Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 13 septembre 2020, et un mémoire complémentaire, enregistré le 30 septembre 2020, M. A... C..., représenté par Me D..., demande au juge des référés :
1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de l'arrêté du 17 janvier 2020 du préfet du Gard ;
2°) d'ordonner au préfet du Gard de produire l'avis de la commission du titre de séjour du 25 janvier 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Gard de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, dans le délai de 10 jours à compter de l'ordonnance à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2000 euros application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
En ce qui concerne l'urgence :
- le refus de renouvellement de sa carte de résident crée une présomption d'urgence ;
- l'exécution du jugement de première instance rejetant sa demande d'annulation est possible à tout moment alors qu'il vit en France depuis 18 ans et y a toute sa famille ;
- l'exécution de l'arrêté du préfet du Gard entrainerait pour lui des conséquences irréparables dans la mesure où il est parent d'enfant français ;
- elle méconnaîtrait la chose jugée par la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nîmes qui lui interdit de sortir du territoire.
- sa demande de renouvellement de sa carte de résident n'a jamais été classée sans suite, ainsi que cela ressort des pièces versées en défense sur lesquelles la date de remise a été grossièrement modifiée, de sorte que l'urgence est présumée.
En ce qui concerner la légalité de la décision attaquée :
- cette décision méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale sur les droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste des conséquences qu'elle comporte pour sa situation personnelle ;
- elle une porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'obligation de quitter le territoire est incompatible avec son contrôle judiciaire ;
- sa situation n'a pas fait l'objet d'un examen complet et sérieux dès lors que sa situation a été appréciée sur la base des dispositions applicables à une première demande de titre de séjour ;
- elle est entachée d'erreur de droit dès lors que le préfet a examiné la demande sur un autre fondement que celui sur lequel il avait été saisi ;
- le préfet ne pouvait opposer le motif tiré de ce que sa présence représente une menace pour l'ordre public en se fondant sur l'article L. 313-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à une demande de renouvellement de carte de résident sans erreur de droit.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 17 septembre et le 1er octobre 2020 le préfet du Gard, conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la demande de titre de séjour présente le caractère d'une première demande de sorte que l'urgence n'est pas présumée et en l'espèce n'est pas démontrée ;
- aucun de moyen invoqués n'est propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée.
Le préfet du Gard a produit l'avis de la commission du titre de séjour du 25 janvier 2019, qui a été enregistré le 29 septembre 2020.
Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative que le juge des référés était susceptible de relever d'office, l'irrecevabilité des conclusions dirigées contre l'article 2 de l'arrêté du préfet du Gard du 17 janvier 2020 faisant obligation à M. A... C... de quitter le territoire, dès lors qu'eu égard aux caractéristiques de la procédure d'éloignement définie aux articles L. 512-1 et L. 512-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une obligation de quitter le territoire n'est pas justiciable de la procédure instituée par l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La présidente de la Cour a désigné M. B..., président, pour statuer sur les demandes de référé.
Vu :
- la requête à fin d'annulation, enregistrée le 13 septembre 2020 sous le n° 20MA03503 ;
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique du 1er octobre 2020 :
- le rapport de M. B..., juge des référés ;
- les observations de Me D..., représentant M. A... C... et de M. A... C... qui a maintenu ses conclusions et moyens et a souligné qu'il a adressé au préfet du Gard les pièces demandées à la suite de sa demande de renouvellement de sa carte de résident par l'intermédiaire de la Cimade dès 2016, qu'il n'a déposé aucun document à la préfecture le 27 juin 2018, que la décision attaquée le prive du droit travailler alors qu'il dispose de perspectives concrètes, que le fait de travailler constitue une obligation liée à son contrôle judiciaire, et qu'il ne pouvait se rendre à la préfecture tant qu'il était sous mandat de dépôt, aucune permission n'étant délivrée dans une telle situation.
A l'issue de l'audience, la clôture de l'instruction a été repoussée au 2 octobre 2020 à 0h en application de l'article R. 522-8 du code de justice administrative ;
M. A... C... a produit des pièces enregistrées le 1er octobre à 20h35.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 13 août 2020, le préfet du Gard a refusé de délivrer à M. A... C..., ressortissant marocain, un titre de séjour sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en qualité de parent d'enfant français, pour motif d'ordre public, l'a obligé à quitter le territoire et a fixé le pays de destination en cas d'exécution d'office de la mesure d'éloignement. M. A... C... a formé à son encontre un recours pour excès de pouvoir, rejeté par un jugement du tribunal administratif de Nîmes du 13 août 2020, dont il a relevé appel. Il demande au juge des référés de la Cour, à titre principal, d'ordonner la suspension de l'exécution de l'arrêté du 13 août 2020.
2. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état de moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (...) ".
Sur le refus de titre de séjour :
3. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés, saisi d'une demande de suspension d'une décision refusant la délivrance d'un titre de séjour ou le bénéfice d'une mesure de regroupement familial, d'apprécier et de motiver l'urgence compte tenu de l'incidence immédiate de cette décision sur la situation concrète de l'intéressé. Toutefois, cette condition d'urgence est en principe constatée dans le cas du retrait ou du refus de renouvellement d'un titre de séjour.
4. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que M. A... C..., alors en détention provisoire, a demandé, par un courrier parvenu à la préfecture du Gard le 11 mars 2016, le renouvellement de la carte de résident dont il était titulaire. Par lettre du 7 avril 2016, le préfet du Gard lui a demandé de produire des éléments complémentaires. M. A... C... soutient avoir transmis les pièces manquantes par l'intermédiaire de la Cimade le 6 juin 2016. Le dossier de demande de titre de séjour de M. A... C... produit par le préfet du Gard contient des documents manuscrits, dont il n'est pas contesté qu'ils émanent de M. A... C..., datés de juin 2016 et comportant une surcharge manuscrite qui n'est pas de son fait, faisant apparaître la date du 27 juillet 2018, qui est celle où il s'est rendu à la préfecture. Toutefois, ces éléments ne permettent pas d'établir que M. A... C... avait produit les pièces qui lui étaient réclamées dès 2016. S'il a fait valoir à la barre qu'étant sous mandat de dépôt sans être condamné, il ne pouvait obtenir de permission pour se rendre en préfecture avant son élargissement le 18 avril 2018, il ne justifie pas du dépôt de pièces par la Cimade pour son compte auprès de la préfecture, ni d'aucune démarche à l'occasion de laquelle il aurait manifesté le souhait de compléter son dossier avant le 22 juin 2018, date à laquelle il a demandé un rendez-vous en préfecture. Dans ces conditions, en l'état de l'instruction, le préfet du Gard était fondé à estimer que la carte de résident de M. A... C... était périmée lorsque M. A... C... a demandé rendez-vous le 22 juin 2018 et lorsqu'il s'est présenté en préfecture le 27 juillet 2018 et que sa demande de titre de séjour présentait le caractère d'une première demande.
5. Pour justifier de l'urgence à suspendre le refus de lui délivrer un titre de séjour, M. A... C... fait valoir qu'il risque d'être séparé de sa compagne, de sa fille française née d'une première union qu'il voit régulièrement et de l'ensemble des membres de sa famille de nationalité française ou résidant régulièrement en France, où lui-même est entré en 2002 à l'âge de 14 ans. Toutefois, le refus litigieux n'emporte pas, par lui-même, éloignement de l'intéressé, une telle mesure faisant l'objet d'une décision distincte. Il n'a donc pas pour effet de séparer M. A... C... des membres de sa famille. Il ne modifie pas, compte tenu de ce qui a été dit au point 4, la situation administrative dans laquelle il se trouvait avant son intervention. Il vit chez sa compagne qui subvient à ses besoins. Si le refus litigieux lui interdit d'exercer une activité professionnelle, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette circonstance serait de nature à remettre en cause la décision de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Nîmes ordonnant sa remise en liberté. Enfin, il ne le prive pas de toute possibilité de manifester concrètement sa volonté de réinsertion. Il apparait ainsi, en l'état de l'instruction, que la condition d'urgence n'est pas remplie. Dès lors, la demande de M. A... C... tendant à la suspension de l'arrêté du préfet du Gard, en tant qu'il porte refus de titre de séjour, doit être rejetée.
Sur l'obligation de quitter le territoire :
6. Aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. _ L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement des 3°, 5°, 7° ou 8° du I de l'article L. 511-1 ou sur le fondement de l'article L. 511-3-1 et qui dispose du délai de départ volontaire mentionné au premier alinéa du II de l'article L. 511-1 ou au sixième alinéa de l'article L. 511-3-1 peut, dans le délai de trente jours suivant sa notification, demander au tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision relative au séjour (...) ". Aux termes de l'article L. 512-3 du même code : " (...) L'obligation de quitter le territoire français ne peut faire l'objet d'une exécution d'office (...) avant que le tribunal administratif n'ait statué s'il a été saisi (...) ".
7. Par les dispositions des articles L. 512-1 et L. 512-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de la procédure contentieuse régissant la contestation de la légalité des décisions relatives au séjour assorties d'une obligation de quitter le territoire français mentionnant le pays de destination et accompagnées, le cas échéant, d'une interdiction de retour sur le territoire français. Eu égard aux caractéristiques particulières de la procédure ainsi définie, une obligation de quitter le territoire français n'est justiciable de la procédure instituée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative ni devant le juge des référés du tribunal administratif ni devant celui de la cour administrative d'appel. Il en va autrement, dans le cas où les modalités selon lesquelles il est procédé à l'exécution d'une telle mesure relative à l'éloignement forcé d'un étranger emportent des effets qui, en raison de changements dans les circonstances de droit ou de fait survenus depuis l'intervention de cette mesure et après que le juge, saisi sur le fondement de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a statué ou que le délai prévu pour le saisir a expiré, excèdent ceux qui s'attachent normalement à sa mise à exécution.
8. M. A... C... ne fait pas état de changements dans les circonstances de droit ou de fait survenus depuis l'intervention de la mesure d'éloignement prise le 17 janvier 2020 par le préfet du Gard et le jugement du 13 août 2020 du tribunal administratif de Nîmes. La demande de suspension de l'obligation de quitter le territoire français ne peut, dès lors, qu'être rejetée comme irrecevable.
9. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fins de suspension, d'injonction et d'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
ORDONNE :
Article 1er : La requête de M. A... C... est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Gard.
Fait à Marseille, le 5 octobre 2020.
N°20MA03504 6