cas échéant, les dispositions de l'article L. 511-1 I) du code précité ; qu'en tout état de cause, les examens osseux pratiqués sur l'intéressé, qui ont été réalisés à la demande de l'autorité judiciaire, ont respecté les prescriptions du deuxième alinéa de l'article 388 du code civil ; qu'il ressort des déclarations de l'intéressé recueillies et consignés par procès-verbal de police n° 00911/2017/00165 du 21 mars 2017 que l'intéressé, qui a fait l'objet d'une procédure pour faux et usage de faux document administratif le 10 février 2017, ne conteste pas sérieusement que l'acte de naissance qu'il a produit auprès de l'administration n'était pas authentique ; qu'en outre, il ressort des mentions du procès-verbal dressé le 23 mars 2017 à 10 heures par un agent de police judiciaire que l'intéressé a finalement reconnu être majeur comme étant né en 1998 ; que les mentions de ce procès-verbal font foi jusqu'à preuve contraire alors qu'il n'est pas établi que ces déclarations auraient été recueillies par un procédé déloyal ou sous la contrainte ; que, dans ces conditions, le seul jugement supplétif produit par l'intéressé faisant mention d'une date de naissance le 27 juillet 2000 n'est pas de nature à anéantir les éléments recueillis par l'administration, qui a pu estimer, sans erreur de droit ni erreur d'appréciation, que M. B... n'entrait pas dans le champ d'application de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce qu'il n'était pas mineur de dix-huit ans à la date de la décision en litige, alors même que la marge d'erreur prévue par les dispositions de l'article 388 du code civil n'aurait pas été suffisamment précisée lors des examens osseux ;
8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'enregistrement de sa demande d'asile a été effectué, l'étranger se voit remettre une attestation de demande d'asile dont les conditions de délivrance et de renouvellement sont fixées par décret en Conseil d'Etat. La durée de validité de l'attestation est fixée par arrêté du ministre chargé de l'asile. " ; qu'aux termes de l'article L. 743-4 du code précité : " Sans préjudice des articles L. 556-1 et L. 743-2, lorsque l'étranger sollicitant l'enregistrement d'une demande d'asile a fait l'objet, préalablement à la présentation de sa demande, d'une mesure d'éloignement prise en application du livre V, celle-ci, qui n'est pas abrogée par la délivrance de l'attestation prévue à l'article L. 741-1, ne peut être mise à exécution avant la notification de la décision de l'office, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet, d'irrecevabilité ou de clôture, ou, si un recours est formé devant la Cour nationale du droit d'asile contre une décision de rejet, avant la notification de la décision de la cour. " ;
9. Considérant que, contrairement à ce qui est soutenu, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé n'aurait pas été à même, durant toute la période où il a séjourné sur le territoire ainsi que durant son audition par les services de police, de solliciter le bénéfice de la protection internationale ; qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet des Pyrénées-Orientales a délivré le 17 mai 2018 à M. B... l'attestation prévue par les dispositions citées de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'au demeurant, il ressort des mentions de cette attestation que l'administration n'a pas mis en oeuvre la procédure accélérée d'examen de demande d'asile organisée par les dispositions de l'article L. 723-2 du code précité ; que si la délivrance de cette attestation n'a pas pour effet d'abroger l'obligation de quitter le territoire en litige, toutefois, cette délivrance fait obstacle à l'exécution de la décision d'obligation de quitter le territoire en application des dispositions de l'article L. 743-4 du même code ; qu'il s'ensuit que M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'en l'obligeant à quitter le territoire avant de mettre en oeuvre la procédure de demande d'asile, le préfet des Pyrénées-Orientales aurait commis une erreur de droit ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :
10. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ; que selon l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : / 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; / 2° Ou, en application d'un accord ou arrangement de réadmission communautaire ou bilatéral, à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; / 3° Ou, avec son accord, à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible.
/ Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " ; que pour l'application des stipulations et des dispositions précitées, il appartient à l'autorité administrative de s'assurer que la décision fixant le pays de renvoi d'un étranger ne l'expose pas à des risques sérieux pour sa liberté ou son intégrité physique, non plus qu'à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
11. Considérant que M. B... en se bornant à exposer la situation générale de troubles dans son pays d'origine et en alléguant qu'il a été incarcéré pour avoir participé à la fin du mois d'avril 2015 à une manifestation contre le gouvernement guinéen, n'apporte, ainsi que l'ont estimé les premiers juges, aucun élément de nature à établir l'existence de risques actuels et personnels en cas de retour dans son pays d'origine au sens des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit être écarté ;
Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
12. Considérant qu'aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti./ Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) " ;
13. Considérant que, compte tenu de la durée et des conditions de séjour en France de M. B..., qui n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine et qui ne justifie pas de circonstances humanitaires, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en prenant la mesure d'interdiction du territoire en litige, le préfet des Pyrénées-Orientales aurait commis une erreur d'appréciation ;
14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 mars 2017 du préfet des Pyrénées-Orientales ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter les conclusions du requérant présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Orientales.
Délibéré après l'audience du 16 octobre 2018, où siégeaient :
- M. Gonzales, président,
- M. Jorda premier conseiller,
- M. Coutel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 6 novembre 2018.
N° 17MA04105 2