Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 24 avril 2018 et un mémoire enregistré le 28 novembre 2018, M. B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 20 mars 2018 ;
2°) d'annuler cet arrêté du 7 mars 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer une carte de résident portant la mention " vie privée et familiale " ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté en litige méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il contribue à l'entretien et à l'éducation de son fils et ne constitue pas une menace à l'ordre public ;
- il méconnaît également les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- il méconnaît le droit de séjour résultant du traité sur le fonctionnement de l'union européenne bénéficiant à l'ascendant d'un citoyen de l'union ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai et l'interdiction de retour pendant 2 ans méconnaissent l'article L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elles portent une atteinte disproportionnée à son droit à une vie privée et familiale normale.
La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit de mémoire en défense malgré la mise en demeure qui lui a été adressée le 16 octobre 2018 en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 5 décembre 2018 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant du 20 novembre 1989 ;
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné M. d'Izarn de Villefort en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Tahiri a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant marocain né le 16 avril 1986, relève appel du jugement du 20 mars 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 mars 2018 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé son admission au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et l'a assigné à résidence.
Sur la décision portant refus de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire ou la carte de séjour pluriannuelle peut, par une décision motivée, être refusée ou retirée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public ".
3. Pour rejeter la demande de titre de séjour présentée par M. B..., le préfet des Alpes-Maritimes s'est fondé sur trois motifs tirés, d'une part, de l'absence de contribution à l'entretien et à l'éducation de son enfant depuis deux ans, qui s'opposait à l'attribution du titre prévu par le 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'autre part, de l'absence d'atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale, qui ne permettait pas l'attribution du titre prévu au 7° de cet article, et, enfin, de la menace pour l'ordre public que représente son comportement, qu'il a opposée à l'intéressé sur le fondement de l'article L. 313-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a fait l'objet, entre 2005 et 2013, de 10 condamnations avec en dernier lieu le prononcé à son encontre d'une peine de 6 ans d'emprisonnement par la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Bastia pour des faits de destruction du bien d'autrui par un moyen dangereux pour les personnes, arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire de plusieurs personnes suivi de libération avant le 7ème jour et des faits de vol aggravé par trois circonstances commis en récidive. Eu égard à l'ancienneté du parcours pénal de M. B... initié en 2005 et émaillé de plusieurs condamnations ainsi qu'à la nature et à la gravité des derniers faits pour lesquels il a été condamné, le préfet des Alpes-Maritimes n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que la présence de ce dernier sur le territoire français constituait une menace pour l'ordre public. Il résulte de l'instruction que le préfet des Alpes-Maritimes aurait pris la même décision s'il avait entendu initialement se fonder sur ce seul motif, qui était de nature à justifier légalement l'arrêté contesté.
5. En deuxième lieu, aux termes des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
6. M. B... fait valoir qu'il est le père d'un enfant français, né le 17 juillet 2008 à Alicante en Espagne et dont il s'occupe. Il se prévaut d'un protocole d'accord transactionnel du 7 février 2016 signé avec la mère de l'enfant et établissant une garde alternée. Il n'est pas justifié que cette convention a été homologuée, ainsi qu'elle le prévoit, par le juge aux affaires familiales, et sa mise en place effective n'est pas établie par les seules attestations produites émanant de proches et mentionnant que M. B... est hébergé par sa mère au domicile de laquelle il recevrait l'enfant. S'il indique avoir contribué à l'entretien de son fils au moyen de virements, les pièces produites, datées de septembre 2010 et mars 2018, démontrent des versements depuis le compte de la soeur de l'appelant sans que ce dernier ne justifie lui avoir versé une somme équivalente. S'il produit une facture de cantine datée d'octobre 2017 à son nom ainsi que des tickets de caisse valant facture sur lesquels son nom a été rajouté de manière manuscrite, ces dernières pièces sont dépourvues de caractère probant et l'une d'elle, datée du 13 février 2018, est même démentie par la circonstance que l'intéressé se trouvait en Thaïlande à la date d'édition du ticket de caisse dans un commerce de Nice. Enfin, alors que l'enfant est né en 2008, M. B... ne justifie d'aucune contribution matérielle à son entretien à hauteur de ses capacités contributives ou d'une relation affective avec cet enfant auparavant, son incarcération ne faisant obstacle ni à l'exercice d'un droit de visite, ni à ce qu'il travaille en détention et obtienne le versement d'un pécule afin de pourvoir aux besoins de son enfant. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique et au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. Si M. B... prétend résider en France depuis l'âge de 14 ans et indique, sans pour autant la produire, avoir bénéficié en 2008 d'une carte de résident de 10 ans, il n'établit aucunement l'antériorité de son séjour sur le territoire français. Il n'établit pas davantage être dépourvu d'attaches privées et familiales au Maroc, où réside notamment son père. Dans ces conditions, alors même que sa mère, sa soeur et son fils sont de nationalité française, le préfet des Alpes-Maritimes n'a pas porté au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels les décisions attaquées ont été prises et n'a dès lors pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
9. En quatrième lieu, pour l'ensemble des motifs qui viennent d'être énoncés, le préfet des Alpes-Maritimes n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle et familiale de M. B....
10. Enfin, aux termes de l'article 20 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 2. Les citoyens de l'Union jouissent des droits et sont soumis aux devoirs prévus par les traités. Ils ont, entre autres:/ a) le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres ; (...) Ces droits s'exercent dans les conditions et limites définies par les traités et par les mesures adoptées en application de ceux-ci. (...) ". L'article 7 de la directive 2004/38/CE du 29 avril 2004 prévoit, au titre de ces limitations : " 1. Tout citoyen de l'Union a le droit de séjourner sur le territoire d'un autre État membre pour une durée de plus de trois mois : / (...) b) s'il dispose, pour lui et pour les membres de sa famille, de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale de l'État membre d'accueil au cours de son séjour, et d'une assurance maladie complète dans l'État membre d'accueil (...) / 2. Le droit de séjour prévu au paragraphe 1 s'étend aux membres de la famille n'ayant pas la nationalité d'un État membre lorsqu'ils accompagnent ou rejoignent dans l'État membre d'accueil le citoyen de l'Union, pour autant que ce dernier satisfasse aux conditions énoncées au paragraphe 1, points a), b) ou c) (...) ". Ces dispositions combinées confèrent au ressortissant mineur d'un Etat membre, en sa qualité de citoyen de l'Union, ainsi que, par voie de conséquence, au ressortissant d'un Etat tiers, parent de ce mineur et qui en assume la charge, un droit de séjour dans l'Etat membre d'accueil à la double condition que cet enfant soit couvert par une assurance maladie appropriée et que le parent qui en assume la charge dispose de ressources suffisantes.
11. M. B... ne justifie pas disposer de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale. Dans ces conditions, le préfet n'a pas méconnu les dispositions précitées en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour.
Sur les autres décisions :
12. En premier lieu, M. B... ne peut utilement se prévaloir des dispositions précitées de l'article L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, qui sont applicables aux seules mesures d'expulsion.
13. En second lieu, par les mêmes motifs que ceux retenus aux points 5 et 7, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme doit être écarté.
14. Il résulte de tout ce qui précède, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 7611 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 8 janvier 2019, où siégeaient :
- M. d'Izarn de Villefort, président,
- M. Jorda, premier conseiller,
- Mme Tahiri, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 22 janvier 2019.
N° 18MA01985 2