Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 4 mai 2018, Mme B..., représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 12 avril 2018 ;
2°) d'annuler cet arrêté du 13 septembre 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour dès notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à verser à son conseil qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que
- la décision de refus d'admission au séjour a été prise au terme d'un procédure irrégulière, faute de saisine préalable de la commission du titre de séjour ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît également les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour.
La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit de mémoire en défense malgré la mise en demeure qui lui a été adressée le 16 octobre 2018 en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 5 décembre 2018 à 12h00.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 7 septembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné M. d'Izarn de Villefort en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Tahiri a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante philippine née le 6 juillet 1979 à Sta Ana (Philippines), relève appel du jugement du 12 avril 2018 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 septembre 2017 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé son admission au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. En application des dispositions de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, la Cour a mis le préfet des Alpes-Maritimes en demeure de présenter ses observations dans la présente instance. Cette mise en demeure étant demeurée sans suite à la date de clôture de l'instruction, le préfet des Alpes-Maritimes doit, conformément aux dispositions de l'article R. 612-6 du code de justice administrative, être regardé comme ayant acquiescé aux faits exposés dans la requête présentée par Mme B....
3. Aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...) ". Aux termes du second alinéa de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ".
4. Mme B... soutient qu'elle réside habituellement en France depuis plus de dix ans à la date de la décision attaquée et qu'en conséquence le préfet des Alpes-Maritimes était tenu de soumettre pour avis à la commission du titre de séjour sa demande d'admission exceptionnelle au séjour. Elle produit des pièces pour chacune des années 2007 à 2017. La situation de fait qu'elle invoque n'est pas contredite par les pièces du dossier. Dans ces conditions, le préfet des Alpes-Maritimes ne pouvait refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour de Mme B... sans recueillir au préalable l'avis de la commission du titre de séjour. Dès lors, l'arrêté attaqué est entaché d'illégalité et doit être annulé.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Eu égard au motif d'annulation ci-dessus retenu, le présent arrêt implique seulement qu'il soit enjoint au préfet de procéder à un réexamen de la situation de Mme B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette mesure d'exécution d'une astreinte.
Sur les frais liés à l'instance :
7. Mme B... ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me C... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée, de condamner l'État à lui verser à ce titre la somme de 1 500 euros.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1704352 du 12 avril 2018 et l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 13 septembre 2017 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de statuer sur la situation de Mme B... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'État versera à Me C... la somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., au préfet des Alpes-Maritimes, à Me C... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 8 janvier 2019, où siégeaient :
- M. d'Izarn de Villefort, président,
- M. Jorda, premier conseiller,
- Mme Tahiri, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 22 janvier 2019.
N° 18MA02061 3