Procédure devant la Cour :
Par une requête et des pièces, enregistrées le 15 janvier 2016 et le 30 septembre 2016, M. C..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Montpellier du 9 avril 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 22 décembre 2014 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande en lui délivrant, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à Me B... en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'ordonnance ne répond pas aux exigences de l'article L. 9 du code de justice administrative ;
- en se bornant à rappeler les circonstances d'une instance antérieure, le président de la 2ème chambre du tribunal a omis de statuer sur sa demande ;
- en faisant application des dispositions de l'article R. 741-12 du code de justice administrative, le droit à un recours effectif prévu par les stipulations de l'article 6 1° de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a été méconnu ;
- le refus de titre de séjour a été pris au terme d'une procédure irrégulière en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ;
- le préfet en refusant son admission au séjour au seul motif qu'il ne justifiait pas d'une présence de dix années sur le territoire français sans faire usage de son pouvoir de régularisation a commis une erreur de droit ;
- le refus de séjour méconnaît les dispositions des articles 6-1 et 6-5 de l'accord franco-algérien ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité entachant le refus de séjour ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de renvoi est illégale du fait de l'illégalité entachant la décision portant obligation de quitter le territoire ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 septembre 2016, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- l'ordonnance attaquée n'est entachée d'aucune irrégularité ;
- aucun des moyens invoqués n'est fondé.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 novembre 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Massé-Degois a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M. C..., de nationalité algérienne, relève appel de l'ordonnance du 9 avril 2015 par laquelle le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 décembre 2014 du préfet de l'Hérault refusant son admission au séjour et l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, l'a condamné à payer une amende pour recours abusif de 1 000 euros et a retiré la décision du 17 février 2015 lui accordant le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif (...) peuvent, par ordonnance : (...) 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. " ;
3. Considérant que l'ordonnance attaquée, qui se borne à indiquer que le seul moyen de légalité externe invoqué tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte est manifestement infondé, sans exposer les motifs de fait et de droit justifiant cette appréciation, est insuffisamment motivée au regard des dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative et doit, par suite, être annulée ;
4. Considérant, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens tirés de l'irrégularité de l'ordonnance attaquée, qu'il y a lieu pour la Cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :
5. Considérant, en premier lieu, que par arrêté préfectoral n° 2014-1341 en date du 31 juillet 2014, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture de l'Hérault, accessible tant au juge qu'aux parties, le préfet de l'Hérault a donné délégation de signature à M. Olivier Jacob, secrétaire général de la préfecture de l'Hérault, à l'effet de signer tous actes, arrêtés, décisions et circulaires relevant des attributions de l'Etat dans le département de l'Hérault et notamment en ce qui concerne les affaires intéressant plusieurs services départementaux des administrations civiles de l'Etat à l'exception des réquisitions prises en application de la loi du 11 juillet 1938 et de la réquisition des comptables publics ; que les décisions relatives aux "attributions de l'Etat dans le département" comprennent, sauf s'il en est disposé autrement par l'arrêté portant délégation de signature, les décisions préfectorales en matière de police des étrangers ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision de refus de séjour manque en fait et doit être écarté ;
6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / 1. au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...) " ;
7. Considérant que M. C..., qui déclare être entré en France le 28 décembre 2003, soutient avoir résidé de façon continue sur le territoire français depuis près de douze ans à la date de l'arrêté attaqué ; que, toutefois, pour chacune des années 2004 à 2009, le requérant se borne à produire quelques pièces éparses, notamment quelques photocopies de factures commerciales manuscrites dépourvues de valeur probante ainsi que des attestations peu circonstanciées, qui sont insuffisantes, en raison notamment de leur faible nombre, pour établir la réalité de la présence habituelle de l'intéressé tout au long de la période définie par les stipulations précitées de l'article 6-1 de l'accord franco-algérien ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit être écarté ;
8. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui (...) " ; qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien précité : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d' autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de refus (...) " ;
9. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 7, M. C... ne démontre pas résider habituellement sur le territoire national depuis l'année 2003 ; que s'il soutient être intégré en France et y avoir transféré le centre de ses intérêts privés, il n'établit cependant pas être dépourvu de toutes attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu la majeure partie de sa vie ; que compte tenu de la durée et des conditions de séjour en France de M. C..., célibataire et sans charge de famille à la date de la décision litigieuse, le préfet de l'Hérault n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale en France une atteinte disproportionnée aux buts poursuivis par la décision attaquée ; qu'il n'a donc méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet s'est cru lié par la seule durée du séjour en France de M. C... pour lui opposer un refus à la demande de titre de séjour qu'il a présentée, ni qu'il a entaché son appréciation des conséquences de l'arrêté en litige sur sa situation personnelle d'une erreur manifeste ;
10. Considérant, en quatrième lieu, que l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3." ; qu'il résulte de ces dispositions, applicables aux ressortissants algériens, que le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour que du seul cas des étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues par les dispositions visées par ce texte ou les stipulations de l'accord franco-algérien ayant le même objet et non de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ; que, compte tenu de ce qui vient d'être dit au point 7 et au point 9, M. C... ne pouvait prétendre bénéficier de plein droit d'un titre de séjour en France ni sur le fondement du 1° de l'article 6, ni sur celui du 5° du même article de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ; que, dès lors, le préfet de l'Hérault n'a pas entaché l'arrêté en litige d'un vice de procédure en ne saisissant pas la commission du titre de séjour ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
11. Considérant que, pour les motifs exposés aux points 5 à 10, M. C... n'est pas fondé à exciper, au soutien de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français, de l'illégalité de la décision par laquelle le préfet de l'Hérault lui a refusé un titre de séjour ;
12. Considérant, qu'eu égard à ce qui précède, le préfet de l'Hérault n'a pas, dans les circonstances de l'espèce, entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle M. C... ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
13. Considérant, d'une part, que la décision faisant obligation à M. C... de quitter le territoire français n'étant pas entachée d'illégalité, l'intéressé n'est pas fondé à soulever, par la voie de l'exception, l'illégalité de ladite décision à l'encontre de la décision fixant le pays de destination ;
14. Considérant, d'autre part, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Hérault a entaché sa décision fixant le pays de renvoi d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant ;
15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 22 novembre 2014 du préfet de l'Hérault ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
16. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté litigieux, n'implique aucune mesure particulière d'exécution ; que, par suite, les conclusions de M. C... tendant à ce que la Cour enjoigne au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour ou de procéder au réexamen de sa situation ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 :
17. Considérant que l'Etat n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il n'y a pas lieu, par suite, de faire droit aux conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 ;
D É C I D E :
Article 1er : L'ordonnance du 9 avril 2015 du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Montpellier est annulée.
Article 2 : La demande de M. C... présentée devant le tribunal administratif de Montpellier et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C..., au ministre de l'intérieur et à Me A...B....
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault, au bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Montpellier et au directeur régional des finances publiques de l'Occitanie.
Délibéré après l'audience du 18 novembre 2016, où siégeaient :
- Mme Buccafurri, présidente,
- M. Portail, président-assesseur,
- Mme Massé-Degois, première conseillère.
Lu en audience publique, le 6 décembre 2016.
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N° 16MA00176