Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 15 septembre 2017, M. C..., représenté par Me E..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille ;
2°) d'annuler l'arrêté du 7 août 2017 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a ordonné sa remise aux autorités belges pour l'examen de sa demande d'asile et d'annuler l'arrêté du même jour prononçant son assignation à résidence ;
3°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil de la somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- il n'a pas reçu les informations prévues par l'article 4 du règlement UE n° 04/2013 du 2 juin 2013 ;
- les dispositions de l'article 5 du règlement précité ont été méconnues dès lors qu'il ne comprend pas le français ;
- la décision portant assignation à résidence a été prise par une autorité incompétente ;
- les dispositions de l'article 111-8 du CESEDA ont été méconnues puisqu'il n'a pas été assisté d'un interprète ;
- l'assignation à résidence n'était pas nécessaire pour l'exécution de la mesure et est, par suite, disproportionnée.
Par un mémoire enregistré le 28 septembre 2018, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête sont infondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement UE n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Coutel a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M. C..., de nationalité afghane, a demandé au président du tribunal administratif de Marseille l'annulation, d'une part, de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 7 août 2017 prescrivant sa remise aux autorités belges pour l'examen de sa demande d'asile, et, d'autre part, de la décision du même jour prononçant son assignation à résidence ; que, par le jugement en date du 11 août 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ; que M. C... demande l'annulation de ce jugement et des décisions précitées ;
Sur la légalité de la décision de remise aux autorités belges :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de
l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. (...) " ;
3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et, en tout cas, avant la décision par laquelle l'autorité administrative décide de refuser l'admission provisoire au séjour de l'intéressé au motif que la France n'est pas responsable de sa demande d'asile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend ;
4. Considérant que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 4 précité doit être écarté par adoption du motif retenu par le premier juge, dès lors qu'il est suffisant et n'appelle aucune précision en appel ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer " ;
6. Considérant que si l'entretien dont a bénéficié M. C... le 17 mai 2017 a été conduit en langue française, sans la présence d'un interprète en langue pachtou, il ressort toutefois des pièces du dossier que cet entretien a permis au fonctionnaire de préfecture de déterminer avec précision les circonstances du parcours de M. C..., éléments corroborés par le courrier d'observations que l'intéressé a adressé le 30 mai 2017 aux services préfectoraux ; que, le jour même de son entretien, l'intéressé a prêté son concours pour assurer la traduction en langue française lors de l'entretien mené par l'administration avec deux autres ressortissants afghans, demandeurs d'asile ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des prescriptions citées de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 doit être écarté ;
Sur la légalité de la décision d'assignation à résidence :
7. Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que le moyen tiré du défaut de base légale de la décision d'assignation à résidence du fait de l'illégalité de la décision portant remise de M. C... aux autorités belges doit être écarté ;
8. Considérant que la décision en litige a été signée par M. B... D..., adjoint
au chef du bureau de l'éloignement, en vertu d'une délégation de signature accordée par arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône en date du 21 mars 2017, régulièrement publié au recueil
des actes administratifs de l'Etat dans le département ; que le signataire tenait de cette délégation le pouvoir de signer les mesures d'assignation à résidence ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré
de ce que la décision en litige serait l'acte d'un fonctionnaire sans qualité pour la signer doit être écarté ;
9. Considérant que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté conformément au motif retenu au point 6 ;
10. Considérant, en troisième et dernier lieu, qu'aux termes de l'article 28.2 du règlement du 26 juin 2013 précité : " Les Etats membres peuvent placer les personnes concernées en rétention en vue de garantir les procédures de transfert conformément au
présent règlement lorsqu'il existe un risque non négligeable de fuite de ces personnes, sur la base d'une évaluation individuelle et uniquement dans la mesure où le placement en rétention est proportionnel et si d'autres mesures moins coercitives ne peuvent être effectivement appliquées. " ; qu'aux termes de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire français ou ne peut ni regagner son pays d'origine ni se rendre dans aucun autre pays, l'autorité administrative peut, jusqu'à ce qu'existe une perspective raisonnable d'exécution de son obligation, l'autoriser à se maintenir provisoirement sur le territoire français en l'assignant à résidence, par dérogation à l'article L. 551-1, dans les cas suivants : (...) 2° Si l'étranger doit être remis aux autorités d'un Etat membre de l'Union européenne en application des articles L. 531-1 ou L. 531-2 ou transféré vers l'Etat responsable de sa demande d'asile en application de l'article L. 742-3 ; (...) / La décision d'assignation à résidence est motivée. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 742-2 du code précité : " L'autorité administrative peut, aux fins de mise en oeuvre de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile et du traitement rapide et du suivi efficace de cette demande, assigner à résidence le demandeur. La décision d'assignation à résidence est motivée. Elle peut être prise pour une durée maximale de six mois et renouvelée une fois dans la même limite de durée, par une décision également motivée. " ;
11. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la mesure d'assignation à résidence prise à l'encontre de M. C... serait disproportionnée au regard de l'objectif de réaliser de manière efficace le transfert de l'intéressé en vue de l'examen de sa demande d'asile ;
12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de remise aux autorités belges et de l'arrêté du même jour prononçant son assignation à résidence ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter les conclusions du requérant présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 16 octobre 2018, où siégeaient :
- M. Gonzales, président,
- M. Jorda premier conseiller,
- M. Coutel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 6 novembre 2018.
N° 17MA03922