Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 21 février 2020, M. C..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 5 février 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté et la décision du préfet des Bouches-du-Rhône du 21 janvier 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de l'admettre au séjour au titre de l'asile et de lui délivrer une attestation de demandeur d'asile dans le délai de soixante-douze heures, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à venir, ou, subsidiairement, de procéder au réexamen de sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le même délai et sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté de transfert a été pris en méconnaissance de son droit d'être entendu, garanti par un principe général du droit de l'Union européenne ;
- cet arrêté est entaché d'un vice de procédure tiré du défaut de communication des informations visées à l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- il méconnaît l'article 3 du même règlement, ainsi que l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision portant assignation à résidence est insuffisamment motivée ;
- cette décision est illégale du fait de l'illégalité de l'arrêté de transfert sur lequel elle est fondée.
La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur le moyen, relevé d'office, tiré de ce qu'il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête à fin d'annulation de l'arrêté de transfert en raison de l'expiration du délai de six mois prévu par le paragraphe 1 de l'article
29 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.
Un mémoire, enregistré le 4 novembre 2020, a été présenté pour M. C... en réponse à ce moyen relevé d'office.
Il soutient qu'il y a toujours lieu de statuer sur ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté de transfert en litige.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 mai 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- et les observations de Me D..., représentant M. C....
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant géorgien né en 1985, a sollicité l'asile auprès des services de la préfecture des Bouches-du-Rhône le 27 novembre 2019. Il relève appel du jugement du 5 février 2020 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 21 janvier 2020 prononçant son transfert aux autorités tchèques, responsables de sa demande d'asile, ainsi que de la décision du même jour portant assignation à résidence.
Sur l'arrêté de transfert :
2. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, le transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile doit s'effectuer " dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de la prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3 (...) ". Selon le paragraphe 2 du même article : " Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'État membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'État membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite ".
3. Le premier alinéa de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen ". Aux termes du II de l'article L. 742-4 du même code : " (...) Lorsqu'une décision d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 est notifiée avec la décision de transfert, l'étranger peut, dans les quarante-huit heures suivant leur notification, demander au président du tribunal administratif l'annulation de la décision de transfert et de la décision d'assignation à résidence. Le président du tribunal administratif statue dans un délai de quatre-vingt-seize heures à compter de l'expiration du délai de recours, dans les conditions prévues au III de l'article L. 512-1. Il est statué selon les conditions et dans les délais prévus au dernier alinéa du même III sur le recours formé contre une décision de transfert par un étranger qui fait l'objet, en cours d'instance, d'une décision d'assignation à résidence ".
4. L'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date à laquelle le tribunal administratif statue au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel ni le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 de ce règlement, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.
5. Le délai initial de six mois dont disposait le préfet des Bouches-du-Rhône pour procéder à l'exécution du transfert de M. C... vers la République tchèque a été interrompu par la saisine du tribunal administratif de Marseille. Ce délai a recommencé à courir à compter de la notification à l'administration du jugement contesté du 5 février 2020. Il ne ressort pas des pièces du dossier que ce délai aurait fait l'objet d'une prolongation, ni que cet arrêté aurait reçu exécution pendant sa période de validité. Dans ces conditions, la France est devenue l'Etat responsable de la demande d'asile de M. C... en application des dispositions citées au point 2. L'arrêté de transfert en litige étant devenu caduc postérieurement à l'introduction de la présente requête, les conclusions de M. C... tendant à l'annulation de cet arrêté et du jugement du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Marseille, en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées à son encontre, sont devenues sans objet. Il n'y a, dès lors, plus lieu d'y statuer.
Sur la décision portant assignation à résidence :
6. En premier lieu, la décision litigieuse portant assignation à résidence comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est ainsi suffisamment motivée au regard des exigences de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. En second lieu, M. C... excipe de l'illégalité de l'arrêté de transfert à l'encontre de la décision portant assignation à résidence.
8. D'une part, M. C... reprend en appel, sans les assortir d'arguments nouveaux ou de critique utile du jugement, les moyens tirés, d'une part, du non-respect de son droit d'être entendu résultant du principe général du droit de l'Union européenne, d'autre part, de la méconnaissance de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et, enfin, de la méconnaissance tant de l'article 3 de ce même règlement que de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, compte tenu des défaillances systémiques du système d'asile en République tchèque. Il convient d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par le premier juge.
9. D'autre part, M. C... n'apporte aucun élément probant de nature à établir que sa demande d'asile n'aurait pas été examinée de manière effective en République tchèque, qui est partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet des Bouches-du-Rhône aurait, en décidant de le remettre aux autorités tchèques, commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.
10. Compte tenu de ce qui a été dit aux deux points précédents, le moyen tiré de l'illégalité, par voie d'exception, de l'arrêté de transfert doit être écarté.
11. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 21 janvier 2020 l'assignant à résidence.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
12. Si, compte tenu de la caducité de l'arrêté de transfert en litige, la France est devenue l'Etat membre responsable de l'examen de la demande d'asile de M. C... ainsi qu'il a été dit, le présent arrêt n'implique, par lui-même, aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par l'intéressé doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
13. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. C... tendant à l'annulation du jugement du 5 février 2020 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Marseille, en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre l'arrêté de transfert édicté à son encontre le 21 janvier 2020, ainsi que de cet arrêté.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... C..., au ministre de l'intérieur et à Me D....
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 10 novembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Chazan, président,
- Mme A..., présidente assesseure,
- M. B..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 novembre 2020.
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N° 20MA00892