Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 18 novembre 2015 et le 6 avril 2016, Mme B... épouseC..., représentée par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 25 septembre 2015 ;
2°) d'annuler les décisions du 18 mai 2015 par lesquelles le préfet du Var a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée d'office ;
3°) d'enjoindre au préfet du Var de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) à défaut, d'enjoindre au préfet du Var de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sur le fondement de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le refus de titre de séjour a été pris par une autorité incompétente, en l'absence de délégation de signature ;
- cette décision, qui comporte des indications impersonnelles et stéréotypées et n'énonce pas de motifs de droit, est insuffisamment motivée ;
- cette décision a été prise au terme d'une procédure irrégulière, en l'absence de saisine préalable par le préfet de la commission du titre séjour ;
- l'arrêté contesté, qui comporte une indication erronée sur les voies et délais de recours, de nature à induire en erreur le destinataire de la décision a méconnu les dispositions de l'article L 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle remplit les conditions de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le préfet a commis une erreur de droit en n'examinant pas sa demande au regard de la circulaire ministérielle du 28 novembre 2012 ;
- le refus de séjour contesté porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée en violation de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
- cette décision a été prise en violation du 1) de l'article 3 de la Convention internationale des droits de l'enfant du 20 novembre 1989 ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise par une autorité incompétente, en l'absence de délégation de signature ;
- elle est insuffisamment motivée eu égard à ses énonciations stéréotypées ;
- le préfet, en se bornant à viser l'article L. 511-1 I 3° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sans vérifier si sa situation n'entrait pas dans les catégories d'étrangers protégés contre une mesure d'éloignement prévues à l'article L. 511-4 du même code, a entaché cette décision d'un défaut de base légale ;
- l'obligation de quitter le territoire français est privée de base légale en raison de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;
- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en violation de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard du délai de départ volontaire de trente jours accordé ;
- la décision fixant le pays de renvoi a été prise par une autorité incompétente ;
- le préfet, en ne visant pas les dispositions législatives applicables et en ne s'assurant pas qu'elle remplissait les conditions de l'étranger protégé au sens de celles-ci, a entaché cette décision d'un défaut de base légale ;
- cette décision est également privée de base légale en raison de l'illégalité de la décision de refus de séjour et de la décision l'obligeant à quitter le territoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord du 27 décembre 1968 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Portail a été lu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que Mme B..., épouseC..., ressortissante algérienne, née le 6 janvier 1982, a demandé, le 17 février 2015, la délivrance d'un certificat de résidence sur le fondement des stipulations du 5°) de l'article 6 de l'accord franco-algérien ; que, par un arrêté du 18 mai 2015, le préfet du Var a refusé de faire droit à cette demande, l'a obligée à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office ; que, par le jugement en date du 25 septembre 2015 dont Mme C... relève appel, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur les conclusions à fin d'annulation et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
3. Considérant qu'en application de ces stipulations, il appartient à l'autorité administrative, qui se prononce sur une demande de titre de séjour présentée par un étranger, d'apprécier si, eu égard notamment à la durée et aux conditions de son séjour en France, ainsi qu'à la nature et à l'ancienneté de ses liens familiaux sur le territoire français, l'atteinte que cette mesure porterait à sa vie familiale serait disproportionnée au regard des buts en vue desquels cette décision serait prise ; que la circonstance que l'étranger relèverait, à la date de cet examen, des catégories ouvrant droit au regroupement familial ne saurait, par elle-même, intervenir dans l'appréciation portée par l'administration sur la gravité de l'atteinte à la situation de l'intéressé ;
4. Considérant que pour opposer un refus à la demande de titre de séjour présentée par Mme C..., le préfet a estimé que cette décision ne méconnaissait pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales dès lors que Mme C... était susceptible, en retournant dans son pays d'origine avec son enfant, de bénéficier, à la demande de son époux, du regroupement familial afin de pouvoir régulièrement regagner le territoire national ;
5. Considérant que Mme C..., ressortissante algérienne, allègue avoir pénétré sur le territoire national le 22 mars 2013 après être arrivée le même jour à Alicante, en Espagne, sur présentation d'un passeport algérien en court de validité et revêtu d'un visa Etats Schengen de type C valable du 5 février 2013 au 21 mai 2013 délivré par le consulat général d'Espagne à Oran ; que, le 26 octobre 2013, elle a épousé à Toulon M. C..., de nationalité algérienne et titulaire d'un certificat de résidence algérien sur le territoire français d'une durée de validité de 10 ans ; que son époux était titulaire à la date de l'arrêté attaqué d'une carte de résident valable jusqu'en 2020 et avait vocation à demeurer sur le territoire et français ; qu'en outre, il est le père d'un enfant, âgé de 7 ans issu d'une précédente union et vivant en France, sur lequel il exerce l'autorité parentale conjointe et bénéficie d'un droit de visite ; que, dans les circonstances de l'espèce, en refusant à Mme C... la délivrance d'un titre de séjour et en lui faisant obligation de quitter le territoire français à destination de son pays d'origine, le préfet du Var a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et a, ainsi, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Var du 18 mai 2015 ; qu'elle est dès lors fondée à demander l'annulation de ce jugement et de cet arrêté ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
7. Considérant qu'eu égard au motif d'annulation qui le fonde, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement que l'administration délivre une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée vie familiale " à Mme C... ; qu'il y a lieu d'enjoindre au préfet du Var de délivrer à la requérante un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme C... et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulon du 25 septembre 2015 et l'arrêté du 18 mai 2015 du préfet du Var sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Var de délivrer à Mme C... un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Mme C..., une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Zohra B...épouseC..., au ministre de l'intérieur et au préfet du Var.
Délibéré après l'audience du 18 novembre 2016, où siégeaient :
- Mme Buccafurri, présidente,
- M. Portail, président-assesseur,
- Mme Busidan, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 6 décembre 2016.
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N° 15MA04401