Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 5 juillet 2019 et 31 mars 2020, Mme F..., représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 11 avril 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 5 novembre 2018 du préfet de l'Hérault ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " sous peine d'astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa demande dans un délai de deux mois sous peine d'astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à Me C... en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, ce règlement emportant renonciation à l'indemnité versée au titre de l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
- la décision portant refus de séjour est entachée d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen réel et complet notamment au regard de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît les stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français, fondée sur un refus de séjour illégal, doit être annulée ;
- elle est entachée d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen réel et complet et méconnaît les articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 mars 2020, le préfet de l'Hérault, conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme F... ne sont pas fondés.
Mme F... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 mai 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord du 27 décembre 1968 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'OFII de leurs missions prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 5 novembre 2018, le préfet de l'Hérault a rejeté la demande de titre de séjour que lui avait présentée le 24 avril 2018 Mme F..., ressortissante algérienne, en qualité de parent d'un enfant malade et a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours mentionnant le pays de destination. Mme F... fait appel du jugement du 11 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. Aux termes du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.
3. Pour rejeter la demande de titre de séjour présentée par Mme F... afin de demeurer en France avec son fils mineur qui présente un trouble sévère du neuro développement, le préfet de l'Hérault s'est fondé sur la circonstance que cet enfant pouvait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Toutefois, d'une part, il ressort des pièces du dossier que le jeune G..., âgé de cinq ans, souffre d'un trouble du spectre de l'autisme, pathologie pour laquelle il bénéficie depuis un an d'une prise en charge initiée par le service psychiatrique de l'enfance et de l'Adolescence du CHU de Montpellier avec un suivi intense en psychologie, psychomotricité et orthophonie, l'enfant étant accueilli en hôpital de jour. Il est par ailleurs partiellement scolarisé en maternelle avec l'appui d'une assistante de vie scolaire. L'ensemble de ces dispositifs ont contribué à améliorer sensiblement son état alors que G... présente un âge où la réalisation des soins appropriés a une incidence décisive sur son développement futur. D'autre part, alors que le préfet se borne à affirmer, sans produire aucune pièce à l'appui de cette allégation en dehors de l'avis émis par le collège des médecins de l'OFII, que cet enfant peut bénéficier d'un traitement approprié à son état dans son pays d'origine, la requérante produit divers documents émanant notamment de praticiens hospitaliers algériens stigmatisant le manque de structures adaptées en Algérie pour prendre en charge les enfants autistes. Dans ces conditions, en refusant de délivrer à l'intéressée le titre de séjour sollicité pour demeurer aux côtés de son fils et subvenir ainsi à ses besoins essentiels en dépit de l'amélioration manifeste de la situation de son enfant consécutivement à sa prise en charge soutenue en France et alors qu'il n'est pas établi que la prise en charge de son handicap serait possible en Algérie dans des conditions appropriées et que, de surcroît, il est établi que sa fille Houria, âgée de deux ans, présente des comportements similaires à ceux de son frère, le préfet de l'Hérault a méconnu les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme F... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Il y a lieu, par suite, d'en prononcer l'annulation ainsi que celle de l'arrêté du 5 novembre 2018.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. En vertu de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " et aux termes de l'article L. 911-3 du même code : " Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet. ".
6. Dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'à la date de la présente décision, des éléments de droit ou de fait nouveaux justifieraient que l'autorité administrative oppose un refus à la demande de Mme F..., le présent arrêt, qui annule la décision portant refus de délivrer à la requérante un titre de séjour et les décisions subséquentes, implique nécessairement, eu égard au motif sur lequel il se fonde, que le préfet délivre à l'intéressée un certificat de résidence d'une durée d'un an portant la mention " vie privée et familiale ". Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer ce certificat dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette injonction du prononcé d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
7. Mme F... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, combinées à celles de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, sous réserve que Me C..., son avocat, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros devant être versée directement à cet avocat.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du 11 avril 2019 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 5 novembre 2018 du préfet de l'Hérault est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de l'Hérault de délivrer à Mme F... un certificat de résidence d'une durée d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Me C... une somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme F... est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D... épouse F..., au ministre de l'intérieur et à Me C....
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault et au procureur de la République prés de tribunal judiciaire de Montpellier.
Délibéré après l'audience du 13 octobre 2020, où siégeaient :
- M. Chazan, président,
- Mme B..., président assesseur,
- Mme E..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 27 octobre 2020.
N° 19MA03204 5