Procédures devant la cour :
I. Par une requête enregistrée le 12 novembre 2020 sous le n° 20MA04187, M. A..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 25 juin 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 17 février 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à venir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, subsidiairement, de procéder au réexamen de sa demande et de prendre une nouvelle décision dans le même délai et sous la même astreinte et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour durant ce réexamen ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;
- il n'a pas été précédé d'un examen particulier de sa situation ;
- la décision de refus de titre de séjour méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation ;
- elle méconnaît le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- cette mesure d'éloignement méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation ;
- elle méconnaît le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la décision relative au délai de départ volontaire est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'un délai supérieur à trente jours aurait dû lui être accordé.
Par un mémoire en défense enregistré le 21 janvier 2021, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par M. A... ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 octobre 2020.
II. Par une requête enregistrée le 12 novembre 2020 sous le n° 20MA04189, M. A..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'ordonner le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Marseille du 25 juin 2020 ;
2°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, jusqu'à ce qu'il soit statué sur son appel, dans le délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à venir ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'exécution du jugement attaqué aura des conséquences difficilement réparables ;
- les moyens, visés ci-dessus, présentent un caractère sérieux.
Par un mémoire en défense enregistré le 21 janvier 2021, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les conditions du sursis à exécution ne sont pas remplies.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 octobre 2020.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant turc né en 1986, déclare être entré en France le 12 janvier 2010 afin d'y solliciter l'asile et s'y maintenir depuis lors. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 9 mars 2010 dont la légalité a été confirmée par la Cour nationale du droit d'asile. Le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour par des arrêtés du 25 janvier 2012 et du 19 octobre 2016, assortis de mesures d'éloignement notamment. Cette même autorité a, par un arrêté du 17 février 2020, de nouveau refusé de délivrer à M. A... un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a accordé un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné. Par un jugement du 25 juin 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de M. A... tendant à l'annulation de ce dernier arrêté. Par ses requêtes nos 20MA04187 et 20MA04189, qui sont dirigées contre ce jugement et qu'il y a lieu de joindre pour statuer par un même arrêt, M. A... demande à la cour, respectivement, de l'annuler et d'en prononcer le sursis à exécution.
Sur la requête n° 20MA04187 :
En ce qui concerne la légalité de la décision de refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté attaqué, ainsi que celui tiré de ce que le préfet ne s'est pas livré à un examen particulier de la situation de M. A..., par adoption des motifs retenus aux points 3 et 4 du jugement attaqué.
3. En deuxième lieu, pour l'application des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L. 31311 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
4. En admettant même qu'il résidait en France de manière continue depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté attaqué, M. A... n'y justifie d'aucune attache familiale, hormis son épouse, qui se trouve en situation irrégulière, ainsi que leurs trois enfants mineurs nés en 2007, 2009 et 2015. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé, qui ne démontre pas avoir tissé des liens intenses en France où il ne justifie pas d'une intégration sociale et professionnelle particulière, serait dépourvu d'attaches en Turquie, pays dont son épouse est originaire et dans lequel leurs deux premiers enfants sont nés. Par ailleurs, il n'est pas établi que M. A... se trouverait dans l'impossibilité de reconstituer sa cellule familiale en dehors du territoire français avec son épouse et leurs enfants, ni que ces derniers ne pourraient poursuivre leur scolarité en Turquie, et ce alors même qu'ils sont scolarisés en France depuis plusieurs années. Dans ces circonstances, et compte tenu des conditions du séjour en France de M. A... rappelées au point 1, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas, en édictant la décision de refus de titre de séjour en litige, porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L. 31311 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés. Pour les mêmes raisons, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle et familiale de l'intéressé.
5. En troisième et dernier lieu, il résulte des stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.
6. La décision de refus de titre de séjour en litige n'a pas pour effet de séparer M. A... de ses enfants mineurs qui ont vocation à accompagner leurs parents en Turquie. Il ne ressort pas des pièces du dossier que les trois enfants mineurs de l'intéressé seraient dans l'impossibilité de poursuivre leur scolarité dans le pays dont ils ont la nationalité. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ne saurait être accueilli.
En ce qui concerne la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
7. En premier lieu, eu égard à ce qui a été dit précédemment, M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français serait illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour.
8. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés ci-dessus, la mesure d'éloignement en litige ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, et n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation de M. A....
En ce qui concerne la légalité de la décision relative au délai de départ volontaire :
9. M. A... persiste à soutenir en appel que la décision lui accordant un délai de départ volontaire de trente jours est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors, en particulier, que ses enfants sont scolarisés en France. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit au point 13 du jugement attaqué.
10. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 17 février 2020. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 7611 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent être rejetées.
Sur la requête n° 20MA04189 :
11. Le présent arrêt statuant sur les conclusions de la requête n° 20MA04187 de M. A... tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Marseille du 25 juin 2020, les conclusions de sa requête n° 20MA04189 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce même jugement et à ce qu'une injonction soit prononcée à l'encontre du préfet des Bouches-du-Rhône sont devenues sans objet. Il n'y a donc plus lieu de statuer sur ces conclusions. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. A..., dans cette dernière instance, au titre de l'article L. 7611 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 20MA04189 à fin de sursis à exécution et d'injonction.
Article 2 : La requête n° 20MA04187 et le surplus des conclusions de la requête n° 20MA04189 sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et à Me D....
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 13 avril 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Chazan, président,
- Mme Simon, présidente assesseure,
- M. C..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 mai 2021.
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Nos 20MA04187, 20MA04189