Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 26 mars 2015, Mme B..., représentée par le cabinet d'avocats CGCB, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 13 février 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 8 avril 2013 ;
3°) de constater la naissance d'une décision préalable de non-opposition à déclaration préalable le 18 avril 2013 sur la demande enregistrée sous le n° DP 034 304 12 C 0028 ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Soubès la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la substitution de motif opérée par le tribunal n'a pas été demandée par la commune de Soubès ;
- l'arrêté litigieux, motivé par référence à un procès-verbal d'infraction du 19 janvier 2013 non joint, méconnaît les dispositions de l'article L. 423-3 du code de l'urbanisme ;
- la bâtisse objet de la déclaration de travaux à l'origine du refus litigieux n'a jamais eu d'autre destination que celle de l'habitation ;
- les dispositions de l'article 111-12 du code de l'urbanisme ne permettent pas de fonder un refus de permis de construire ou de déclaration préalable de travaux mais permettent de sécuriser les constructions irrégulières édifiées depuis plus de dix ans ;
- elle était titulaire à la date du 18 avril 2013 d'une décision de non opposition à déclaration préalable dès lors qu'elle a déposé les pièces complémentaires réclamées par la commune le 18 mars 2013 dans le cadre de sa demande enregistrée sous le numéro DP 034 304 12C 0028.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 août 2015, la commune de Soubès, représentée par la SCP d'avocats Margall-d'Albenas, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de Mme B... de la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement ne souffre d'aucune irrégularité ;
- les autres moyens sont infondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Le président de la Cour a désigné M. Portail en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Massé-Degois,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- et les observations de Me E... représentant Mme B... et de Me C... représentant la commune de Soubès.
1. Considérant que Mme B... relève appel du jugement n° 1302819 du 13 février 2015 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 avril 2013 par lequel le maire de la commune de Soubès a fait opposition aux travaux qu'elle a déclarés relatifs à la modification de façade d'un bâtiment existant sur un terrain situé 124 chemin de l'Oulette ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant que l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision ; qu'il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif ; que, dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué ;
3. Considérant qu'en page 13 du mémoire en défense enregistré le 14 mai 2014 devant le tribunal administratif de Montpellier et auquel la requérante a répliqué, la commune de Soubès a fait valoir que les travaux en litige ont eu pour effet de rendre habitable une partie du bâtiment qui n'a jamais été auparavant affectée à l'usage d'habitation et qu'il est constant que le changement de destination d'une partie du bâtiment, qui a également entraîné une modification de la façade, aurait dû faire l'objet d'un permis de construire en vertu de l'article R. 421-14 ; que la commune doit être ainsi regardée comme ayant demandé au tribunal administratif de Montpellier de procéder à une substitution de motif ; qu'au demeurant, la décision attaquée mentionne en son article 2 qu'un permis de construire devra être déposé et obtenu " pour régulariser les travaux réalisés irrégulièrement et avant toute nouvelle demande de travaux " ; que le moyen tiré de ce que le tribunal administratif de Montpellier se serait fondé sur l'existence d'un changement de destination de la construction sans avoir été saisi d'une demande de substitution de motif doit dès lors, en tout état de cause, être écarté ;
Sur le bien-fondé du jugement :
4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme : " Lorsque la décision rejette la demande ou s'oppose à la déclaration préalable, elle doit être motivée. (...) " ; qu'ainsi que l'a jugé le tribunal, l'arrêté litigieux, qui rappelle l'objet de la déclaration de travaux déposée le 18 mars 2013 par Mme B..., la circonstance que les travaux irrégulièrement exécutés consistent en la création d'un second logement sans dépôt préalable d'une autorisation d'urbanisme, et énonce que selon les dispositions de l'article L. 111-12 du code de l'urbanisme, de nouveaux travaux ne pouvaient être autorisés sur un bâtiment pour lequel des travaux illégaux avaient été verbalisés, comporte l'indication des circonstances de droit et de fait qui en constituent le fondement ; qu'ainsi, ledit arrêté n'est pas motivé par la seule référence au visa du procès-verbal d'infraction dressé le 29 janvier 2013, qui n'y est pas annexé ; que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que le tribunal a, à tort, écarté le moyen tiré de ce que le maire de la commune de Soubès a entaché son arrêté d'une insuffisance de motivation ;
5. Considération, en deuxième lieu, d'une part, qu'ainsi que l'ont relevé les premiers juges, il ne ressort pas des pièces du dossier que la partie la plus importante du bâtiment sur laquelle porte les travaux, objet du refus litigieux, aurait été dès l'origine à usage d'habitation alors même qu'il n'est pas contesté qu'une partie de l'immeuble était réservé à un tel usage ; que contrairement à ce que soutient Mme B..., l'usage d'habitation concernant la partie du bâtiment sur laquelle porte les travaux objet du refus litigieux, ne ressort pas des extraits de l'acte notarié du 29 décembre 1994 qui se borne à mentionner l'existence d'une maison à usage d'habitation sans procéder à la description dudit bien ; qu'ainsi que l'a estimé le tribunal, les seules factures et attestations versées au dossier ne permettent pas de s'assurer que les travaux dont se prévaut l'appelante auraient porté sur une partie autre que celle à usage d'habitation non contestée de ce bâtiment ; qu'en revanche, il ressort des attestations versées au dossier par la commune, notamment celle établie par l'occupante des lieux au cours de la période de fin de l'année 1984 à mars 1992, dont le caractère probant ne peut être remis en cause par la seule circonstance qu'elle émane de la soeur de la requérante, que si une partie du bâtiment comprenait un local à usage d'habitation, cette bâtisse était une ancienne usine de Cardes, comprenait également, au rez-de-chaussée, trois caves dont une où se trouvait une ancienne turbine et, à l'étage, une partie délabrée servant de débarras comportant des fenêtres sans volets avec vue sur la charpente ; qu'il ressort, par ailleurs, des " rapports de constatations " dressés par un agent municipal assermenté en septembre 2011, en juin 2012, en janvier 2013 et en avril 2013 que Mme B... a procédé à des travaux en vue de raccorder cette partie du bâtiment au réseau d'assainissement, à la pose d'un compteur électrique, à la réfection et à l'isolation des parties intérieures du bâtiment, la pose extérieure de blocs de chauffage réversible et la modification des ouvertures ; qu'ainsi, il ressort des pièces du dossier que les travaux entrepris par Mme B... au cours des années 2011 et 2012 ont eu pour objet de transformer en logement une partie du bâtiment, concernée par la déclaration en litige, qui n'était pas affectée à l'habitation, et qu'ils ont entraîné un changement de destination ;
6. Considérant, d'autre part, qu'il est constant que Mme B... a fait procédé, en 2012, à l'occultation de certaines ouvertures en modifiant ainsi la façade nord du bâtiment existant ; qu'en conséquence, et eu égard à ce qui vient d'être dit au point 5, les travaux réalisés par Mme B... étaient soumis à l'exigence d'un permis de construire en vertu des dispositions de l'article R. 421-14 du code de l'urbanisme aux termes desquelles " Sont soumis à permis de construire les travaux suivants, exécutés sur des constructions existantes, à l'exception des travaux d'entretien ou de réparations ordinaires : (....) c) Les travaux ayant pour effet de modifier les structures porteuses ou la façade du bâtiment, lorsque ces travaux s'accompagnent d'un changement de destination entre les différentes destinations définies à l'article R. 123-9 ; (...) Pour l'application du c du présent article, les locaux accessoires d'un bâtiment sont réputés avoir la même destination que le local principal. ", ainsi d'ailleurs que le mentionne l'article 2 de l'arrêté en litige ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la partie du bâtiment concernée par le refus litigieux, qui constitue la plus importante en superficie du bâtiment existant, puisse être regardée comme un local accessoire de la partie restante du bâtiment à usage d'habitation ;
7. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 111-12 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable à la date des faits en litige : " Lorsqu'une construction est achevée depuis plus de dix ans, le refus de permis de construire ou de déclaration de travaux ne peut être fondé sur l'irrégularité de la construction initiale au regard du droit de l'urbanisme. / Les dispositions du premier alinéa ne sont pas applicables : a) Lorsque la construction est de nature, par sa situation, à exposer ses usagers ou des tiers à un risque de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente ; b) Lorsqu'une action en démolition a été engagée dans les conditions prévues par l'article L. 480-13 ; c) Lorsque la construction est située dans un site classé en application des articles L. 341-2 et suivants du code de l'environnement ou un parc naturel créé en application des articles L. 331-1 et suivants du même code ; d) Lorsque la construction est sur le domaine public ; e) Lorsque la construction a été réalisée sans permis de construire ; f) Dans les zones visées au 1° du II de l'article L. 562-1 du code de l'environnement. " ;
8. Considérant que, lorsqu'une construction a fait l'objet de transformations sans les autorisations d'urbanisme requises, il appartient au propriétaire qui envisage d'y faire de nouveaux travaux de déposer une déclaration ou de présenter une demande de permis portant sur l'ensemble des éléments de la construction qui ont eu ou auront pour effet de modifier le bâtiment tel qu'il avait été initialement approuvé ou de changer sa destination ; qu'il appartient à l'autorité administrative, saisie d'une telle déclaration ou demande de permis, de statuer au vu de l'ensemble des pièces du dossier d'après les règles d'urbanisme en vigueur à la date de sa décision ; qu'elle doit tenir compte, le cas échéant, de l'application des dispositions précitées de l'article L. 111-12 du code de l'urbanisme issues de la loi du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement, qui prévoient la régularisation des travaux réalisés depuis plus de dix ans à l'occasion de la construction primitive ou des modifications apportées à celle-ci, sous réserve, notamment, que les travaux n'aient pas été réalisés sans permis de construire en méconnaissance des prescriptions légales alors applicables ;
9. Considérant que, dans ces conditions et ainsi que l'a jugé le tribunal, le maire de la commune de Soubès, en relevant dans l'arrêté contesté que Mme B... ne pouvait être autorisée à réaliser des travaux comme ceux déclarés sur un bâtiment ayant fait l'objet de travaux illégaux emportant réalisation d'un second logement sans autorisation d'urbanisme, n'a pas fait une application erronée des dispositions de l'article L. 111-12 du code de l'urbanisme, lesquelles n'autorisent pas l'exécution de travaux sur une construction qui, bien qu'édifiée depuis plus de dix ans, a fait l'objet de modifications sans autorisations régulièrement délivrées dans une période de moins de dix ans ; que, par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont écarté le moyen tiré de l'erreur de droit commise par le maire ;
10. Considérant, en quatrième et dernier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que Mme B... a déposé le 26 décembre 2012 une déclaration de travaux enregistrée sous le n° DP 034 304 12 C 0028 en vue de régulariser les travaux réalisés sans autorisation dûment constatés par un agent assermenté en 2011 et en 2012 ; que le dossier étant incomplet, le maire de la commune l'a invitée le 4 janvier 2013 à lui faire parvenir les pièces manquantes dans le délai de trois mois ; que, le 9 janvier 2013, un agent municipal assermenté ayant dressé un rapport constatant la réalisation sur le bâtiment en cause d'un second logement sans autorisation d'urbanisme sans que Mme B... ait déposé une demande auprès des services municipaux, le maire de la commune de Soubès, après avoir relevé que l'objet de la déclaration déposée le 26 décembre 2012 ne correspondait pas aux travaux exécutés irrégulièrement par cette dernière, l'a invitée le 14 janvier 2013 à déclarer l'ensemble des travaux et installations réalisés sur la parcelle d'assiette dans un délai de huit jours ; que, le 8 mars 2013, en présence de Mme B..., l'agent municipal a dressé un nouveau rapport constatant la création dans la partie inoccupée de la bâtisse d'un second logement d'une surface de plancher de plus de 20 m² et relevant que lesdits travaux étaient soumis à permis de construire et étaient réalisés en infraction avec les dispositions du plan d'occupation des sols de la commune, en particulier avec les articles ND1 et ND2 ; que, le 18 mars 2013, Mme B... a déposé en mairie une déclaration de travaux, enregistrée sous le n° DP 034 304 13 C 0005 qui a fait l'objet d'une opposition par l'arrêté contesté du 8 avril 2013 ;
11. Considérant, d'une part, qu'ainsi que l'ont relevé les premiers juges, les pièces réclamées à Mme B... par le service instructeur le 4 janvier 2013, consistant dans les pages 3 à 6 du formulaire CERFA de la demande relatives aux éléments nécessaires au calcul des impositions et le bordereau de pièces, étaient effectivement manquantes ; que ces pièces ont été réclamées par le maire dans le délai d'un mois courant de la réception en mairie du dossier de déclaration préalable sans que la circonstance que le projet n'était pas concerné par les éléments nécessaires au calcul des impositions soit de nature à justifier que la pétitionnaire s'abstienne de fournir au service instructeur un formulaire CERFA complet ; qu'ainsi, les pièces réclamées à Mme B... par le maire de la commune de Soubès étaient au nombre des pièces exigibles en application des dispositions combinées des articles R. 431-35, A 431-1 et A 431-2 du code de l'urbanisme ; que, par suite, en vertu des dispositions combinées des articles R. 423-22 et R. 423-38, du code de l'urbanisme, en l'absence de ces pièces obligatoires, le délai d'instruction de la demande de Mme B... n'a pas commencé à courir, en tout état de cause à compter de la réception en mairie de ce dossier incomplet ;
12. Considérant, d'autre part, que contrairement à ce que soutient Mme B..., le dossier de déclaration préalable déposé le 18 mars 2013, qui portait sur des travaux ayant un objet distinct de ceux définis dans la première déclaration préalable déposée le 26 décembre 2012, constituait une nouvelle déclaration de travaux et non pas la simple production des pièces manquantes réclamées dans le cadre de sa première déclaration de travaux ; que, par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir qu'elle était devenue titulaire d'une décision de non opposition à la date de l'arrêté attaqué ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune de Soubès, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'en revanche, il y a lieu de mettre à la charge de Mme B... la somme de 1 500 euros que la commune de Soubès demande au titre des mêmes dispositions ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Mme B... versera à la commune de Soubès une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B...et à la commune de Soubès.
Délibéré après l'audience du 18 novembre 2016, où siégeaient :
- M. Portail, président-assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme A..., première conseillère,
- Mme Massé-Degois, première conseillère.
Lu en audience publique, le 6 décembre 2016.
N° 15MA01289 2