Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 21 juillet 2015, M.A..., représenté par MeB..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 7 juillet 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 24 mars 2015 du préfet des Pyrénées-Orientales portant refus de délivrance d'un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard, à défaut, de réexaminer sa demande dans les mêmes conditions ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué est entaché d'un vice de légalité externe tiré de l'incompétence du signataire de l'acte ;
- l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 janvier 2017, le préfet des Pyrénées-Orientales conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 novembre 2015.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Coutel.
1. Considérant que, le 20 janvier 2014, M.A..., ressortissant chinois, a sollicité un titre de séjour en qualité d'étranger malade ; que le préfet des Pyrénées-Orientales lui a délivré le 13 mai 2014 une autorisation provisoire de séjour valable jusqu'au 12 novembre 2014 ; que, le 9 octobre 2014, M. A...a demandé le renouvellement de cette autorisation ; que, par un arrêté du 26 mars 2015 le préfet a refusé sa demande et lui a fait obligation de quitter le territoire français ; que, par un jugement du 7 juillet 2015, dont M. A...relève appel, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa requête tendant à l'annulation de cet arrêté, en admettant une substitution de motifs proposée par l'administration ;
Sur le bien-fondé du jugement ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, le chef du service médical de la préfecture de police peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat. " ;
3. Considérant qu'après la substitution de motifs opérée par les premiers juges, la décision de refus de séjour en litige doit être regardée comme fondée sur la circonstance qu'il n'existe pas de traitement approprié à l'état de santé de M. A...dans son pays d'origine ; que l'intéressé est atteint d'une hépatite type B + delta qui nécessite un suivi médical régulier et un traitement par interféron pégylé ; que, par deux avis successifs, respectivement datés du 31 janvier 2014 et du 15 octobre suivant, le premier ayant justifié la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour, le médecin inspecteur de la santé publique a estimé que l'état de santé de l'intéressé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et qu'il n'existait pas de traitement approprié dans son pays d'origine ; que, pour contester ces avis, l'administration produit un document émanant du conseiller de santé de la direction générale des étrangers du ministre de l'intérieur qui, se fondant sur une étude de l'organisation mondiale de la santé de 2013, rapporte que la molécule en cause est disponible en Chine et que des professionnels de santé ont été formés pour ce protocole de soins ; que, toutefois, ce document n'est pas assorti d'une analyse du dossier médical de M. A...et de l'ensemble des éléments de la pathologie dont il souffre, et ne démontre pas que ce conseiller de santé en aurait disposé, ce qu'il n'aurait pu faire, en tout état de cause, sans méconnaître les règles régissant le secret médical dont doit bénéficier l'intéressé ; que, surtout, il ressort des pièces du dossier que la pathologie de cet étranger nécessite des examens virologiques complexes associés à un suivi clinique régulier ; qu'ainsi, ce document, rédigés en termes généraux, n'établit pas qu'il existerait, dans le pays dont M. A...a la nationalité, un traitement spécifiquement adapté à son cas ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa requête ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Considérant que le présent arrêt implique nécessairement la délivrance du titre de séjour sollicité par M. A...en qualité d'étranger malade dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant que, d'une part, M. A...n'allègue pas avoir exposé de frais autres que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été allouée ; que, d'autre part, l'avocat de M. A...n'a pas demandé que lui soit versée la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamée à son client si ce dernier n'avait bénéficié d'une aide juridictionnelle totale ; que, dans ces conditions, les conclusions de la requête tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 7 juillet 2015 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales du 24 mars 2015 est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet des Pyrénées-Orientales de délivrer à M. A...le titre de séjour sollicité en qualité d'étranger malade dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A...est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A..., au préfet des Pyrénées-Orientales et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 9 février 2017, où siégeaient :
- M. Gonzales, président,
- M. Renouf, président assesseur,
- M. Coutel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 7 mars 2017.
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N°15MA02972