Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 14 juin 2019 et par un mémoire complémentaire enregistré le 12 décembre 2020, Mme D..., représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 11 avril 2019 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) de faire droit à sa demande de première instance ;
3°) de mettre à la charge de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle a été recrutée pour ses qualifications particulières en matière d'expertise scientifique de recherche nécessaires à l'exercice de ses fonctions ;
- elle justifie aussi de qualifications particulières en matière d'appui technique au sens de l'annexe I du décret n° 2017-41 du 17 janvier 2017 et exerçait aussi des missions d'appui technique appartenant à la filière technique ;
- l'emploi d'ingénieur des travaux qu'elle occupait entrait dans le champ d'application de l'annexe du décret n° 2017-41 du 17 janvier 2017 ;
- cet emploi permanent ne correspondait pas aux fonctions dévolues à un corps de fonctionnaires de la fonction publique de l'Etat ;
- elle devait donc bénéficier de la transformation de son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée en application de l'article 43 II de la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 ;
- la décision en litige s'analyse ainsi comme une rupture de contrat à durée indéterminée et non comme un simple non-renouvellement d'un contrat à durée déterminée ;
- par conséquent, la décision en litige méconnaît l'article 43 II alinéa 1er de la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016.
Par un mémoire en défense enregistré le 9 novembre 2020, l'Office français de la biodiversité, venant aux droits de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage, représenté par CCL Avocats, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme D... la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 9 février 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 9 mars 2021 en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Le mémoire présenté le 4 mars 2021 pour l'Office français de la biodiversité n'a pas été communiqué en application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-13 du 11 janvier 1984 ;
- la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 ;
- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;
- le décret n° 98-1262 du 29 décembre 1998 ;
- le décret n° 2005-631 du 30 mai 2005 ;
- le décret n° 2006-8 du 4 janvier 2006 ;
- le décret n° 2008-370 du 18 avril 2008 ;
- le décret n° 2017-41 du 17 janvier 2017 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E...,
- les conclusions de M. A...,
- et les observations de Me C... représentant l'Office français de la biodiversité et Me B... représentant Mme D....
Considérant ce qui suit :
1. Par un contrat à durée déterminée du 28 juillet 2011, Mme D... a été recrutée par l'Office national de la chasse et de la faune sauvage, établissement public administratif de l'Etat, en qualité d'ingénieur des travaux pour occuper l'emploi de chargée de mission au sein du pôle "plaines et collines méditerranéennes" du 1er août 2011 au 31 mai 2012. Ce contrat a été renouvelé les 27 avril 2012 et 26 juin 2014. Par la décision en litige du 30 mars 2017 motivée par l'obligation de l'établissement de réduire ses effectifs, le directeur de l'Office a informé Mme D... que son contrat ne serait pas renouvelé à son échéance le 31 juillet 2017. Par une décision du 11 juillet 2017, le directeur général de l'Office a rejeté son recours gracieux du 28 mai 2017 tendant à la transformation, à compter du 1er avril 2017, de son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée. Par le jugement dont Mme D... relève appel, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation des deux décisions de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage, aux droits duquel vient l'Office français de la biodiversité à compter du 1er janvier 2020.
Sur le bien- fondé du jugement :
2. L'article 3 du titre Ier du statut général de la fonction publique prévoit que, sauf dérogation, les emplois civils permanents notamment de l'Etat sont occupés par des fonctionnaires. Aux termes de l'article 43 de la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires : " II.- Les contrats à durée déterminée des agents recrutés pour un besoin permanent présentant les caractéristiques mentionnées au 2° de l'article 3 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa rédaction résultant de la présente loi, sont transformés en contrat à durée indéterminée à la date d'entrée en vigueur du décret mentionné au même 2°.(...). ". Aux termes du 2° de l'article 3 de la loi n° 84-13 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa rédaction issue de l'article 43 de la cette loi du 20 avril 2016 : " Les emplois permanents de l'Etat et des établissements publics de l'Etat énumérés ci-après ne sont pas soumis à la règle énoncée à l'article 3 du titre Ier du statut général :Les emplois des établissements publics qui requièrent des qualifications professionnelles particulières indispensables à l'exercice de leurs missions spécifiques et non dévolues à des corps de fonctionnaires, inscrits pour une durée déterminée sur une liste établie par décret en Conseil d'Etat pris après avis du Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat. Au terme de cette durée, l'inscription de ces emplois ou de ces types d'emplois peut être renouvelée dans les mêmes formes s'ils continuent de présenter les caractéristiques précitées, au regard notamment de l'évolution des missions de l'établissement et de celle des statuts particuliers des corps de fonctionnaires. Les agents occupant ces emplois sont recrutés par contrat à durée indéterminée. " Il résulte des dispositions précitées de l'article 3 de la loi du 11 janvier 1984 que la possibilité pour un établissement public administratif de l'Etat de pourvoir, sur leur fondement, à des emplois permanents en recourant à des agents contractuels recrutés par contrat à durée indéterminée, par dérogation à la règle selon laquelle ces emplois sont occupés par des fonctionnaires, est subordonnée à l'absence de corps de fonctionnaires possédant les qualifications professionnelles particulières requises pour occuper ces emplois afin d'exercer les missions spécifiques de cet établissement public.
3. Le décret n° 2017-41 du 17 janvier 2017 fixe la liste des établissements publics administratifs de l'Etat et les types d'emplois concernée par la dérogation prévue au 2° de l'article 3 de la loi du 11 janvier 1984. Il prévoit que l'Office national de la chasse et de la faune sauvage bénéficie de cette dérogation notamment pour des emplois de catégorie A requérant des qualifications particulières en matière d'expertise scientifique, de recherche et d'appui technique pour la faune sauvage et ses habitats.
4. Dès lors que Mme D... a été recrutée par l'Office national de la chasse et de la faune sauvage en 2011 par un contrat à durée déterminée au visa du 2° de l'article 3 de la loi du 11 janvier 1984, non modifié par les avenants de 2012 et 2014, elle doit être regardée comme ayant été recrutée sur un emploi permanent, contrairement à ce que soutient l'Office. Par suite, les dispositions visées au point 2 et 3 lui sont applicables.
5. La fiche de poste du 1er avril 2015 de chargée de mission du pôle "plaines et collines méditerranéennes" montre que l'emploi occupé par la requérante consistait notamment à mettre en place des outils de mutualisation des connaissances dans son pôle, d'assurer l'animation et la formation des agents en interne et en externe, ainsi que la gestion administrative et financière du pôle, sous le pilotage de la cellule technique. Ces missions, qui s'apparentent notamment à des fonctions administratives d'encadrement et de gestion, n'exigeaient pas des qualifications particulières en matière d'expertise scientifique, de recherche et d'"appui technique" pour la faune sauvage et ses habitats au sens du décret du 17 janvier 2017, alors même que son pôle était rattaché à la cellule technique et quels que soient les expériences professionnelles et le niveau de qualifications détenues par la requérante en ingénierie de l'écologie, qui n'étaient pas d'ailleurs exigées dans les "savoir-faire" et "savoirs" de la fiche de poste. En outre, la seule circonstance que l'exercice de ses missions notamment de coordination et de formation nécessitait également des compétences techniques ne suffit pas à établir qu'il exigeait des qualifications particulières en matière d'expertise technique, de recherche et d'appui technique pour la faune sauvage et ses habitants au sens du 2° de l'article 3 du décret du 17 janvier 2017. Enfin, les pièces produites en appel par Mme D... s'agissant de la description des fonctions qu'elle exerçait effectivement sur ce poste ne sont pas non plus de nature à établir qu'elle apportait un appui technique pour la faune sauvage et ses habitats et que l'emploi qu'elle occupait relevait de la liste annexe du décret du 17 janvier 2017.
6. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que le contrat de recrutement du 28 juillet 2011 de Mme D... faisait référence au "niveau" des ingénieurs de travaux de l'Etat, dont le décret statutaire n° 2005-631 du 30 mai 2005 prévoit, dans son article 3, que : " Les membres du corps des ingénieurs des travaux publics de l'Etat sont chargés de fonctions de direction, d'encadrement, d'expertise, d'étude, d'administration, d'inspection de recherche ou d'enseignement dans les domaines scientifique, technique, environnemental, économique ou social. ". L'avis de vacance d'emploi du 31 mars 2011 mentionnait également parmi les catégories susceptibles de postuler sur cet emploi, outre "le personnel de conception et d'encadrement (catégorie A)", les ingénieurs de travaux. La circonstance que le personnel de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage soit doté d'un statut spécifique prévu par le décret du 29 décembre 1998 ne fait pas obstacle, contrairement à ce que soutient la requérante, à ce que des agents titulaires de la fonction publique de l'Etat comme les ingénieurs de travaux, puissent occuper les fonctions afférentes à leur grade dans les établissements publics placés sous la tutelle du ministère gestionnaire du corps, en application de l'article 1er du décret du 18 avril 2008 organisant les conditions d'exercice des fonctions dans les administrations de l'Etat. D'ailleurs, l'avis de vacance du poste occupé par Mme D... indiquait que ce poste à pourvoir pouvait être pourvu par voie de détachement ou de mise à disposition, ce qui autorise le recrutement potentiel d'un fonctionnaire. En outre, l'article 3 du décret du 4 janvier 2006 portant statut particulier du corps des ingénieurs de l'agriculture et de l'environnement prévoit que : " Les membres du corps des ingénieurs de l'agriculture et de l'environnement sont chargés de fonctions d'encadrement, d'ingénierie et d'expertise. Ils participent à la mise en oeuvre des politiques contribuant au développement durable dans les domaines suivants : 1° La mise en valeur agricole, forestière, halieutique et agro-industrielle ; 2° La gestion et la préservation des espaces, ressources et des milieux naturels (...). Ils peuvent être chargés, dans ces domaines, de fonctions de formation, de recherche et de développement. ". Ainsi, en présence de deux corps de fonctionnaires possédant les qualifications professionnelles particulières requises pour occuper l'emploi de chargé de mission du pôle "plaines et collines méditerranéennes", Mme D... n'est pas fondée à soutenir qu'elle remplissait les conditions prévues par le 2° de l'article 3 de la loi n° 84-16 pour obtenir la transformation de son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée au 1er avril 2017, date d'entrée en vigueur du décret du 17 janvier 2017. Dès lors, les premiers juges ont pu à bon droit estimer que la décision en litige devait s'analyser comme le non-renouvellement de son contrat à durée déterminée à son échéance et non comme la rupture d'un contrat à durée indéterminée. Par suite, la décision en litige ne méconnaît pas l'article 43 de la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016.
7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 30 mars 2017 du directeur général de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage, ensemble la décision du directeur du 11 juillet 2017 rejetant son recours gracieux du 28 mai 2017. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'enjoindre au directeur général de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage, aux droits duquel vient l'Office français de la biodiversité, de la réintégrer dans son emploi ou un emploi équivalent doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Office français de la biodiversité, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une quelconque somme à verser à Mme D... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme D... la somme de 1 000 euros à verser à l'Office français de la biodiversité sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Mme D... versera la somme de 1 000 euros à l'Office français de la biodiversité sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... D... et à l'Office français de la biodiversité.
Délibéré après l'audience du 4 mai 2021, où siégeaient :
- M. Chazan, président de chambre,
- Mme E..., première conseillère,
- M. Mouret, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition du greffe le 18 mai 2021.
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N° 19MA02692