Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 19 février 2019, M. E..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 21 décembre 2018 en ce qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de ses conclusions indemnitaires ;
2°) de condamner la commune de Saleilles à lui verser la somme totale de 220 680,81 euros ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Saleilles la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la commune a commis une faute en ne procédant pas au paiement des heures supplémentaires qu'il a effectuées et le jugement attaqué est entaché d'illégalité sur ce point ;
- il a subi, en raison de cette faute, un préjudice financier d'un montant total de 150 680,81 euros ;
- la commune a commis une autre faute en ne respectant pas les règles relatives à l'amplitude maximale de la journée de travail fixée par le décret n° 2000-815 du 25 août 2000 ;
- il a subi, en raison de cette dernière faute, des troubles dans ses conditions d'existence, ainsi que des préjudices physique et moral, d'un montant total de 70 000 euros.
Par un mémoire en défense enregistré le 14 février 2020, la commune de Saleilles, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de M. E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la demande de M. E... relative au paiement d'heures supplémentaires n'est pas fondée ;
- les préjudices allégués ne sont pas établis.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 2000-815 du 25 août 2000 ;
- le décret n° 2001-623 du 12 juillet 2001 ;
- le décret n° 2002-60 du 14 janvier 2002 ;
- le décret n° 2002-813 du 3 mai 2002 ;
- le décret n° 2005-542 du 19 mai 2005 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., représentant la commune de Saleilles.
Considérant ce qui suit :
1. M. E..., adjoint technique territorial de deuxième classe, exerce les fonctions de gardien du complexe sportif José Arrieta sur le territoire de la commune de Saleilles et s'est vu attribuer, à compter du 18 janvier 2013, un logement de fonction par nécessité absolue de service. Par une lettre du 10 octobre 2016, l'intéressé a saisi, en vain, le maire de Saleilles d'une demande préalable afin d'obtenir réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison du non-paiement d'heures supplémentaires, ainsi que de la durée excessive de son temps de travail. M. E... relève appel du jugement du 21 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Montpellier n'a fait que partiellement droit à sa demande en condamnant la commune de Saleilles à lui verser la somme de 4 000 euros en réparation des préjudices subis en raison de la faute résultant du non-respect de la règle relative à l'amplitude maximale de la journée de travail.
Sur la régularité du jugement :
2. Si M. E... soutient que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande tendant au paiement d'heures supplémentaires qu'il a effectuées, une telle critique se rattache au bien-fondé du jugement attaqué et non à sa régularité.
Sur les conclusions indemnitaires :
En ce qui concerne les heures supplémentaires :
3. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article 1er du décret du 25 août 2000 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l'Etat : " La durée du travail effectif est fixée à trente-cinq heures par semaine dans les services et établissements publics administratifs de l'Etat (...). / Le décompte du temps de travail est réalisé sur la base d'une durée annuelle de travail effectif de 1 607 heures maximum, sans préjudice des heures supplémentaires susceptibles d'être effectuées (...) ". L'article 8 de ce décret dispose que : " Une durée équivalente à la durée légale peut être instituée par décret en Conseil d'Etat (...) ".
4. D'autre part, l'article 1er du décret du 12 juillet 2001 pris pour l'application de l'article 7-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 et relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique territoriale dispose que : " Les règles relatives à la définition, à la durée et à l'aménagement du temps de travail applicables aux agents des collectivités territoriales (...) sont déterminées dans les conditions prévues par le décret du 25 août 2000 susvisé sous réserve des dispositions suivantes ". Selon l'article 2 de ce décret du 12 juillet 2001 : " L'organe délibérant de la collectivité (...) peut, après avis du comité technique compétent, réduire la durée annuelle de travail servant de base au décompte du temps de travail défini au deuxième alinéa de l'article 1er du décret du 25 août 2000 susvisé pour tenir compte de sujétions liées à la nature des missions et à la définition des cycles de travail qui en résultent, et notamment en cas de travail de nuit, de travail le dimanche, de travail en horaires décalés, de travail en équipes, de modulation importante du cycle de travail ou de travaux pénibles ou dangereux ". Si son article 8 prévoit que le " présent décret en Conseil d'Etat prévu pour l'application de l'article 8 du décret du 25 août 2000 susvisé est pris après avis du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale ", il n'a pas entendu, nonobstant l'utilisation du mot " présent " avant les mots " décret en Conseil d'Etat ", fixer les règles relatives aux horaires d'équivalence des agents de la fonction publique territoriale, mais seulement renvoyer à un décret en Conseil d'Etat, pris après avis du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, le soin de le faire. Aux termes de l'article 9 du même décret du 12 juillet 2001 : " L'organe délibérant de la collectivité (...) détermine, après avis du comité technique compétent, les autres situations dans lesquelles des obligations liées au travail sont imposées aux agents sans qu'il y ait travail effectif ou astreinte. Les modalités de la rémunération ou de la compensation de ces obligations sont précisées par décret, par référence aux modalités et taux applicables aux services de l'Etat ".
5. Enfin, il résulte des dispositions du code général des collectivités territoriales qu'il appartient aux organes compétents des collectivités territoriales de régler l'organisation des services communaux et notamment de fixer la durée hebdomadaire de travail du personnel communal, sous réserve du respect des dispositions législatives et réglementaires applicables. Ils peuvent notamment, dans ce cadre, fixer des équivalences en matière de durée du travail, afin de tenir compte des périodes d'inaction que comporte l'exercice de certaines fonctions.
6. Il ne résulte pas de l'instruction que le conseil municipal de Saleilles aurait adopté une délibération fixant des équivalences en matière de durée du travail ou définissant des modalités particulières de prise en compte du travail de nuit, ou du travail effectué les dimanches et les jours fériés. Dans ces conditions, le régime fixé par le décret du 3 mai 2002 relatif aux horaires d'équivalence applicables aux emplois de gardien et de concierge des services déconcentrés relevant du ministère de l'intérieur, qui n'a pas été transposé aux agents de la commune de Saleilles, ni d'ailleurs plus généralement à ceux de la fonction publique territoriale, n'est pas applicable à la situation de M. E.... En l'absence de toute disposition prise par la commune de Saleilles ou de règles spécifiques fixées par un décret en Conseil d'Etat, le régime du temps de travail de l'intéressé, tant en ce qui concerne sa durée que son organisation, est régi par les dispositions citées ci-dessus. Par ailleurs, s'agissant de la rémunération due au titre des heures supplémentaires effectuées par M. E..., celle-ci ne saurait être plus favorable que celle prévue par le décret du 14 janvier 2002 relatif aux indemnités horaires pour travaux supplémentaires, applicable aux agents de l'Etat, dès lors que le principe de parité entre les agents relevant des diverses fonctions publiques, dont s'inspire l'article 88 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, fait obstacle à ce qu'un agent d'une collectivité territoriale bénéficie de modalités de rémunération plus favorables que celles dont bénéficient les agents de l'Etat.
7. En second lieu, aux termes de l'article 2 du décret du 25 août 2000, applicable aux agents de la fonction publique territoriale en application des dispositions citées ci-dessus de l'article 1er du décret du 12 juillet 2001 : " La durée du travail effectif s'entend comme le temps pendant lequel les agents sont à la disposition de leur employeur et doivent se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ". Aux termes de l'article 4 de ce décret : " Le travail est organisé selon des périodes de référence dénommées cycles de travail. (...) / Pour les agents relevant d'un régime de décompte horaire des heures supplémentaires, celles-ci sont prises en compte dès qu'il y a dépassement des bornes horaires définies par le cycle de travail. Elles font l'objet d'une compensation horaire (...). A défaut, elles sont indemnisées ". Selon l'article 5 de ce décret : " Une période d'astreinte s'entend comme une période pendant laquelle l'agent, sans être à la disposition permanente et immédiate de son employeur, a l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour effectuer un travail au service de l'administration, la durée de cette intervention étant considérée comme un temps de travail effectif (...) ".
8. En vertu de l'article 4 du décret du 14 janvier 2002 relatif aux indemnités horaires pour travaux supplémentaires, " sont considérées comme heures supplémentaires les heures effectuées à la demande du chef de service dès qu'il y a dépassement des bornes horaires définies par le cycle de travail (...) ". Aux termes de l'article 6 du même décret : " Le nombre des heures supplémentaires accomplies dans les conditions fixées par le présent décret ne peuvent dépasser un contingent mensuel de 25 heures (...) ". Son article 7 prévoit que, à défaut de compensation sous la forme d'un repos compensateur, les heures supplémentaires accomplies sont indemnisées dans les conditions qu'il définit. L'article 9 de ce décret prévoit que : " (...) / Une période d'astreinte telle que définie à l'article 5 du décret du 25 août 2000 susvisé ne peut être rémunérée au titre des heures supplémentaires. Cependant lorsque des interventions sont effectuées au cours d'une période d'astreinte, ne sont pas compensées et donnent lieu à la réalisation d'heures supplémentaires, elles peuvent être rémunérées à ce titre ".
9. L'article 1er du décret du 19 mai 2005 relatif aux modalités de la rémunération ou de la compensation des astreintes et des permanences dans la fonction publique territoriale dispose que : " (...) bénéficient d'une indemnité non soumise à retenue pour pension ou, à défaut, d'un repos compensateur certains agents des collectivités territoriales et des établissements publics en relevant : / 1° Lorsqu'ils sont appelés à participer à une période d'astreinte ; / 2° Lorsque des obligations liées au travail imposent à un agent de se trouver sur son lieu de travail habituel, ou en un lieu désigné par son chef de service, pour nécessité de service, sans qu'il y ait travail effectif ou astreinte ". Selon l'article 3 de ce décret : " La rémunération et la compensation des obligations décrites à l'article 1er ci-dessus (...) ne peuvent être accordées aux agents qui bénéficient d'une concession de logement par nécessité absolue de service (...) ".
10. Il résulte de la combinaison des dispositions citées ci-dessus que, si un agent territorial bénéficiant d'une concession de logement à titre gratuit pour nécessité absolue de service ne peut pas prétendre au paiement ou à la compensation de ses périodes d'astreinte, y compris lorsque ces périodes ne lui permettent pas de quitter son logement, il peut toutefois prétendre au paiement ou à la compensation d'heures supplémentaires, à la double condition que ces heures correspondent à des interventions effectives, à la demande de l'autorité hiérarchique, réalisées pendant le temps d'astreinte, et qu'elles aient pour effet de faire dépasser à cet agent les bornes horaires définies par le cycle de travail.
11. D'une part, il résulte de l'instruction que, par un arrêté du 21 janvier 2013, le maire de Saleilles a attribué à M. E... un logement de fonction par nécessité absolue de service et a fixé ses " horaires de travail ", respectivement du lundi au vendredi de 8 heures à 22 heures 30 et le samedi de 8 heures à 24 heures, le jour de repos de l'intéressé étant le dimanche. Eu égard à la nature des fonctions de concierge qui peuvent être exercées notamment en soirée, sans que, par elle-même, cette circonstance caractérise l'accomplissement d'heures supplémentaires, les " horaires de travail " ainsi définis ne sauraient être regardés comme constituant dans leur intégralité des heures de travail effectif au sens des dispositions citées au point 7. Dans ces conditions, M. E... n'est pas fondé à se prévaloir d'une durée hebdomadaire de travail effectif de 75 heures, ni davantage d'une durée quotidienne de travail effectif de 12 heures 30.
12. D'autre part, M. E..., qui précise que ses fonctions consistent notamment à accueillir les personnes fréquentant le complexe sportif José Arrieta, à installer le matériel nécessaire et à procéder au nettoyage de cette salle polyvalente, soutient avoir effectué des heures supplémentaires en travaillant en fin de semaine ainsi que le soir jusqu'à plus de 23 heures au cours de la période de novembre 2012 à décembre 2018. Toutefois, ainsi qu'il a été dit, la seule circonstance que l'intéressé ait, durant son temps de travail, effectué des interventions en soirée ou les samedis ne saurait suffire, eu égard notamment à la nature ainsi qu'aux modalités d'exercice de ses fonctions, à établir qu'il aurait accompli des heures supplémentaires répondant aux conditions rappelées au point 10 ou qu'il aurait travaillé effectivement pendant une période d'astreinte. A cet égard, les pièces qu'il produit, qui ne permettent d'ailleurs pas d'identifier précisément la durée des interventions qu'il indique avoir effectuées à la demande de l'autorité hiérarchique, ne sont pas de nature à établir que les interventions en cause auraient entraîné un dépassement du temps de travail effectif qu'il devait assurer, alors que la commune de Saleilles fait valoir, sans être sérieusement contredite, que les heures supplémentaires effectuées sont répertoriées dans un document signé tant par l'intéressé que par le directeur général des services et le maire de Saleilles. Ces pièces ne démontrent pas davantage l'existence d'interventions effectives au cours de périodes d'astreinte. Enfin, l'article 4 de l'arrêté du 21 janvier 2013 prévoit notamment que, dans le cas où M. E... " serait appelé à assurer la totalité de ses fonctions le jour de son repos hebdomadaire ou un jour férié, il lui sera accordé en remplacement un jour de repos compensateur ". Il ne résulte pas de l'instruction que M. E... n'aurait pas effectivement bénéficié de la compensation ainsi prévue des heures supplémentaires qu'il indique avoir effectuées les dimanches ainsi, le cas échéant, que les jours fériés.
13. Il résulte de ce qui précède que M. E..., qui a bénéficié du paiement d'heures supplémentaires au cours de la période litigieuse, n'est pas fondé à réclamer l'indemnisation d'autres heures supplémentaires qu'il prétend avoir accomplies au cours de cette période.
En ce qui concerne l'amplitude des journées de travail :
14. Aux termes de l'article 3 du décret du 25 août 2000, applicable aux agents de la fonction publique territoriale ainsi qu'il a été dit précédemment : " (...) / L'amplitude maximale de la journée de travail est fixée à douze heures ".
15. La commune de Saleilles ne conteste pas le principe de sa responsabilité, retenu au point 7 du jugement attaqué et qu'il y a lieu de confirmer en appel, en raison de la faute qu'elle a commise en imposant à M. E... une répartition des horaires de travail excédant très nettement l'amplitude maximale fixée par les dispositions citées au point précédent.
16. Il résulte de l'instruction que la faute ainsi commise par la commune de Saleilles a nécessairement eu une incidence sur la vie privée de l'intéressé qui a été privé, durant une période de plus de six années, d'une partie de son temps libre qu'il aurait pu consacrer, ainsi qu'il le soutient, à sa famille ainsi qu'à des activités de loisirs. Dans ces conditions, M. E... est fondé à soutenir qu'en fixant à 4 000 euros le montant de l'indemnisation des troubles dans les conditions d'existence ainsi que du préjudice moral qu'il a subis au cours de la période litigieuse, le tribunal administratif de Montpellier a fait une évaluation insuffisante des préjudices en cause. Il y a lieu de porter cette indemnité à la somme globale de 10 000 euros au titre de ces mêmes préjudices.
17. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu, pour la cour, de porter à la somme totale de 10 000 euros le montant de l'indemnité que la commune de Saleilles a été condamnée à verser à M. E... par le jugement attaqué.
Sur les frais liés au litige :
18. Les dispositions de l'article L. 7611 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. E..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la commune de Saleilles au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Saleilles le versement d'une somme de 1 000 euros à M. E... sur ce fondement.
D É C I D E :
Article 1er : L'indemnité que la commune de Saleilles a été condamnée à verser à M. E... est portée à la somme de 10 000 euros.
Article 2 : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 21 décembre 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : La commune de Saleilles versera une somme de 1 000 euros à M. E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... E... et à la commune de Saleilles.
Délibéré après l'audience du 4 mai 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Chazan, président,
- Mme D..., première conseillère,
- M. C..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 mai 2021.
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N° 19MA00797