Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 28 février 2018, M. B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 31 janvier 2018 ;
2°) d'annuler cet arrêté du 4 décembre 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Aude de réexaminer sa situation ;
4°) de lui accorder l'aide juridictionnelle et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à verser à son conseil qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire n'est pas suffisamment motivée ;
- elle méconnaît l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision porte une atteinte disproportionnée à son droit de mener une vie privée et familiale normale ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle ;
- la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense enregistré le 15 mai 2018, le préfet de l'Aude conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 20 avril 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant du 20 novembre 1989 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné M. d'Izarn de Villefort en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Tahiri a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant géorgien né le 5 juin 1977, a fait l'objet, après avoir été interpellé dans le cadre d'un contrôle d'identité le 4 décembre 2017, d'un arrêté du préfet de l'Aude du même jour lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination. Il relève appel du jugement du 31 janvier 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, M. B... reprend en appel le moyen qu'il avait invoqué en première instance et tiré de ce que la décision attaquée ne serait pas suffisamment motivée. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption du motif retenu par le tribunal administratif de Montpellier.
3. En deuxième lieu, aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) ". L'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précise que : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ".
4. D'une part, il ressort des pièces du dossier que M. B... a présenté une demande d'asile qui a été rejetée par l'Office de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 24 octobre 2014, puis par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 2 avril 2015. A la date de l'arrêté en litige, il ne disposait pas d'un titre de séjour en cours de validité. Dès lors, il pouvait légalement faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français sur le fondement des dispositions du 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors même qu'il avait sollicité, par l'intermédiaire d'un courriel émanant de la Cimade le 26 juillet 2017, un rendez-vous pour déposer une demande de titre de séjour pour soins.
5. D'autre part, le certificat médical du 14 septembre 2017 versé au dossier mentionne que M. B... présente une symptomatologie anxio-dépressive réactionnelle avec des éléments psychotiques, que son état clinique nécessite une prise en charge psycho thérapeutique avec une aide médicamenteuse et qu'il " ne permet pas d'envisager un retour en Géorgie à cause du risque d'aggravation des troubles " et du " risque d'aggravation pour son intégrité psychique et physique même s'il existe une possibilité de prise en charge équivalente dans son pays ", l'auteur de ce certificat précisant ne pas disposer d'information sur ce dernier point. La teneur de ces éléments ne fait pas apparaître que l'état de santé de l'intéressé nécessiterait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité ni, au surplus, qu'il n'existerait pas de traitement approprié dans son pays d'origine ou en Ukraine où il a résidé de 2009 à 2013. En conséquence, le requérant ne démontre pas être atteint d'une pathologie de nature à faire obligation au préfet de saisir les médecins de l'OFII avant de prendre la décision d'éloignement contestée. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le préfet a méconnu les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ".
7. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la compagne de M. B..., qui ne disposait pas d'un titre de séjour à la date de l'arrêté en litige, ne pourrait pas s'installer en Géorgie, pays dont il a la nationalité, ou qu'il ne serait lui-même pas légalement admissible avec elle et sa fille en Ukraine, pays dans lequel il a résidé précédemment et dont il a indiqué, dans le cadre de son audition réalisée pendant l'instruction de sa demande d'asile, avoir eu " une carte de séjour avec l'enregistrement provisoire chez [sa] femme ". Ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté pris à l'encontre de M. B... aurait nécessairement pour effet de séparer, même provisoirement, les membres de la cellule familiale, qui peut se reconstituer hors de France.
8. En quatrième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la Convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
9. La scolarisation en France de l'enfant de la compagne de M. B..., âgée de 9 ans à la date de l'arrêté attaqué, est récente compte tenu de la date d'entrée de la famille sur le territoire français et il ne ressort pas des pièces du dossier que cette enfant ne pourra pas reprendre normalement sa scolarité dans son pays d'origine. Dès lors, le moyen tiré de la violation des stipulations précitées du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
10. Enfin, pour les motifs qui sont exposés aux points précédents, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté contesté est entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle.
Sur la décision fixant le pays de destination :
11. Par les mêmes motifs que ceux retenus aux points 7 et 8, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant doivent être écartés.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Aude.
Délibéré après l'audience du 8 janvier 2019, où siégeaient :
- M. d'Izarn de Villefort, président,
- M. Jorda, premier conseiller,
- Mme Tahiri, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 22 janvier 2019.
N° 18MA01006 2