Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 22 décembre 2018, M. C..., représenté par Me D..., demande à la Cour:
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 28 août 2018 ;
2°) d'annuler les arrêtés du 22 août 2018 du préfet des Bouches-du-Rhône ;
3°) d'enjoindre au le préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer, dans un délai de une semaine une autorisation provisoire de séjour et de procéder, dans un délai de un mois, au réexamen de sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision de transfert méconnaît l'article 9 du règlement n° 604/ 2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article 17 1° du règlement 604/2013 ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les dispositions des articles L. 741-1 et L 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 novembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 et le protocole signé à New York le 31 janvier 1967 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le Traité sur l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n ° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement n° 604/ 2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Simon a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant syrien, entré sur le sol français le 7 janvier 2018, a sollicité le 6 février 2018 la reconnaissance du statut de réfugié auprès du préfet des Bouches-du-Rhône qui a saisi, le 5 avril 2018, les autorités italiennes, allemandes, danoises et britanniques d'une demande de prise en charge en application de l'article 18.1.b du règlement n° 604/2013. Le Danemark et l'Allemagne ont rejeté cette demande de prise en charge au motif que l'intéressé avait précédemment été transféré par chacun de ces deux pays en Italie. Une décision implicite d'acceptation de l'Italie est intervenue le 20 avril 2018 en application de l'article 25.2 du règlement précité. Par deux arrêtés du 22 août 2018, le préfet des Bouches-du-Rhône a, d'une part, prononcé son transfert aux autorités italiennes responsables de sa demande d'asile et, d'autre part, décidé de l'assigner à résidence. M. C... fait appel du jugement du 27 mars 2018 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 9 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Si un membre de la famille du demandeur, que la famille ait été ou non préalablement formée dans le pays d'origine, a été admis à résider en tant que bénéficiaire d'une protection internationale dans un État membre, cet État membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale, à condition que les intéressés en aient exprimé le souhait par écrit. ". L'article 2 du même règlement dispose que : " Aux fins du présent règlement, on entend par (...) g) "membres de la famille", dans la mesure où la famille existait déjà dans le pays d'origine, les membres suivants de la famille du demandeur présents sur le territoire des États membres: - le conjoint du demandeur, ou son ou sa partenaire non marié(e) engagé(e) dans une relation stable, lorsque le droit ou la pratique de l'État membre concerné réserve aux couples non mariés un traitement comparable à celui réservé aux couples mariés, en vertu de sa législation relative aux ressortissants de pays tiers, - les enfants mineurs des couples visés au premier tiret ou du demandeur, à condition qu'ils soient non mariés et qu'ils soient nés du mariage, hors mariage ou qu'ils aient été adoptés au sens du droit national, - lorsque le demandeur est mineur et non marié, le père, la mère ou un autre adulte qui est responsable du demandeur de par le droit ou la pratique de l'État membre dans lequel cet adulte se trouve, - lorsque le bénéficiaire d'une protection internationale est mineur et non marié, le père, la mère ou un autre adulte qui est responsable du bénéficiaire de par le droit ou la pratique de l'État membre dans lequel le bénéficiaire se trouve (...) ".
3. M. C... ne peut utilement se prévaloir du fait que ses deux frères résident de manière régulière sur le sol français, l'un titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " et l'autre en qualité de réfugié, l'article 9 précité du règlement (UE) n° 604/2013 ne s'appliquant qu'aux seuls membres de la famille nucléaire pour une personne majeure telle qu'énoncé à l'article 2 g) de ce même texte.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. (...) 2. L'État membre dans lequel une demande de protection internationale est présentée et qui procède à la détermination de l'État membre responsable, ou l'État membre responsable, peut à tout moment, avant qu'une première décision soit prise sur le fond, demander à un autre État membre de prendre un demandeur en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre État membre n'est pas responsable au titre des critères définis aux articles 8 à 11 et 16. (...) ". L'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Le présent article ne fait pas obstacle au droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile à toute personne dont l'examen de la demande relève de la compétence d'un autre Etat. ".
5. Les circonstances que l'appelant a quitté la Syrie avec son frère bénéficiaire du statut de réfugié dont il a été séparé de manière involontaire pendant leur périple, qu'il aurait été victime d'une agression en Italie, qu'il est hébergé chez ce frère, qu'il a un autre frère en situation régulière en France ainsi qu'un neveu et n'a pas de famille en Italie sont insuffisantes pour établir que le préfet des Bouches-du-Rhône a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne mettant pas en oeuvre la procédure dérogatoire prévue par les dispositions précitées.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Par ailleurs, il appartient au préfet, saisi d'une demande de titre de séjour par un étranger en vue de régulariser sa situation, de vérifier que la décision de refus qu'il envisage de prendre ne comporte pas de conséquences d'une gravité exceptionnelle sur la situation personnelle de l'intéressé et n'est pas ainsi entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
7. M. C..., célibataire et sans enfant, entré sur le sol national déjà âgé de 31 ans, n'était présent en France que depuis six mois à la date de l'arrêté en litige. Dans ces conditions, le préfet des Bouches-du-Rhône, en décidant de sa remise aux autorités italiennes n'a pas, eu égard à la durée et aux conditions de son séjour en France, porté une atteinte au respect de sa vie privée et familiale disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas entaché son refus d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.
8. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " et aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Ces dispositions font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement, un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne, soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée.
9. Il ne ressort pas des pièces du dossier que les autorités italiennes ne sont pas en mesure de traiter la demande d'asile de l'appelant dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile et de lui proposer une prise en charge adaptée, en l'absence d'existence avérée de défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans ce pays, qui est Etat membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions et stipulations précitées doit être écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E..., au ministre de l'intérieur et à Me B...D....
Copie en sera adressée pour information au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 12 mars 2019, où siégeaient :
- Mme Buccafurri, présidente,
- Mme Simon, président-assesseur,
- Mme A..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 19 mars 2019.
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N° 18MA05550