Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 9 janvier 2018, Mme A... D... épouse C..., représentée par Me E..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice ;
2°) d'annuler l'arrêté du 7 juillet 2017 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour dès la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
- la décision en litige a méconnu son droit au respect de sa vie familiale et privée ;
- cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et a méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette décision a méconnu l'intérêt supérieur de son enfant né en 2015 sur le territoire français ;
La requête a été régulièrement communiquée au préfet des Alpes-Maritimes le 2 février 2018.
Le préfet des Alpes-Maritimes a été mis en demeure de produire en application de l'article L. 612-3 du code de justice administrative par lettre du 26 septembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné M. d'Izarn de Villefort pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Coutel a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., ressortissante philippine, née le 27 mai 1977, a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté en date du 7 juillet 2017 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. Par un jugement en date du 7 décembre 2017, le tribunal a rejeté sa demande. Mme C... demande l'annulation de ce jugement et de l'arrêté du 7 juillet 2017.
Sur le bien-fondé du jugement en litige :
En ce qui concerne la décision de refus de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. (...) ".
3. Il ressort des pièces produites que Mme C... réside habituellement en France depuis 2012 au moins. Le préfet des Alpes-Maritimes, qui, vainement mis en demeure, n'a produit aucune écriture en défense, doit d'ailleurs, en application des dispositions de l'article L. 612-3 du code de justice administrative, être réputé comme ayant acquiescé aux faits exposés par la requérante. Toutefois, si l'intéressée a épousé à Nice le 24 janvier 2015 M. B... C..., un compatriote en situation irrégulière, et que de cette union est issu un enfant né en octobre 2015, compte tenu des conditions de séjour du couple et de l'absence d'une réelle intégration dans la société française, en prenant la décision de refus de séjour en litige, le préfet n'a pas méconnu son droit au respect de sa vie familiale et privée et n'a pas davantage commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. Compte tenu de ce qui vient d'être dit, de l'âge de l'enfant et de ce que rien ne s'oppose à ce que la cellule familiale se reconstitue au pays d'origine des deux parents, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
5. Il résulte de ce qui précède que les conclusions aux fins d'annulation de la décision de refus de séjour ne peuvent être accueillies.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :
6. Par un arrêt n° 18MA00212 de ce jour, la Cour a annulé la décision de refus de séjour prononcée à l'encontre de l'époux de Mme C..., père de leur enfant né en France en 2015, au motif que ce ressortissant étranger justifie de dix ans de résidence habituelle, ce qui impliquait que soit consultée la commission du titre de séjour, en enjoignant au préfet des Alpes-Maritimes de se prononcer à nouveau sur la situation de cet étranger. En conséquence, dès lors que l'époux de la requérante bénéficie du fait de l'annulation précitée d'un droit provisoire au séjour, la décision portant obligation de quitter le territoire à l'encontre de Mme C... est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée.
7. Il résulte de ce qui précède que Mme C... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de la décision du 7 juillet 2017 l'obligeant à quitter le territoire français.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Il résulte du motif retenu au point 6 qu'il y a lieu d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de réexaminer la situation de Mme C... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement à Mme C... de la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 7 décembre 2017 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de Mme C... tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire en date du 7 juillet 2017.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de réexaminer la situation de Mme C... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, conformément au motif retenu au point 6.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : L'État versera à Mme C... la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D... épouse C..., au préfet des Alpes-Maritimes, au ministre de l'intérieur et à Me E....
Délibéré après l'audience du 8 janvier 2019, où siégeaient :
- M. d'Izarn de Villefort, président,
- M. Jorda, premier conseiller,
- M. Coutel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 22 janvier 2019.
N° 18MA00213 5