Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 4 janvier 2019, la région Occitanie, représentée par Me Petit, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 5 novembre 2018 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) de rejeter la demande de première instance ;
3°) de mettre à la charge des demandeurs de première instance la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la délibération du conseil municipal de Poussan ne s'inscrit pas dans une opération complexe ;
- les irrégularités invoquées de la délibération du conseil municipal de Poussan sont sans incidence sur la légalité de la délibération attaquée ;
- l'acte de renouvellement de la ZAD ne comporte pas de modifications substantielles par rapport à la création de la ZAD.
Par un mémoire en défense enregistré le 20 mai 2019, l'association Initiative Citoyenne et les autres défendeurs, représentés par Me Candon, concluent au rejet de la requête et à la mise à la charge de la région Occitanie, à verser à l'association Initiatives Citoyennes, qui a assumé la charge financière de ce contentieux, la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la requête d'appel est irrecevable car la région Occitanie n'a pas d'intérêts distincts de la commune de Poussan, qui n'a pas relevé appel ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné par décision du 24 août 2021, M. Portail, président assesseur, pour statuer dans les conditions prévues à l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Portail,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- et les observations de Me Louis, représentant la région Occitanie.
Une note en délibéré a été enregistrée le 17 septembre 2021, présentée par l'association Initiative Citoyenne et les autres défendeurs.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 11 octobre 2010, le préfet de l'Hérault a créé une zone d'aménagement différé (ZAD), au lieu-dit Les Condamines-La-Plaine, d'une superficie de 105 hectares, sur le territoire de la commune de Poussan, et a désigné la région Languedoc-Roussillon, (aujourd'hui Occitanie), comme bénéficiaire du droit de préemption. Par un arrêté du 28 octobre 2016, le préfet de l'Hérault a décidé le renouvellement de cette ZAD. Par un jugement du 5 novembre 2018, dont la région Occitanie relève appel, le tribunal administratif de Montpellier a annulé cet arrêté à la demande de plusieurs habitants de Poussan et de l'association Initiatives Citoyennes.
2. En application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, il appartient au juge d'appel, saisi d'un jugement annulant un acte en matière d'urbanisme, de se prononcer sur les différents motifs d'annulation retenus par les premiers juges, dès lors que ceux-ci sont contestés devant lui.
3. En premier lieu, l'article L. 212-1 du code de l'urbanisme dispose : " Des zones d'aménagement différé peuvent être créées, par décision motivée du représentant de l'Etat dans le département, sur proposition ou après avis de la commune et après avis de l'établissement public de coopération intercommunale ayant les compétences visées au deuxième alinéa de l'article L. 211-2. Les zones urbaines ou d'urbanisation future délimitées par un plan d'occupation des sols rendu public ou un plan local d'urbanisme approuvé et comprises dans un périmètre provisoire de zone d'aménagement différé ou dans une zone d'aménagement différé ne sont plus soumises au droit de préemption urbain institué sur ces territoires. ". Aux termes de l'article L. 2121-10 du code général des collectivités territoriales : " Toute convocation est faite par le maire. Elle indique les questions portées à l'ordre du jour. ". Aux termes de l'article L. 2121-12 du même code : " Dans les communes de 3 500 habitants et plus, une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal (...). Le délai de convocation est fixé à cinq jours francs. En cas d'urgence, le délai peut être abrégé par le maire sans pouvoir être toutefois inférieur à un jour franc (...) ".
4. Il ressort des pièces du dossier que le conseil municipal de Poussan a donné le 27 octobre 2016 un avis favorable au projet de renouvellement de la ZAD après que celui-ci ait été rajouté à l'ordre du jour en début de séance. Cet avis a donc été rendu selon une procédure irrégulière, en méconnaissance des dispositions précitées des articles L. 2121-10 et L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales, puisque la question du renouvellement de la ZAD ne figurait pas à l'ordre du jour qui doit être adressé aux conseillers municipaux dans le respect du délai de convocation de cinq jours francs.
5. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.
6. Il ressort du procès-verbal de la séance du conseil municipal de Poussan du 27 octobre 2016 que cinq conseillers municipaux étaient absents et que six autres avaient donné une procuration sans avoir été informés de ce que la question du renouvellement de la ZAD figurerait à l'ordre du jour. Le vice entachant la délibération préalable à la décision du préfet de l'Hérault de renouveler la ZAD a, dans ces conditions, privé les intéressés d'une garantie. En outre, les conditions irrégulières dans lesquelles cet avis a été rendu ont été de nature à avoir une incidence sur le sens de la décision du préfet. Cette irrégularité a, dès lors, a entaché la décision attaquée d'illégalité.
7. En deuxième lieu, le tribunal a également annulé l'arrêté attaqué au motif que la procédure de renouvellement de la ZAD est irrégulière compte tenu de la modification substantielle apportée au projet initial.
8. L'article L. 300-1 du code de l'urbanisme dispose : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en oeuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur, de lutter contre l'insalubrité et l'habitat indigne ou dangereux, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels. ". Aux termes de l'article L. 210-1 du même code : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, à préserver la qualité de la ressource en eau, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. ". Enfin, l'arrêté du 11 octobre 2010 portant création de la ZAD est motivé exclusivement par la réalisation d'une plateforme logistique en lien avec l'activité du Port de Sète, sur un secteur de 105 hectares sur le territoire de la commune de Poussan, au lieu-dit " Les Condamines-La Plaine ".
9. L'arrêté attaqué n'a eu pour objet que de prolonger dans le temps l'institution de la ZAD sans modifier ni son périmètre, ni son objet, ni le titulaire du droit de préemption. En outre, la prise en compte des contraintes environnementales, et notamment des zones humides du secteur, et la maîtrise foncière de la périphérie de l'arrière-port logistique ne forment que les nécessités accessoires impliquées par la poursuite de l'objet principal de création de l'aménagement de l'arrière-port logistique et leur mention dans les documents de la ZAD ne la modifie pas substantiellement. La région Occitanie est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a annulé la décision attaquée en se fondant sur l'existence d'une telle modification substantielle.
10. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la requête, que la région Occitanie n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du 28 octobre 2016.
Sur les frais liés au litige :
11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la région Occitanie la somme de 1 500 euros à verser à l'association Initiatives Citoyennes au titre des frais qu'elle a engagés et non compris dans les dépens. En revanche, les défendeurs n'étant pas partie perdante, les conclusions de la région Occitanie fondées sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être écartées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la région Occitanie est rejetée.
Article 2 : La région Occitanie versera à l'association Initiatives Citoyennes la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la région Occitanie, à l'association Initiatives Citoyennes, à M. D... C..., M. L... K..., M. H... M..., M. J... B..., M. A... I... et M. J... G....
Délibéré après l'audience du 14 septembre 2021 où siégeaient :
- M. Portail, président par intérim, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Carassic, première conseillère,
- M. Point, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 septembre 2021.
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N°19MA00039