Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 7 juin 2018, M. A... représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice ;
2°) d'annuler l'arrêté du 2 août 2017 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour sans délai à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous peine d'une astreinte de 100 euros par jour de retard à défaut, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois sous peine de la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil de la somme de
2 500 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'administration aurait dû soumettre son cas à la commission du titre de séjour dès lors qu'il justifie de plus de dix ans de résidence habituelle en France ;
- les dispositions de l'article L. 313-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui exigent la production d'un visa de long séjour ne lui sont pas applicables ;
- il a été porté atteinte à son droit au respect de sa vie familiale et privée de sorte que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7) de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues ;
- les dispositions de l'article L. 313-14 du code précité ont été méconnues.
La requête a été communiquée le 10 octobre 2018 au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Le préfet des Alpes-Maritimes a été mis en demeure de produire en application de l'article L. 612-3 du code de justice administrative, par lettre du 11 décembre 2018.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 juillet 2018
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné M. d'Izarn de Villefort pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Coutel a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. MA..., ressortissant marocain, a présenté le 20 décembre 2016 une demande d'admission au séjour. Le silence gardé pendant plus de quatre mois sur cette demande a fait naître, en application de l'article R. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une décision implicite de rejet. Par courrier du 16 juin 2017, M. A... a demandé la communication des motifs de ce refus implicite. Par arrêté du 2 août 2017, le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer le titre demandé, l'a obligé à quitter le territoire dans le délai de 30 jours et a fixé le pays de destination. Par deux requêtes distinctes, M. A... a demandé l'annulation de la décision implicite de rejet née du silence de l'administration préfectorale sur sa demande, et l'annulation de l'arrêté du 2 août 2017. Par jugement du 6 avril 2018, le tribunal administratif de Nice a rejeté ses demandes. M. A... demande l'annulation de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision expresse en date du 2 août 2017.
Sur la légalité du refus de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. ".
3. Il ressort des pièces du dossier, notamment des termes de la lettre portant demande de titre de séjour en date du 19 décembre 2016 que M. A... a présenté une demande pour la délivrance d'un titre de séjour l'autorisant à travailler. L'article L. 313-14 n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, au sens de l'article 9 de cet accord.
4. Dès lors que M. A... ne peut utilement invoquer la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14, le moyen tiré de ce que l'administration était tenue de saisir la commission du titre de séjour compte tenu de la durée de son séjour habituel en France en application du deuxième alinéa des dispositions de cet article doit être écarté comme inopérant.
5. Les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation à un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié.
6. Toutefois, l'exercice du pouvoir de régularisation de la situation de M. A... par le préfet n'impliquait pas davantage que la commission du titre de séjour fût consultée.
7. Aux termes de l'article 3 de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, (...) reçoivent après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes un titre de séjour valable un an et portant la mention salarié (...) ". Le 1er alinéa de l'article 9 du même accord stipule : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord. ". Enfin, aux termes de l'article L. 313-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, la première délivrance de la carte de séjour temporaire et celle de la carte de séjour pluriannuelle mentionnée aux articles L. 313-20, L. 313-21, L. 313-23 et L. 313-24 sont subordonnées à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 311-1.(...)".
8. Il résulte de la combinaison des textes cités que si la situation des ressortissants marocains souhaitant bénéficier d'un titre de séjour portant la mention " salarié " est régie par les stipulations de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, la délivrance à un ressortissant marocain du titre de séjour " salarié " prévu à l'article 3 de ce texte est subordonnée, en vertu de son article 9, à la condition, prévue à l'article L. 313-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de la production par ce ressortissant d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois.
9. Aux termes de l'article L. 5221-2 du code du travail : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente :1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ".
10. Il résulte de ce qui vient d'être dit et des dispositions citées du code du travail applicables aux ressortissants marocains qu'en l'absence de production d'un visa de long séjour et alors que l'intéressé était en situation irrégulière, l'administration a pu sans commettre d'erreur de droit ni d'erreur manifeste d'appréciation rejeter la demande de l'intéressé pour obtenir la délivrance d'un titre de séjour portant la mention salarié au seul motif que l'intéressé ne présentait pas un visa de long séjour, sans soumettre la délivrance du titre de séjour sollicité à la délivrance préalable d'une autorisation de travail accordée par l'autorité administrative compétente dans les conditions et selon les modalités fixées par le code du travail, notamment en application dispositions de l'article R. 5221-20 du code du travail.
11. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " I. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : " ... 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".
12. M. A..., soutient qu'il réside de façon habituelle en France depuis l'année 2004. Dès lors que le préfet des Alpes-Maritimes a été vainement mis en demeure et qu'aucune pièce du dossier n'est de nature à contredire les allégations de l'intéressé, l'administration doit, en application des dispositions de l'article L. 612-3 du code de justice administrative, être regardée comme ayant acquiescé aux faits allégués par le requérant. Toutefois, au regard des pièces produites et des conditions de séjour précaires de l'intéressé qui, sans emploi stable, est célibataire et sans enfant, il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant ferait montre d'une intégration telle dans la société française que la décision de refus de séjour en litige aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Il s'ensuit que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7) de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'ont pas été méconnues.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
13. La décision de refus de séjour n'étant pas illégale, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait dépourvue de base légale doit être écarté.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
14. Le présent arrêt qui rejette les conclusions tendant à l'annulation de la décision attaquée, n'implique aucune mesure particulière d'exécution. Par suite les conclusions à fin d'injonction de la requête doivent être rejetées.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
15. Ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme qu'il réclame au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 1à juillet 1991.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et à
MeC....
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 8 janvier 2019, où siégeaient :
- M. d'Izarn de Villefort, président,
- M. Jorda, premier conseiller,
- M. Coutel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 22 janvier 2019.
N° 18MA02702 2