Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 5 avril 2018, Mme A... épouse C..., représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 5 décembre 2017 ;
2°) d'annuler cet arrêté du 13 octobre 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dès notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de lui accorder l'aide juridictionnelle et de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à verser à son conseil qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
- l'arrêté en litige est entaché d'un défaut de base légale ; le préfet n'a pas justifié de la notification du sens de la décision de la Cour nationale du droit d'asile dans une langue qu'elle comprend, contrairement aux dispositions de l'article R. 213-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; la décision portant obligation de quitter le territoire français ne pouvait ainsi être édictée, dès lors qu'elle bénéficiait encore de son droit au séjour ;
- il est également entaché d'un défaut d'examen réel et complet de sa situation et méconnaît l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation et méconnaît l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 13 novembre 2018, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 19 février 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné M. d'Izarn de Villefort en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Tahiri a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., ressortissante albanaise née le 15 février 1988, a fait l'objet le 13 octobre 2017 d'un arrêté du préfet de l'Hérault lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination. Elle relève appel du jugement du 5 décembre 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la mesure d'éloignement :
2. Aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) ". Aux termes de l'article L. 743-1 du même code : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. (...) ". Aux termes du III de l'article R. 723-19 de ce code : " La date de notification de la décision de l'office et, le cas échéant, de la Cour nationale du droit d'asile qui figure dans le système d'information de l'office et est communiquée au préfet compétent et au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration au moyen de traitements informatiques fait foi jusqu'à preuve du contraire ". Aux termes de l'article R. 733-32 du même code : " Le secrétaire général de la cour notifie la décision de la cour au requérant par lettre recommandée avec demande d'avis de réception dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article R. 213-3 (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 213-6 du même code issu de l'article 2 du décret n° 2015-1166 du 21 septembre 2015 qui reprend les dispositions du deuxième alinéa de l'article R. 213-3 : " L'étranger est informé, dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend, du caractère positif ou négatif de la décision prise par le ministre chargé de l'immigration en application de l'article L. 213-8-1 ".
3. Mme C... fait valoir que le préfet, faute d'établir que la décision de la cour nationale du droit d'asile rejetant sa demande d'asile lui a été notifiée, ne pouvait, sans méconnaître les dispositions précitées de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, prendre l'arrêté en litige alors qu'elle disposait toujours du droit de se maintenir sur le sol français. Toutefois, il ressort des extraits de la base TelemOfpra produits par le préfet que la décision du 14 septembre 2017, par laquelle la Cour a rejeté son recours, a été notifiée à l'intéressée le 25 septembre 2017. Aucun des éléments versés au dossier ne permet de remettre en cause l'exactitude des mentions portées dans cette pièce qui, ainsi qu'il a été dit, fait foi jusqu'à preuve du contraire.
En outre, si Mme C... soutient qu'il n'est pas établi que cette décision lui a été notifiée en albanais, seule langue qu'elle comprend, elle ne produit pas les documents qu'elle a reçus de la Cour nationale du droit d'asile. Ainsi, elle ne met pas la Cour en mesure d'apprécier si la formalité prévue par les dispositions citées au point précédent a été respectée. Il suit de là que le moyen tiré de ce que la requérante bénéficie d'un droit provisoire au séjour en l'absence de justification d'une notification régulière de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ne peut qu'être écarté.
4. En second lieu, aux termes de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé ou qui ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2 et qui ne peut être autorisé à demeurer sur le territoire à un autre titre doit quitter le territoire français, sous peine de faire l'objet d'une mesure d'éloignement prévue au titre Ier du livre V et, le cas échéant, des pénalités prévues au chapitre Ier du titre II du livre VI. "
5. Si le préfet de l'Hérault a mentionné, dans l'arrêté attaqué, les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile rejetant la demande d'asile de Mme C..., il ne ressort pas des termes de cet arrêté que le préfet, qui a relevé que l'intéressée n'apportait pas d'élément nouveau établissant qu'elle serait exposée à des peines ou des traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour en Albanie, se serait cru lié par ces décisions et n'aurait pas procédé à sa propre évaluation des risques encourus par la requérante.
En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le pays de destination :
6. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : 1° À destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; 2° Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; 3° Ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".
7. Mme C... soutient qu'elle encourt des risques en cas de retour dans son pays d'origine en raison de l'opposition de sa famille à son mariage avec un compatriote de religion musulmane. Les documents qu'elle produit, notamment des attestations médicales concernant une agression dont le couple a été victime le 15 octobre 2014 et les attestations émanant de son beau-père et du chef de la police judiciaire locale ne permettent d'établir ni l'existence de risques personnels et actuels en cas de retour en Albanie, ni l'impossibilité pour elle d'être protégée par les autorités albanaises. Dans ces conditions, l'intéressée n'est pas fondée à soutenir que le préfet de l'Hérault aurait entaché sa décision fixant le pays de destination d'une erreur manifeste d'appréciation ni qu'il aurait méconnu les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ne peuvent qu'être rejetées par voie de conséquence ainsi que celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A... épouse C..., à Me B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 8 janvier 2019, où siégeaient :
- M. d'Izarn de Villefort, président,
- M. Jorda, premier conseiller,
- Mme Tahiri, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 22 janvier 2019.
N° 18MA01559 2