Procédure devant la Cour :
       Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 6 avril 2017 et le 12 juin 2018, MmeB..., représentée par la SCP A...Clabeaut, demande à la Cour :
       1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 24 février 2017 ;
       2°) de condamner la commune de Vers-Pont-du-Gard à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice subi du fait d'agissements de harcèlement moral ;  
       4°) de mettre à la charge de la commune de Vers-Pont-du-Gard la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
       Elle soutient que : 
       - à compter de mai 2014, elle a subi des faits de harcèlement moral se traduisant notamment par le changement de ses fonctions, le retrait de la délégation de signature qui lui avait été consentie, la modification de son régime indemnitaire et la dégradation intentionnelle de ses conditions de travail ayant entraîné une détérioration de son état de santé.
       Par un mémoire en défense, enregistré le 9 février 2018, la commune de Vers-Pont- du-Gard conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de Mme B...une somme de 1 600 euros  sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. 
       Elle soutient que les moyens soulevés par Mme B...ne sont pas fondés.
       Vu les autres pièces du dossier.
       Vu : 
       - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; 
       - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
       - le code de justice administrative.
       Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
       Ont été entendus au cours de l'audience publique :
       - le rapport de Mme Lopa Dufrénot,
       - les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
       - et les observations de MeA..., représentant MmeB....
        Considérant ce qui suit :
       1. Adjoint administratif de 2ème classe, Mme B...a exercé ses fonctions au sein du service de l'urbanisme de la commune de Vers-Pont-du-Gard. Par un jugement dont elle relève appel, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune à réparer le préjudice qu'elle estime avoir subi du fait d'agissements de harcèlement moral.  
       Sur la responsabilité de la commune : 
       2. D'une part, aux termes de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. Les dispositions du présent article sont applicables aux agents non titulaires de droit public ".
       3. D'autre part, il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'administration auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. Pour être qualifiés de harcèlement moral, ces agissements doivent être répétés et excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui. Le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé.
      4. Mme B...soutient que les faits de harcèlement moral dont elle a été victime, ayant commencé dès le mois de mai 2014, au lendemain des élections municipales, pendant trois années, ont pris la forme du retrait de la délégation de signature en urbanisme dont elle était titulaire, de la modification de son régime indemnitaire, de sa nouvelle affectation, de la modification à plusieurs reprises de ses horaires de travail, de l'édiction de sanctions disciplinaires sans fondement et retirées et de son remplacement par un agent contractuel. 
      5. Il résulte de l'instruction, notamment des pièces communiquées par MmeB..., à l'appui de ses affirmations, qu'à la suite des élections municipales en 2014 et de l'élection du nouveau conseil municipal, la commune a entendu mettre en oeuvre, à titre expérimental à compter du 2 septembre 2014, et durant le congé de maladie de l'agent, les préconisations du bureau d'études KPMG, auteur du diagnostic de l'organisation de l'ensemble des services municipaux dans une logique d'évaluation et de la recherche des axes d'optimisation, commandée dès 2013 par l'ancienne équipe municipale. Concernant plus précisément le service administratif, il était recommandé de recentrer l'accueil du public au bureau de l'urbanisme sur deux demi journées afin de prendre en compte la charge réelle de ce poste, occupé par MmeB..., évaluée à 0, 4 ETP (emploi temps plein), l'évolution législative relative au transfert de compétences en matière d'urbanisme à l'échelon intercommunal, en faveur de la communauté de communes du Pont du Gard et la nécessité d'étendre les horaires d'ouverture au public. Dans ce cadre, alors même que les fonctions occupées par la requérante durant son absence ont été assurées par un agent recruté à cet effet, auprès du centre de gestion, puis par un autre agent en poste à temps partiel, celle-ci demeurait affectée à ses fonctions, néanmoins, complétées par son intégration au service de l'accueil en binôme, relevant des affaires agricoles, foncières et de l'état civil et au soutien du secrétariat général. Ultérieurement, en exécution de la délibération du conseil municipal du 4 mars 2015, après avis favorable du comité technique de gestion du Gard, approuvant la réorganisation de tous les services administratifs, techniques et scolaires de la commune, Mme B...a été affectée sur un poste unique à temps plein au service de l'accueil, des affaires agricoles, sociales et de l'animation en relation avec les élus. Il ne résulte pas de l'instruction et, au demeurant, il n'est pas allégué que ce poste ne correspondait pas au grade qu'elle détient. Par ailleurs, et, en application du décret 2006-779 du 3 juillet 2006 portant attribution d'une nouvelle bonification indiciaire (NBI) aux fonctionnaires exerçant des fonctions d'accueil à titre principal, par arrêté du 4 mars 2015, le bénéfice d'une NBI à hauteur de dix points a été attribué à MmeB.... Il ressort, de plus, des documents versés par celle-ci, notamment du bulletin de paie de septembre 2015 qu'outre la NBI, l'indemnité d'administration et de technicité lui était versée. En outre, les modifications des horaires de service dont se plaint la requérante, concomitantes, au cours du mois de mars 2015, à la réorganisation des services municipaux, résultent de celles de l'ouverture au public des services de la mairie. Et, alors même qu'ils ont eu pour effet de réviser l'accord individuel conclu le 20 décembre 2001 sur ses horaires de travail, de tels changements ne sont pas liés à la seule personne de la requérante. Dès lors, l'ensemble de ces circonstances ne constituent pas des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral dont Mme B...aurait été victime de la part de son administration.
      6. En revanche, il résulte de l'instruction, notamment de l'attestation d'un co-listier du futur maire en fonction que, au cours de la campagne électorale en 2014, le futur maire a déclaré à son équipe " si nous sommes élus, la première personne qu'il faudra virer c'est laB... ". Il résulte de cette même attestation qu'après son élection, le maire avait donné pour consigne de ne plus communiquer d'informations à MmeB..., ni de lui confier de dossiers avec pour finalité " de la faire craquer afin qu'elle quitte la mairie ". Les faits ainsi attestés n'ont pas été ultérieurement démentis par la commune de Vers-Pont-du-Gard. De même, il ressort du procès-verbal d'audition de Mme B...en qualité de victime de faits de harcèlement moral dénoncés auprès des autorités policières, établi le 9 juillet 2016, que dès le 15 mai 2014, le nouveau maire lui notifiait le retrait de la délégation de signature ainsi que les fonctions qu'elle assurait dans le cadre du service des mariages et des élections. En outre, par arrêt n° 17MA01471 de ce jour, la Cour a annulé, pour une insuffisance de motivation, l'arrêté du maire de la commune du 11 juillet 2014 abrogeant les arrêtés du 12 janvier 2004 et 1er avril 2009 attribuant à MmeB..., respectivement, une indemnité d'exercice des missions de préfectures et une indemnité d'administration et de technicité. Enfin, par arrêtés successifs du maire du 2, 17 et 23 septembre 2015, la requérante a fait l'objet d'avertissements pour des faits de manquement de courtoisie à l'égard du maire, de propos " injurieux " qui auraient été tenus à l'encontre d'une adjointe au maire et de dysfonctionnements qui auraient été fautifs, dans la gestion du service de l'accueil, relevés en l'absence de la requérante. Il est constant qu'à la suite d'un recours contentieux formé par l'intéressée, ces décisions ont fait l'objet de retraits. Les éléments de fait ainsi invoqués sont susceptibles de faire présumer l'existence d'agissements constitutifs d'un harcèlement moral par son administration à l'encontre de la requérante. La commune de Vers-Pont-du-Gard, en défense, ne conteste pas la teneur de l'attestation produite aux débats, ni la décision verbale du maire de mettre fin à la délégation de signature accordée à Mme B...alors encore en fonction au service de l'urbanisme. En outre, la collectivité ne fournit aucun motif justifiant la réalité des griefs ayant fait l'objet des sanctions disciplinaires contestées par l'agent et retirées. Enfin, s'agissant de l'abrogation, par l'arrêté du 11 juillet 2014, des décisions d'attribution des indemnités liées aux fonctions que Mme B...occupait, si dans le cadre de la présente instance, la commune a justifié cette abrogation par une modification du régime indemnitaire décidée par le conseil municipal et visant tous les agents de la commune, il ne résulte pas de l'examen des dispositions de la délibération du 4 décembre 2012 visée dans l'arrêté du 11 juillet 2014 et versée au dossier de première instance, que cette délibération permettait légalement au maire d'abroger le versement de ces primes à MmeB.... En outre, il résulte de l'instruction et il n'est pas contesté par la commune que ce n'est que, par une délibération du 2 septembre 2014, postérieure à l'arrêté du 11 juillet 2014, que le conseil municipal a décidé de suspendre, et non pas d'abroger, le versement aux agents municipaux de ce régime indemnitaire pendant les périodes de maladie. Ainsi, la commune de Vers-Pont-du-Gard n'établit pas que les agissements dénoncés s'inscrivent dans le cadre normal du pouvoir d'organisation du service et, dès lors, seraient justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. Dans ces conditions, les agissements de harcèlement moral sont établis. Ils ont eu pour objet ou effet la dégradation des conditions de travail de Mme B..., portant atteinte à ses droits et ont altéré sa santé. Il résulte de l'instruction, notamment des justificatifs versés aux débats que celle-ci a dû interrompre ses fonctions en raison d'un syndrome dépressif, du 4 juillet 2014 jusqu'au 5 mai 2015, puis, malgré une tentative de reprise, de nouveau jusqu'au 11 août 2015. Par suite, Mme B...est fondée à soutenir que la commune de Vers-Pont-du-Gard a commis une faute de nature à engager sa responsabilité à son égard.  
      Sur les préjudices : 
      7. Mme B...a droit à la réparation intégrale des préjudices que lui a causé le harcèlement moral dont elle a été victime.  
      8. D'une part, Mme B... est fondée à obtenir réparation du préjudice moral, dont il sera fait une juste appréciation en l'évaluant à la somme de 8 000 euros.
      9. D'autre part, la requérante sollicite le versement d'une somme globale de 5 000 euros en réparation de la réduction de son traitement à hauteur de 500 euros par mois correspondant à la privation des indemnités auxquelles elle avait droit sur dix mois. Mme B... peut prétendre à la réparation de ce préjudice, en lien direct avec les agissements constitutifs de harcèlement, du 11 juillet 2014, date de la décision du maire de la commune abrogeant, comme il a été dit au point 6, les arrêtés du 12 janvier 2004 et 1er avril 2009 lui attribuant des indemnités liées à ses fonctions,  jusqu'au 4 mars 2015, date à laquelle il résulte de l'instruction que de nouvelles indemnités afférentes à l'exercice de ses fonctions d'accueil lui ont été attribuées. En l'absence d'élément au dossier sur les modalités de détermination du montant dû au titre de l'indemnité d'exercice des missions de préfectures et de l'indemnité d'administration et de technicité, il y a lieu de renvoyer Mme B...devant la commune de Vers-Pont-du-Gard pour qu'il soit procédé à la liquidation de la somme due à ce titre, sur la période ainsi déterminée.          
      10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. Il y a lieu d'annuler ce jugement, de condamner la commune de Vers-Pont-du-Gard à verser à Mme B...la somme de 8 000 euros et de renvoyer Mme B...devant la commune pour qu'il soit procédé à la liquidation de la somme due au titre de l'indemnité d'exercice des missions de préfectures et de l'indemnité d'administration et de technicité, du 11 juillet 2014 au 3 mars 2015.
      Sur les frais liés au litige : 
      11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de MmeB..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Vers-Pont-du-Gard demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Vers-Pont-du-Gard une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme B...et non compris dans les dépens.        
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du  24 février 2017 est annulé.
Article 2 : La commune de Vers-Pont-du-Gard est condamnée à verser à Mme B...une somme de 8 000 euros.
Article 3 :  Mme B...est renvoyée devant la commune de Vers-Pont-du Gard pour qu'il soit procédé à la liquidation de la somme qui lui est due au titre de l'indemnité d'exercice des missions de préfectures et de l'indemnité d'administration et de technicité du 11 juillet 2014 jusqu'au 3 mars 2015.  
Article 4 : La commune de Vers-Pont-du-Gard versera une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de  Mme B...est rejeté. 
Article 6 : Les conclusions présentées par la commune de Vers-Pont-du-Gard au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.   
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...B...et à la commune de Vers-Pont-du-Gard.
       Délibéré après l'audience du 23 octobre 2018, où siégeaient :
       - Mme Buccafurri, présidente,
       - Mme Simon, présidente-assesseure,
       - Mme Lopa Dufrénot, première conseillère.
       Lu en audience publique, le 13 novembre 2018.
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N° 17MA01470