Par un jugement n° 1301992, 1502591 du 11 février 2016, après avoir joint ces deux demandes, le tribunal administratif de Toulon a :
- d'une part, condamné la commune du Lavandou à verser à Mme C... une indemnité de 36 531,59 euros en réparation de certains des chefs de préjudice présentés par Mme C..., somme assortie des intérêts légaux et de leur capitalisation ;
- d'autre part, avant dire droit, ordonné une expertise en vue de déterminer la valeur réelle de la parcelle cadastrée section AC n° 10 au prix du terrain non constructible et réservé le reste des moyens soulevés par les parties.
Par un jugement n° 1301992, 1502591 du 2 mai 2017, rendu après le dépôt de l'expertise précédemment ordonnée, le tribunal administratif de Toulon a rejeté le surplus des conclusions indemnitaires présentées par Mme C... et a mis les frais d'expertise, liquidés et taxés par ordonnance du président du tribunal administratif de Toulon du 27 octobre 2016 à la somme totale de 8 375,57 euros, pour moitié, soit un montant de 4 187,78 euros, à la charge de la commune du Lavandou et, pour moitié, pour un même montant, à la charge de Mme C....
Procédures devant la Cour :
I - Par une requête, enregistrée le 11 avril 2016 sous le n° 16MA01380, complétée par quatre mémoires, respectivement enregistrés les 29 août et le 6 décembre 2016, le 6 janvier et le 14 juin 2017, la commune du Lavandou, représentée par la société civile professionnelle d'avocats CGCB, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 11 février 2016 du tribunal administratif de Toulon ;
2°) de rejeter la demande de Mme C... ;
3°) de mettre à la charge de Mme C... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la mesure d'expertise ordonnée n'était pas utile ;
- sa responsabilité doit être atténuée par la faute qu'a commise Mme C... en omettant de subordonner l'acquisition du bien immobilier, acheté le 22 septembre 2008, à une condition suspensive tenant à la délivrance d'un permis de construire ;
- l'intéressée, qui n'a jamais versé au dossier le compromis de vente du bien, a commis une manoeuvre frauduleuse délibérée pour échapper à ses obligations fiscales, et l'attestation versée par la société Cap Crédit ne présente aucune valeur probante sur la réalité du projet de construction de Mme C... ;
- sa responsabilité doit être atténuée par la faute qu'a commise le notaire de Mme C... dans le cadre de son obligation de conseil ;
- le tribunal, qui a implicitement mais nécessairement considéré qu'elle même et le notaire étaient responsables solidairement des préjudices allégués par Mme C..., ne pouvait pas prononcer seulement une condamnation à son encontre, alors qu'elle ne peut être condamnée à payer une somme qu'elle ne doit pas ;
- les frais relatifs à l'établissement du dossier de demande de permis de construire ne sont pas justifiés par les pièces versées ;
- ne sont pas davantage justifiés les frais de géomètre et le préjudice moral ;
- les frais d'étude en géologie et les frais de justice ne sont pas en lien direct avec les prétendues fautes qu'elle aurait commises ;
- le tribunal a commis une erreur de droit en annulant les refus opposés aux réclamations préalables présentées par Mme C... ;
- les opérations d'expertise révèlent des incohérences importantes, parmi lesquelles le fait que la parcelle cadastrée AC n° 10 ne constitue pas le terrain attenant en nature de jardin mentionné dans l'acte d'achat du 22 septembre 2008 mais la parcelle d'assiette de la maison d'habitation alors acquise et, ainsi, le préjudice allégué tenant à la différence de prix entre la valeur de cette parcelle au prix du terrain inconstructible et sa valeur d'achat n'est pas établi ;
- Mme C... ayant d'ores et déjà cédé une partie de la parcelle AC n° 10 au prix de 1 450 000 euros, et les opérations d'expertise permettant d'évaluer la valeur totale du bien acquis au prix du terrain inconstructible à 1 792 300 euros, le préjudice prétendument subi est inexistant ;
- aucun lien de causalité ne peut être établi entre les fautes alléguées et les préjudices prétendus, dès lors que la seule pièce sur laquelle s'est fondée le tribunal pour affirmer la réalité du projet de construction de Mme C... n'est pas probante en raison des liens amicaux que la famille C...entretient avec le seul signataire du courrier à l'en-tête de la société Cap-Crédit ;
- il n'y aura plus lieu de statuer sur l'appel dirigé contre le jugement avant-dire-droit dès lors que le jugement au fond est intervenu.
Par trois mémoires en défense, enregistrés le 22 septembre 2016, le 11 mai et le 22 juin 2017, Mme C..., représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la commune du Lavandou une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- son projet d'acquérir le bien comprenant une maison existante avec terrain pour procéder ensuite à une division foncière de ce terrain en vue de déposer un permis de construire est attesté par le courrier de Cap Crédit ;
- la parcelle cadastrée AC 93 ne concerne pas l'objet du litige ;
- en tant que personne sans expérience en matière d'urbanisme et d'acquisitions foncières, elle n'a commis aucune imprudence fautive en ne prévoyant pas de condition suspensive relative à l'obtention d'un permis de construire ;
- le notaire n'a commis aucune faute au vu du certificat d'urbanisme délivré relativement à la parcelle AC 10 ;
- les allégations de la commune remettant en cause les documents fournis pour étayer la réalité et l'étendue des préjudices subis sont dépourvus de fondement ;
- elle n'a commis aucune imprudence fautive sur les frais d'études en géologie ;
- l'erreur prétendument commise par le tribunal en annulant le rejet des réclamations préalables est inexistante ;
- l'expertise est totalement justifiée ;
- le préjudice dont il est demandé l'indemnisation est relatif à la parcelle AC 153 et il subsiste, la circonstance que la propriété située sur la parcelle AC 152 a été vendue étant sans incidence à cet égard ;
- le tribunal ne s'est pas fondé sur le seul courrier de la société Cap Crédit pour accepter dans son principe d'indemniser la perte de valeur vénale de la parcelle AC 10 ;
- la chronologie des événements montre que le projet de construction existait dès l'acquisition en septembre 2008 ;
- les allégations de la commune sur le fait que le courrier de la société Cap Crédit serait de complaisance ne sont pas fondées ;
- ainsi qu'il ressort du jugement rendu le 2 mai 2017, le tribunal n'a pas remis en cause l'indemnisation au titre de l'illégalité du permis de construire délivré en 2009, mais a statué sur la perte de valeur vénale et ses préjudices associés liés à l'illégalité du certificat d'urbanisme et la commune ne saurait confondre les préjudices consécutifs à deux fautes distinctes de la commune ;
- la jurisprudence du Conseil d'Etat citée par la commune pour demander la jonction avec l'appel à venir sur le jugement du 2 mai 2017 ne correspond pas au cas soumis à la Cour ;
- le moyen tiré de ce qu'elle n'aurait aucun droit acquis au maintien du classement de sa propriété n'est pas appuyé des précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé ;
- la commune ne peut nier l'effectivité du préjudice subi en s'appuyant sur la cession effectuée 7 ans après les fautes commises de la parcelle AC 153 ;
- la communication devant la Cour d'un procès-verbal, qui constitue une pièce d'une procédure pénale en cours, constitue une violation pénalement sanctionnée au titre des dispositions de l'article 226-13 du code pénal.
II - Par une requête, enregistrée le 14 juin 2017 sous le n° 17MA02546, la commune du Lavandou, représentée par la société civile professionnelle d'avocats CGCB, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 2 mai 2017 du tribunal administratif de Toulon en ce qu'il met à la charge de la commune la moitié des frais d'expertise et 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de rejeter la demande de Mme C... ;
3°) de mettre à la charge de l'intimée la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle renvoie aux éléments déjà communiqués dans le cadre de l'instance 16MA01380 pour que la Cour fasse droit à ses demandes ;
- s'agissant des frais d'expertise, qui ont été mis partiellement à sa charge, la parcelle AC10 n'ayant pas été acquise de façon autonome, mais parce qu'elle constituait le jardin d'un ensemble bâti, l'expertise destinée à en apprécier la valeur au prix du terrain non constructible n'était pas utile ;
- elle n'était pas davantage utile au regard de la revente par Mme C... d'une partie de la parcelle AC10 ;
- aucune circonstance particulière ne justifie que la commune prenne en charge la moitié des frais afférents à cette expertise dépourvue d'utilité ;
- le tribunal s'est livré à une mauvaise appréciation des circonstances de l'espèce en mettant à sa charge 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 octobre 2017, Mme C..., représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la commune du Lavandou le paiement de 8 375,57 euros au titre des frais d'expertise exposés, et le versement à son profit d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- les moyens soulevés par la commune sont infondés ;
- le raisonnement du tribunal consistant à globaliser la situation en incluant la parcelle supportant la maison existant depuis trente ans est erroné ;
- le coût total de l'expertise doit être mis à la charge de la partie succombante, c'est-à-dire la commune ;
- en toute hypothèse, la commune est la partie perdante et doit être condamnée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
III - Par une requête, enregistrée le 30 juin 2017 sous le n° 17MA02816 et complétée par un mémoire enregistré le 2 novembre 2017, Mme C..., représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler les articles 1 et 2 du jugement du 2 mai 2017 du tribunal administratif de Toulon ;
2°) condamner la commune du Lavandou à lui verser une indemnité d'un montant de 540 480 euros en réparation du préjudice financier résultant de la perte de la valeur vénale, une indemnité d'un montant de 24 173,74 euros au titre du préjudice lié aux frais notariés inutilement exposés, une indemnité d'un montant de 113 157,02 euros au titre du préjudice correspondant aux frais financiers inutilement exposés, toutes ces sommes devant être assorties des intérêts au taux légal et de leur capitalisation annuelle à la date anniversaire de la réception par la commune de la demande préalable ;
3°) de mettre à la charge de la commune le paiement de la somme de 8 375,57 euros au titre des frais d'expertise exposés ;
4°) de mettre à la charge de l'intimée la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier pour défaut de motivation sur l'absence de préjudice résultant du surcoût exposé en 2008 pour l'achat de la propriété ;
- le jugement, n'ayant pas évalué le chef de préjudice tiré de la perte de valeur vénale, ne pouvait régulièrement considérer qu'il était compensé par la cession de la parcelle AC152 et la valeur résiduelle des terrains restant sa propriété ;
- le tribunal n'a pas répondu au moyen qu'elle invoquait et tiré de ce qu'elle s'est trouvée contrainte de transmettre la parcelle AC 152 ;
- le tribunal ne motive pas son raisonnement au terme duquel il considère que la revente de cette parcelle, qui n'a jamais servi d'emprise au permis de construire et n'est pas concernée par la demande indemnitaire, peut solder le préjudice indemnisable dont elle demande la réparation ;
- seule la parcelle AC 153 est visée par la demande de permis de construire et est concernée par la perte de la valeur vénale en raison de son inconstructibilité ;
- le jugement a procédé à une confusion entre la revente de la parcelle AC 153 avec la perte de valeur vénale de la parcelle AC152 pour exonérer la commune de toute indemnisation de la perte de la valeur vénale et en outre n'a pas tenu compte des circonstances contraignantes ayant conduit à cette revente six ans après l'acquisition ;
- l'expertise ordonnée par le tribunal permet d'évaluer la perte de valeur vénale à 540 480 euros ;
- concernant la quote-part demandée des frais notariés et des frais financiers, le rapporteur public auprès du tribunal administratif de Toulon avait conclu à une autre expertise, qui pourrait s'avérer nécessaire, si la Cour estimait insuffisants les documents produits et la jurisprudence citée pour leur évaluation ;
- subsidiairement, à supposer que la Cour retienne que la revente de la parcelle AC 152 doit être prise en compte pour apprécier la perte de valeur vénale, il n'a pas été tenu compte du coût de tous les travaux réalisés sur la villa et ces travaux constituent un investissement qui apporte une valeur ajoutée qui résulte de son intervention ;
- la valorisation de la parcelle AC 93 effectuée par le tribunal à hauteur de 30 euros le m² n'apparaît pas dans le rapport d'expertise ;
- l'expertise était indéniablement justifiée et son coût devait entièrement être mis à la charge de la commune, dès lors que ses prétentions au cours de l'expertise n'ont pas rendu celle-ci plus onéreuse.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 février 2018, la commune du Lavandou, représentée par la société civile professionnelle d'avocats CGCB, conclut au rejet de la requête de Mme C... et à ce qu'il soit mis à sa charge le versement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- le jugement est entaché d'une erreur matérielle, le " considérant " 4 renvoyant au point 2 au lieu de renvoyer au point 3 et le jugement est motivé sur le rejet du préjudice résultant d'un surcoût sur l'achat de la propriété ;
- le juge peut s'abstenir de trancher une difficulté quand la réponse à lui donner n'a pas d'incidence sur la solution du litige ;
- la revente de la parcelle AC 152 s'est faite au prix du marché comme le rappelle l'expert ;
- la parcelle AC 153 n'ayant pas été acquise de manière autonome, sa valeur ne peut être estimée de manière indépendante du reste de la propriété, ainsi que l'a jugé le tribunal ;
- les prétendus travaux réalisés sur la villa de 2008 à 2013 ne sont pas justifiés par des pièces probantes.
Un mémoire présenté pour Mme C... a été enregistré le 21 mars 2018 et n'a pas été communiqué en application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Busidan,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- et les observations de Me E..., représentant la commune du Lavandou, et de Me B..., représentant Mme C....
Une note en délibéré présentée pour Mme C... dans chacune des instances n° 16MA01380, 17MA02546 et 17MA02816, a été enregistrée le 10 avril 2018.
1. Considérant que la requête, enregistrée sous le n° 17MA02816 et présentée pour Mme C..., et celles, enregistrées sous les n° 16MA01380 et 17MA02546 et présentées pour la commune du Lavandou, sont dirigées contre les deux mêmes jugements et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt ;
2. Considérant que, par acte authentique du 22 septembre 2008, Mme C... a acquis sur le territoire de la commune du Lavandou, pour la somme de 1,5 millions d'euros, "une propriété bâtie et non bâtie consistant en une villa élevée d'un étage sur rez-de-chaussée avec terrain attenant en nature de jardin"; que cette propriété était alors composée de deux parcelles, l'une, cadastrée AC n° 10 d'une superficie de 3 792 m² et supportant la villa, l'autre, cadastrée AC n° 93 d'une superficie de 3 453 m² et jouxtant la parcelle précédente ; que l'acte authentique reprend dans ses stipulations et en annexe un certificat d'urbanisme délivré au vendeur par le maire de la commune du Lavandou le 9 juillet 2008 sur le fondement du a) de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme ; que ce certificat indique, d'une part, que la parcelle AC93, située dans une zone UGc annulée au titre de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable, par jugement du tribunal administratif de Nice du 9 juillet 2003 confirmé par arrêt de la cour du 16 mai 2007, est soumise au règlement national d'urbanisme et à la loi Littoral, d'autre part, que la parcelle AC10 se situe en zone UDa du plan d'occupation des sols (POS) approuvé le 19 septembre 2001 ; que Mme C... a obtenu, le 9 janvier 2009, la division de la parcelle AC10 en deux lots, un lot A, ultérieurement cadastré AC152, qui présente une superficie de 1 502 m² et supporte la villa évoquée ci-dessus, et un lot B, ultérieurement cadastré AC153, qui présente une superficie de 2 252 m² ; que, sur ce lot B, Mme C... a obtenu, le 30 avril 2009, un permis de construire une maison à usage d'habitation ; que, toutefois, à la demande d'un tiers, ce permis a été annulé par un jugement du tribunal administratif de Toulon du 25 août 2011, confirmé par arrêt de la présente Cour du 27 mai 2014, au motif que cette autorisation de construire avait été délivrée en violation des dispositions de l'article L. 146-4-I du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors applicable ; qu'estimant que, par la délivrance de ce permis de construire illégal, celle du certificat d'urbanisme du 9 juillet 2008 et le classement de la parcelle AC10 en zone constructible, la commune du Lavandou avait commis des fautes qui lui avaient causé des préjudices, Mme C... en a demandé la réparation au tribunal administratif de Toulon ;
3. Considérant que, par un premier jugement rendu le 11 février 2016, le tribunal administratif de Toulon a jugé que le classement de la parcelle AC10 en zone constructible était illégal, ainsi que la délivrance du certificat d'urbanisme du 9 juillet 2008 qui mentionnait la constructibilité de cette parcelle sans réserve tenant à l'application de la loi Littoral et que ces décisions, comme le permis de construire illégal du 30 avril 2009, constituaient des fautes de nature à engager l'entière responsabilité de la commune du Lavandou ; que, par ce même jugement dont la commune a demandé l'annulation dans l'instance enregistrée sous le n° 16MA01380, le tribunal a indemnisé certains des préjudices invoqués par Mme C... pour un montant total de 36 531,59 euros, en a rejeté certains autres comme non établis et a ordonné une expertise pour lui permettre d'évaluer les préjudices liés au fait que Mme C... avait acheté la parcelle AC10 au prix du terrain constructible ; que, par un second jugement rendu le 2 mai 2017, le tribunal administratif de Toulon a rejeté les conclusions indemnitaires de Mme C... sur lesquelles il n'avait pas précédemment statué, a réparti par moitié entre les parties la charge des frais de l'expertise ordonnée, et mis à la charge de la commune du Lavandou une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que les deux parties relèvent appel de ce dernier jugement, la commune du Lavandou dans l'instance enregistrée sous le n° 17MA02546 en tant qu'il a mis à sa charge la moitié des frais d'expertise et une somme au titre des frais d'instance, et Mme C..., dans l'instance enregistrée sous le n° 17MA02816, en tant qu'il a rejeté ses conclusions sur lesquelles le tribunal ne s'était pas prononcé le 11 février 2016 et qu'il a mis à sa charge la moitié des frais d'expertise ;
Sur la régularité du jugement rendu le 11 février 2016 :
4. Considérant qu'il ressort de l'examen des écritures présentées par Mme C... devant le tribunal administratif qu'elle demandait notamment l'indemnisation d'un préjudice financier lié au fait que la partie de sa propriété, devenue le lot B de la parcelle AC10 puis la parcelle AC153, aurait été achetée par elle le 22 septembre 2008 au prix du terrain constructible, alors qu'elle aurait dû l'être au prix du terrain inconstructible ; que, pour évaluer ce préjudice, qu'il a considéré comme établi et en lien direct avec le classement illégal en zone constructible de la parcelle AC10, le tribunal a donné mission à l'expert qu'il a diligenté, "de déterminer la valeur réelle de la parcelle AC 10 au prix du terrain non constructible" ; qu'une telle expertise, qui tend à obtenir les éléments nécessaires au calcul de la différence entre le prix d'achat payé par Mme C... pour acquérir sa propriété et le prix réel auquel elle aurait dû l'acheter si la totalité des terrains la composant avaient été dûment classés comme inconstructibles, vise directement à l'évaluation du préjudice reconnu par le tribunal ; que, dès lors, la commune du Lavandou n'étant pas fondée à soutenir que l'expertise ordonnée aurait présenté un caractère frustratoire, le moyen tiré de ce que le jugement du 11 février 2016 devrait être annulé pour irrégularité doit être écarté ;
Sur la régularité du jugement rendu le 2 mai 2017 :
5. Considérant, en premier lieu, que, pour motiver le rejet des préjudices accessoires au surcoût qu'aurait exposé Mme C... lors de l'acquisition de sa propriété, le tribunal administratif de Toulon renvoie au point 2 de son jugement exposant les raisons pour lesquelles il rejette le préjudice consistant en ce surcoût ; que, ce faisant, il a commis une erreur purement matérielle, dès lors que les raisons pour lesquelles il rejette le préjudice consistant en ce surcoût se trouvent au point 3 de son jugement ; que, cependant, contrairement à ce que soutient Mme C..., cette circonstance n'est pas de nature à entacher le jugement attaqué d'une insuffisance de motivation ;
6. Considérant, en second lieu, que le tribunal administratif a exposé au point 3 de son jugement les raisons pour lesquelles il a estimé devoir rejeter le préjudice financier relatif au surcoût qu'aurait exposé Mme C... lors de l'achat de sa propriété ; qu'elles tiennent, selon lui, en ce que la revente par l'intéressée de la parcelle AC152 aurait compensé le préjudice indemnisable sur la parcelle AC153 ; que, ce faisant, le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments présentés par Mme C..., notamment ceux tenant à la valeur vénale de la seule parcelle AC153, a suffisamment motivé son jugement ; que, par ailleurs, si Mme C... affirmait devant les premiers juges qu'elle aurait été contrainte de procéder à la vente de la parcelle AC152, cette argumentation était sans incidence sur la réalité de la somme perçue par l'intéressée et, par suite, sur l'évaluation du préjudice financier effectuée par le tribunal, qui n'avait donc pas à y répondre ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que le jugement du 2 mai 2017 devrait être annulé pour irrégularité ;
Sur le bien-fondé du jugement du 11 février 2016 en tant qu'il condamne la commune du Lavandou à verser une indemnité à Mme C... :
8. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que, comme l'a jugé à bon droit le tribunal par des motifs qu'il y a lieu d'adopter, la commune du Lavandou a commis des fautes de nature à engager sa responsabilité, en classant et en maintenant illégalement en zone constructible UDa la parcelle AC10, en délivrant un certificat d'urbanisme le 9 juillet 2008 mentionnant un tel classement et ne faisant pas état de l'application de la loi Littoral à cette parcelle, et, enfin, en délivrant illégalement, au regard des dispositions de cette même loi, un permis de construire sur le lot B de cette parcelle AC10 ;
9. Considérant, en deuxième lieu, que le certificat d'urbanisme du 9 juillet 2008 classant la parcelle AC10 en zone UDa constructible donnait à Mme C..., qui n'est pas un professionnel de l'immobilier, une assurance suffisante de la constructibilité de cette parcelle déjà construite ; que, dès lors, et qu'elle ait eu, ou non, dès l'origine la volonté de faire construire sur cette parcelle, Mme C... n'a commis, en l'espèce, aucune imprudence en acquérant cette propriété au vu de ce certificat sans stipuler dans l'acte authentique de clause résolutoire portant sur l'obtention d'un permis de construire, alors qu'en outre la commune lui a délivré, le 30 avril 2009, un permis de construire sur ladite parcelle ; que, par suite, aucune faute de nature à atténuer la responsabilité de la commune du Lavandou ne saurait être retenue à l'encontre de Mme C... ; que, par ailleurs, quand bien même le notaire de l'intéressée aurait manqué à son obligation de conseil, Mme C... est fondée à demander à la juridiction administrative l'entière réparation des préjudices que cette juridiction estime en lien direct avec les fautes commises par la commune du Lavandou ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, comme l'a jugé le tribunal administratif de Toulon, aucune cause exonératoire n'est de nature à exonérer totalement ou partiellement la commune du Lavandou de sa responsabilité ;
11. Considérant, en troisième lieu, s'agissant des préjudices indemnisés par le tribunal administratif de Toulon, que si la commune du Lavandou conteste l'indemnité de 13 734,91 euros accordée au titre des frais exposés par Mme C... pour l'obtention et la mise en oeuvre jusqu'à son annulation du permis de construire illégalement délivré, il résulte de l'instruction que l'évaluation faite par le tribunal repose, contrairement à ce que prétend la commune, sur des documents probants ; que les frais de justice exposés par l'intéressée pour tenter d'éviter l'annulation du permis de construire constituent un préjudice subi par Mme C... en lien direct avec l'illégalité du permis de construire, dont il résulte de l'instruction que le tribunal a fixé, à juste titre, la réparation à la somme de 16 796,68 euros ; qu'en fixant à 6 000 euros la réparation du préjudice moral tenant pour Mme C... à avoir cru acheter une propriété partiellement constructible et à avoir inutilement investi temps et énergie dans un projet de construction, le tribunal en a fait une juste évaluation ; que, dès lors, la commune du Lavandou n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 11 février 2016, le tribunal administratif de Toulon l'a condamnée à verser à Mme C... une indemnité d'un montant global de 36 531,59 euros en réparation des préjudices précités ;
Sur le bien fondé du jugement rendu le 2 mai 2017 :
12. Considérant que les fautes commises par la commune n'ouvrent droit à indemnité que dans la mesure où Mme C... établit un préjudice certain en lien direct avec ces fautes ;
13. Considérant que, comme il a été indiqué au point 2, Mme C... a acquis un ensemble immobilier composé d'une parcelle déclarée inconstructible et d'une parcelle déjà construite et déclarée constructible, la propriété formant un tout consistant en une villa entourée d'un jardin de plus de 7 000 m² ; que si Mme C... se plaint d'avoir acheté sa propriété à un montant plus élevé que sa valeur réelle dès lors que la parcelle AC10 était à tort classée comme constructible, elle fait porter ses conclusions indemnitaires relatives à ce surcoût sur la seule superficie de 2 252 m² du lot B qu'elle a voulu détacher de cette parcelle AC10 ; que, cependant, lors de l'achat de l'ensemble de la propriété, cette parcelle AC10 comprenait également ce que Mme C... a constitué en lot A, composé d'un terrain de 1 502 m² supportant la villa existante ;
14. Considérant, en premier lieu, que si l'expertise immobilière effectuée par Mme D...et versée au dossier par Mme C...évalue à 560 000 euros la valeur vénale d'une parcelle comparable au lot B issu de la parcelle AC10, cet élément ne permet pas d'en déduire que telle était la valeur de cette seule partie de la parcelle AC10 au sein du prix global de 1,5 millions d'euros payé pour toute la propriété acquise par MmeC..., alors que l'autre partie de la parcelle AC10 supportait la construction existante et que l'ensemble de la parcelle AC10, si elle était déjà inconstructible par l'effet de la loi Littoral, avait donc une valeur qui n'était pas comparable à celle d'un terrain inconstructible sans construction ; que Mme C... ne verse au dossier aucun autre élément qui permettrait d'isoler, dans son prix d'acquisition, la valeur réelle des 2 252 m² sur lesquels elle fait porter son préjudice financier, notamment elle n'indique pas la valeur en 2008 d'une propriété située dans un environnement similaire au sien et comprenant une villa entourée d'un jardin d'une superficie voisine de 1 500 m², de manière à établir, par différence avec le prix d'achat de la propriété, la réalité du préjudice invoqué sur la partie inconstructible du terrain acquis ; que, dans ces conditions, le préjudice financier dont Mme C... demande réparation doit être évalué à périmètre constant, soit, comme l'a fait le tribunal en ordonnant l'expertise précitée, au regard de la valeur réelle de la totalité de la parcelle AC10 incluant non seulement la valeur du terrain de cette parcelle au prix du terrain inconstructible, mais également la valeur de la construction existante qui y est implantée ;
15. Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction, et notamment de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif, que Mme C... a revendu en mai 2014 le lot A issu de la parcelle AC10 pour la somme de 1,45 millions d'euros ; que la circonstance qu'elle aurait été obligée, pour des raisons financières, de vendre ce bien immobilier est sans incidence sur le prix qu'elle en a retiré, qui correspond, selon l'expert, au prix du marché ; qu'elle reste propriétaire de la parcelle AC93 et du lot B issu de la parcelle AC10, dénommé également parcelle AC153, pour une superficie globale de 5 705 m², dont il résulte de l'instruction qu'ils doivent être valorisés en tant que terrain d'agrément non constructible au prix indiqué par l'expert de 60 euros le m², soit une valeur totale de 342 300 euros ; qu'ainsi la valeur réelle de l'ensemble immobilier que Mme C... a acheté en 2008 doit être estimée à la somme de 1 792 300 euros ; que même en considérant, comme le fait valoir MmeC..., que la parcelle AC93 ne devrait pas être évaluée en tant que jardin d'agrément, mais seulement comme " terrain non constructible dénué de tout intérêt " selon les termes utilisés par l'expert qui indique alors une valeur allant jusqu'à 10 euros/m², l'ensemble immobilier acheté par l'intéressée en 2008 atteindrait tout de même une valeur de 1 619 650 euros ; qu'ainsi et en toute hypothèse, cette valeur est supérieure au prix de la propriété payé par Mme C..., même augmenté du montant des travaux de rénovation qu'elle soutient avoir effectués dans la villa pour une somme de 110 457,20 euros durant la période où elle en a été seule propriétaire ; que, dans ces conditions, il résulte de l'instruction que le préjudice financier dont Mme C... demande réparation, consistant en un surcoût à l'achat de 2 252 m² du terrain composant sa propriété, n'est pas établi ; que, par voie de conséquence, les chefs de préjudice relatifs à la quote-part représentée par ce surcoût sur le prix total d'acquisition et appliquée aux frais de notaire, aux frais d'emprunt, et aux frais de dossier réglés pour l'achat de l'ensemble de la propriété, ne sont pas davantage établis ;
16. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement rendu le 2 mai 2017, le tribunal administratif de Toulon a rejeté les conclusions indemnitaires tendant à la réparation des chefs de préjudices précités ;
Sur la répartition des frais d'expertise et la mise à la charge de la commune du Lavandou par le tribunal administratif de Toulon de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
17. Considérant que l'article L. 761-1 du code de justice administrative dispose : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ; qu'aux termes de l'article R. 761-1 du même code : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat.// Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties.//L'Etat peut être condamné aux dépens. " ;
18. Considérant que, dans les circonstances particulières de l'espèce, notamment la circonstance que l'expertise ordonnée par le tribunal a permis aux premiers juges de statuer en toute connaissance de cause sur le litige, le tribunal a fait une juste appréciation des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative en mettant à la charge, pour moitié de chacune des parties, les frais et honoraires de l'expert, liquidés et taxés au montant de 8 357,57 euros ; qu'il y a donc lieu de rejeter les conclusions des deux parties tendant à l'annulation sur ce point du jugement du 2 mai 2017 ; que, Mme C..., ne pouvant être regardée comme la partie totalement tenue aux dépens ou, à défaut, comme la partie perdant pour l'essentiel dans l'instance engagée devant le tribunal administratif de Toulon, c'est également à bon droit que les premiers juges ont mis à la charge de la commune du Lavandou, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme C... et non compris dans les dépens ; que, par suite, la commune du Lavandou n'est pas fondée à demander l'annulation de ce même jugement en tant qu'il a mis 2 000 euros à sa charge au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Sur les frais non compris dans les dépens :
19. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il ne paraît pas inéquitable de laisser à chacune des parties à l'instance la charge des frais qu'elles ont exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : Les requêtes n° 16MA01380 et 17MA02546 présentées par la commune du Lavandou et la requête n° 17MA02816 présentée par Mme C... sont rejetées.
Article 2 : Les conclusions présentées, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, par la commune du Lavandou dans l'instance n° 17MA02816 et par Mme C...dans les instances n° 16MA01380 et 17MA02546 sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune du Lavandou et à Mme A...C....
Délibéré après l'audience du 10 avril 2018, où siégeaient :
- Mme Buccafurri, présidente,
- M. Portail, président-assesseur,
- Mme Busidan, première conseillère.
Lu en audience publique, le 20 avril 2018.
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N° 16MA01380, 17MA02546, 17MA02816