Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 22 décembre 2014, et un mémoire complémentaire enregistré le 21 septembre 2016 qui n'a pas été communiqué en application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative, Mme F...A..., représentée par la SCP Bothy et Jonquet, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 24 octobre 2014 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 28 mars 2013 par lequel le maire de la commune de Saint-Laurent du Var lui a infligé une exclusion temporaire de fonctions d'une durée de deux ans ;
3°) d'enjoindre sa réintégration rétroactive à son poste de travail ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Laurent du Var la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le mémoire en défense, présenté par la commune devant le tribunal administratif, est irrecevable ;
- l'illégalité entachant la décision de suspension, prise à son encontre préalablement à la sanction attaquée, entache nécessairement celle-ci d'illégalité ;
- la procédure disciplinaire n'a pas respecté le droit à un procès équitable garanti par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les droits de la défense n'ont pas été respectés, dès lors que la décision est fondée sur des témoignages qui n'ont pas été produits ;
- la sanction est fondé sur des faits matériellement inexacts ;
- ses agissements n'étaient pas fautifs ;
- la sanction est disproportionnée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 octobre 2015, la commune de Saint-Laurent du Var, représentée par MeD..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de
Mme A...de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Argoud,
- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., substituant MeD..., représentant la commune de Saint-Laurent du Var.
Sur la recevabilité du mémoire en défense présenté par la commune devant le tribunal administratif :
1. Considérant qu'il appartient à tout moment à un conseil municipal de régulariser, s'il en décide ainsi, les écritures contentieuses de son maire, initialement produites sans habilitation ; qu'en l'espèce le mémoire en défense présenté par le maire de la commune de Saint-Laurent du Var le 14 avril 2014 a été régularisé en cours d'instance par la production d'une délibération du conseil municipal du 17 avril 2014 l'autorisant à défendre la commune dans les actions en justice ; que Mme A...n'est donc pas fondée à soutenir que les écritures en défense de la commune étaient irrecevables ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne le moyen tiré de l'illégalité de la décision de suspension :
2. Considérant que la sanction attaquée n'étant pas prise en application de la décision de suspendre la requérante de ses fonctions, celle-ci ne peut pas utilement invoquer à l'appui de ses conclusions dirigées contre cette sanction, des moyens relatifs à la légalité de la décision de suspension ;
3. Considérant que la contestation par un fonctionnaire de la sanction disciplinaire qui lui a été infligée n'est relative ni à un droit ou une obligation de caractère civil, ni au bien-fondé d'une accusation en matière pénale ; que par suite, un tel litige n'entre pas dans le champ d'application de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le moyen de la requérante fondé sur la méconnaissance des stipulations de cet article est donc inopérant ;
4. Considérant qu'il ne résulte d'aucune disposition normative applicable que l'administration serait tenue de ne se fonder que sur des attestations écrites ; qu'il est ainsi loisible à l'administration de se fonder sur des éléments résultant de déclarations orales de certains de ses agents ; que la requérante ne peut donc utilement soutenir qu'en se fondant sur de telles déclarations, l'administration aurait méconnu les droits de la défense ;
5. Considérant que les faits invoqués sont établis notamment par un premier rapport très circonstancié, établi le 1er mars 2013 par MmeH..., éducatrice de jeunes enfants, après avoir travaillé un an comme adjointe de Mme A...dans la crèche des Moussaillons, et par deux autres rapports établis le 2 mars 2012 et le 25 juillet 2012 par Mme E..., coordinatrice Petite enfance de la commune, en lien avec la directrice générale adjointe des services de la commune ; qu'il ressort des termes mêmes de ces rapports de Mme E..., qu'ils sont eux-mêmes fondés sur les constatations effectuées par leur auteur, sur ses échanges avec le chef du service de la commune chargé de la petite enfance, sur le rapport de Mme H...précédemment cité, sur les déclarations de plusieurs agents interrogés par Mme E...et sur les déclarations de la mère de l'enfant envers lequel il est reproché à Mme A...d'avoir eu un comportement brutal ; qu'ainsi la requérante n'est pas fondée à soutenir que les faits qui lui sont reprochés ne reposeraient que sur des allégations qui ne seraient ni circonstanciées ni étayées par des faits précis ;
6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et notamment des documents mentionnés au point précédent que Mme A...s'est fréquemment absentée de son poste, parfois pendant plusieurs heures, sans justification et sans respecter la procédure applicable ; qu'en se bornant à déclarer que ses absences concernaient des déplacements de courte durée à son domicile, pour y chercher des matériels et des denrées dans l'intérêt du service, l'intéressée n'apporte pas de contradiction sérieuse à la réalité de ces faits ;
7. Considérant qu'il résulte de l'examen du dossier que Mme A...a autorisé en une occasion la consommation d'alcool en présence des enfants et pendant le service, malgré une note de service l'interdisant strictement ; que, contrairement à ce que soutient la requérante, il résulte d'ailleurs des pièces du dossier que la présence d'alcool lors du repas en cause ne se limitait pas à une bouteille de champagne pour quinze personnes mais que l'ensemble du repas a été accompagné par d'autres vins ;
8. Considérant que Mme A...s'est endormie à plusieurs reprises pendant la sieste des enfants dont elle devait assurer la surveillance ; que contrairement à ce qu'elle soutient sans l'établir, elle ne se bornait pas à s'allonger au côté d'enfants jusqu'à ce que ceux-ci s'endorment mais faisait régulièrement elle-même la sieste, à des moments où elle était chargée de leur surveillance ;
9. Considérant qu'en procédant au nettoyage du linge, Mme A...a mélangé des types de linge dont le nettoyage aurait dû être effectué séparément, enfreignant ainsi les règles fixées par la commune, dont l'élaboration avait d'ailleurs été évoquée au cours de plusieurs réunions de coordination des établissements de petite enfance en 2010 et 2011 et qui avaient été formalisées dans un protocole d'entretien dont l'affichage et la mise en oeuvre ont été imposées, lors de la réunion de coordination du 22 septembre 2011 ;
10. Considérant qu'il résulte des procès-verbaux des réunions de coordination des établissements de petite enfance effectuées en 2011, qui énoncent clairement la nécessité de l'adoption d'un protocole de change de l'enfant devant obligatoirement respecter la règle de l'usage unique des couches, ainsi que du protocole de change ultérieurement adopté par la commune, que la technique de change des enfants préconisée par MmeA..., consistant à ne pas changer les couches des enfants lorsque celles-ci n'étaient souillées que par de l'urine, a enfreint les règles fixées en la matière par la commune ;
11. Considérant que Mme A...a délibérément et systématiquement commandé un nombre de repas supérieur à celui qu'appelait le nombre d'enfants accueillis dans la crèche, en méconnaissance des directives claires demandant que les commandes quotidiennes de repas soient précisément adaptées aux besoins ;
12. Considérant qu'il ressort des deux rapports établis par Mme E..., confirmant le rapport établi par Mme H...et d'une attestation établie par M. C... et MmeG..., parents d'un enfant accueilli à la crèche des Moussaillons, que Mme A... a fréquemment adopté un comportement agressif envers les enfants et a, en particulier, d'une part, versé un verre d'eau sur la tête de l'un d'entre eux à titre de sanction et non, comme elle le soutient à des fins pédagogiques, et, d'autre part, utilisé des techniques de contrainte physique à l'encontre des enfants au moment de leur sieste ; qu'il ressort de l'ensemble des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutient la requérante, ces agissements ne peuvent être regardés comme traduisant des procédés pédagogiques préconisés par certains experts, mais révèlent, en l'espèce, un comportement violent à l'encontre des enfants, dont l'intéressée n'est pas fondée à soutenir qu'en le lui reprochant, l'administration se serait fondée sur des faits matériellement inexacts ;
13. Considérant que Mme A...ne conteste pas avoir utilisé à plusieurs reprises à des fins personnelles le sèche-linge et le lave-linge affectés au service ; qu'elle n'apporte pas de contradiction sérieuse au bien-fondé de la mention du rapport de Mme H...selon laquelle elle s'appropriait régulièrement les plateaux repas en surnombre destinés au service ; qu'elle n'est donc pas non plus fondée à soutenir que ces faits qui lui sont également reprochés seraient matériellement inexacts ;
14. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 5 à 13 que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que la sanction en litige serait fondée sur des faits matériellement inexacts ;
15. Considérant que les agissements de Mme A...concernant l'entretien du linge et les techniques de change, en méconnaissance des bonnes pratiques en matière d'hygiène et des règles formellement énoncées par la commune, les absences répétées de MmeA..., ses siestes régulières pendant le service et l'organisation d'un repas avec de l'alcool pendant le service, en méconnaissance des règles de sécurité, et des directives expresses de la commune sur ce point, la pratique de Mme A...de commander systématiquement un nombre de repas supérieurs à celui nécessité par le nombre d'enfants accueillis dans la crèche en méconnaissance des règles de bonne gestion rappelées au demeurant pas des directives de la commune, l'utilisation du matériel de l'établissement et le détournement de repas à des fins personnelles en méconnaissance des règles de probité, constituent, contrairement à ce que soutient MmeA..., des fautes disciplinaires ;
16. Considérant que la multiplicité des fautes de Mme A...et leur gravité, notamment en ce qui concerne les domaines de l'hygiène et de la sécurité, justifiaient, eu égard, d'une part à la fonction de direction de Mme A...et à sa qualité d'infirmière et, d'autre part, aux risques qu'elles ont fait peser sur les enfants accueillis dans la structure, la sanction d'exclusion de fonction de deux années lui ayant été infligée ;
17. Considérant que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
18. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Saint-Laurent du Var, qui n'a pas la qualité de partie perdante à la présente instance, verse une quelconque somme à la requérante au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, sur le fondement des mêmes dispositions, de mettre à la charge de la requérante, la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Saint-Laurent du Var et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.
Article 2 : Mme A...versera à la commune de Saint-Laurent du Var la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F...A...et à la commune de Saint-Laurent du Var.
Délibéré après l'audience du 15 novembre 2016, où siégeaient :
- M. Gonzales, président,
- M. Renouf, président-assesseur,
- M. Argoud, premier conseiller.
N° 14MA05183