Par mémoires et pièces enregistrés les 25 novembre 2015, 27 novembre 2015 et 21 décembre 2015, M.D..., représenté par Me E...C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1001306 rendu le 30 mai 2013 par le tribunal administratif de Marseille ;
2°) d'annuler la décision en date du 23 décembre 2009 par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé de le titulariser ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de le titulariser ;
4°) à titre subsidiaire, d'ordonner la désignation d'un nouvel expert psychiatre ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient, outre les moyens qu'il soulevait, avant l'arrêt de la Cour du 7 octobre 2014, dans le cadre des écritures produites les 29 juillet 2013 et 2 juin 2014 :
- qu'il résulte du rapport d'expertise du Pr F...qu'il était physiquement et psychologiquement apte à l'exercice de ses fonctions à la date du 31 décembre 2009, avec un aménagement sous forme de mi-temps thérapeutique ;
- que le rapport du DrA..., insuffisamment motivé, est inexploitable et doit être écarté ; que le Dr A...n'a pas pris en compte le fait qu'il a repris, depuis le 5 décembre 2011, une activité professionnelle en qualité de conseiller multimédia, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée ; qu'il ne peut, dès lors, être regardé comme ayant été définitivement inapte à la date de son éviction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 95-979 du 25 août 1995 ;
- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de MmeG...,
- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,
- et les observations de Me C...représentant M.D....
1. Considérant que M. D...a été recruté, par contrat, par le ministre de l'intérieur en qualité de travailleur handicapé à compter du 1er août 2006 pour exercer les fonctions de secrétaire administratif et affecté au secrétariat général pour l'administration de la police nationale à Marseille ; que son contrat a été renouvelé par plusieurs avenants ; que, le
5 juin 2008, M. D...a été victime d'un accident du travail et a, par suite, été placé en congé de maladie jusqu'au 31 décembre 2009 ; que, par une décision en date du 23 décembre 2009,
M. D...a été informé que son contrat ne serait pas renouvelé après le 31 décembre 2009 et qu'il ne serait pas titularisé en raison d'une inaptitude totale et définitive à ses fonctions et d'une impossibilité de reclassement sur un poste de personnel administratif de catégorie C ; que M. D...interjette appel du jugement en date du 30 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation de la décision précitée du 23 décembre 2009 ainsi que ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de le titulariser ; que, par un arrêt en date du 7 octobre 2014, la Cour a, avant de statuer sur les conclusions précitées de M.D..., ordonné une expertise, et désigné les docteursF..., médecin spécialisé en médecine physique et de réadaptation etA..., psychiatre, afin, notamment, de déterminer, dans leurs domaines de compétence respectifs, si, à la date à laquelle il a été évincé de ses fonctions, M. D...était physiquement et psychologiquement apte à l'exercice des fonctions précédemment exercées, avec ou sans aménagement de poste ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 27 de la loi du 11 janvier 1984 régissant le recrutement de travailleurs handicapés : " (...) II.-Les personnes mentionnées aux 1°,2°,3°,4°,9°,10° et 11° de l'article L. 323-3 du code du travail peuvent être recrutées en qualité d'agent contractuel dans les emplois de catégories A, B et C pendant une période correspondant à la durée de stage prévue par le statut particulier du corps dans lequel elles ont vocation à être titularisées. Le contrat est renouvelable, pour une durée qui ne peut excéder la durée initiale du contrat. A l'issue de cette période, les intéressés sont titularisés sous réserve qu'ils remplissent les conditions d'aptitude pour l'exercice de la fonction " ; que, par ailleurs, aux termes de l'article 7 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires : " Les comités médicaux sont chargés de donner à l'autorité compétente, dans les conditions fixées par le présent décret, un avis sur les contestations d'ordre médical qui peuvent s'élever à propos de l'admission des candidats aux emplois publics, de l'octroi et du renouvellement des congés de maladie et de la réintégration à l'issue de ces congés. / Ils sont consultés obligatoirement en ce qui concerne : 1. La prolongation des congés de maladie au-delà de six mois consécutifs ; 2. L'octroi des congés de longue maladie et de longue durée ; 3. Le renouvellement de ces congés ; 4. La réintégration après douze mois consécutifs de congé de maladie ou à l'issue d'un congé de longue maladie ou de longue durée ; 5. L'aménagement des conditions de travail du fonctionnaire après congé ou disponibilité ; 6. La mise en disponibilité d'office pour raison de santé et son renouvellement ; 7. Le reclassement dans un autre emploi à la suite d'une modification de l'état physique du fonctionnaire, ainsi que dans tous les autres cas prévus par des textes réglementaires. / Ils peuvent recourir, s'il y a lieu, au concours d'experts pris en dehors d'eux. Ceux-ci doivent être choisis suivant leur qualification sur la liste des médecins agréés, prévus à l'article 1er ci-dessus. Les experts peuvent donner leur avis par écrit ou siéger au comité à titre consultatif. S'il ne se trouve pas dans le département un ou plusieurs experts dont l'assistance a été jugée nécessaire, les comités médicaux font appel à des experts résidant dans d'autres départements (...) " ; qu'enfin, aux termes de l'article 9 dudit décret : " Le comité médical supérieur, saisi par l'autorité administrative compétente, soit de son initiative, soit à la demande du fonctionnaire, peut être consulté sur les cas dans lesquels l'avis donné en premier ressort par le comité médical compétent est contesté. / Le comité médical supérieur se prononce uniquement sur la base des pièces figurant au dossier tel qu'il lui est soumis au jour où il l'examine. / Le comité médical supérieur assure sur le plan national la coordination des avis des comités médicaux et formule des recommandations à caractère médical relatives à l'application du statut général " ;
3. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées que lorsque l'administration est saisie par l'un de ses agents d'une contestation de l'avis donné par le comité médical départemental compétent, elle doit, sans délai, saisir le comité médical supérieur et ne peut statuer sur la situation dudit agent qu'après avoir recueilli l'avis sollicité ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. D...a été informé, par lettre datée du 9 décembre 2009 réceptionnée le 10 décembre suivant, de l'avis émis le 1er décembre 2009 par le comité médical départemental, lequel concluait à l'inaptitude totale et définitive à l'exercice des fonctions de catégorie B précédemment exercées et à l'impossibilité d'un reclassement sur un emploi de catégorie C ; que, par une lettre en date du 15 décembre 2009 adressée au secrétaire général adjoint du SGAP de Marseille, M. D...a indiqué, en produisant de nouveaux certificats médicaux qui faisaient, au contraire, état, sans aucune ambiguïté, de son aptitude à la reprise de ses fonctions, qu'il sollicitait la saisine du comité médical supérieur ; que cette lettre a été réceptionnée par l'administration le 21 décembre 2009 ; que l'administration était, dès lors, tenue de saisir sans délai le comité médical supérieur et ne pouvait se prononcer sur la situation de M. D...avant de recueillir l'avis dudit comité ; que s'il ressort des pièces du dossier que le comité médical supérieur a émis, le 13 avril 2010, un avis sur l'aptitude de M.D..., cette consultation a été postérieure à la décision de refus de titularisation du 23 décembre 2009 ; qu'une telle omission de consultation préalable du comité médical supérieur, qui a, dans les circonstances de l'espèce, au vu des éléments médicaux nouveaux produits par l'intéressé, privé M. D...d'une garantie, a constitué une irrégularité de nature à entacher la légalité de la décision attaquée ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement ni d'examiner les autres moyens de la requête, que M. D...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête ; qu'il y a lieu, par suite, d'annuler ledit jugement ainsi que, par l'effet dévolutif de l'appel, l'arrêté du ministre de l'intérieur en date du 23 décembre 2009 ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
6. Considérant qu'il ressort des expertises ordonnées par la Cour que si, à la date du 31 décembre 2009, M. D...était physiquement apte à une reprise de ses fonctions dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique pendant six mois, il ne l'était, en revanche, pas sur le plan psychologique ; que l'expertise du DrA..., psychiatre, conclut en effet qu'au vu des troubles du requérant, celui-ci ne pouvait reprendre l'exercice de ses fonctions antérieures et ne pouvait bénéficier d'un reclassement au sein de la police nationale ; qu'il suit de là que l'annulation, au motif de légalité externe précité, de la décision du 23 décembre 2009, n'implique pas que le requérant soit titularisé, comme il le demande, dans le corps des secrétaires administratifs ; qu'il y a lieu, par suite, de rejeter lesdites conclusions ;
Sur les frais d'expertise :
7. Considérant que les frais des expertises réalisées par les docteurs F...etA..., taxés et liquidés aux sommes respectives de 700 euros et 600 euros par ordonnance du Président de la Cour en date du 20 novembre 2015 sont définitivement mis à la charge de l'Etat ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;
9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 2 000 euros qui sera versée à M. D...en application des dispositions précitées ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1001306 rendu le 30 mai 2013 par le tribunal administratif de Marseille est annulé.
Article 2 : La décision du ministre de l'intérieur en date du 23 décembre 2009 est annulée.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. D...est rejeté.
Article 4 : Les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 700 euros (sept cents euros) s'agissant du Dr F... et à la somme de 600 euros (six cents euros) s'agissant du DrA..., par ordonnance en date du 20 novembre 2015 sont définitivement mis à la charge de l'Etat.
Article 5 : L'Etat versera la somme de 2 000 euros (deux mille euros) à M. D...en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...D...et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera adressée à MM. F...etA..., experts.
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N° 13MA03071 3