Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 22 décembre 2016, et un mémoire en réplique enregistré le 9 mars 2017, la société Colas Ile-de-France Normandie, représentée par MeB..., demande à la Cour :
A titre principal :
1°) d'annuler l'ordonnance du 6 décembre 2016 du juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;
2°) de condamner la commune de Vivier-au-Court à lui verser une provision de 77 721,45 euros à valoir sur le règlement du solde de la facture n° 61002490 du 29 novembre 2012, assortie des intérêts de retard à compter du 2 décembre 2012 et de procéder à la capitalisation de ces intérêts ;
3°) de rejeter la demande reconventionnelle de la commune de Vivier-au-Court ;
A titre subsidiaire :
4°) de condamner la commune de Vivier-au-Court à lui verser une provision de 103 562,23 euros à valoir sur le règlement du solde de la facture n° 61002490 du 29 novembre 2012, assortie des intérêts de retard à compter du 2 décembre 2012 et de procéder à la capitalisation de ces intérêts ;
En tout état de cause :
5°) de mettre à la charge de la commune de Vivier-au-Court une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
Sur ses conclusions d'appel :
- l'appréciation du premier juge est entachée d'une erreur de fait ;
- la facture n° 61002490 du 29 novembre 2012 a été présentée au maître d'ouvrage et au maître d'oeuvre ;
- l'ordonnance attaquée est insuffisamment motivée ;
- l'obligation à la charge de la commune n'est pas sérieusement contestable ;
- il demeure une somme impayée de 77 721,45 euros sur la facture n° 61002490 du 29 novembre 2012 ;
- cette somme doit être fixée à 103 562,23 euros au cas où il serait considéré que le règlement versé par la commune le 2 avril 2014, d'un montant de 25 840,78 euros, n'avait pas à être imputée sur la facture du 29 novembre 2012 ;
- le maître d'ouvrage est tenu de payer directement le sous-traitant, à défaut de refus opposé par le titulaire du marché ;
- la commune ne saurait fonder son refus de la régler sur les faits que la réception aurait été prononcée avec réserves et que les sommes sollicitées auraient été payées par erreur au titulaire du marché ;
- une éventuelle faute du maître d'oeuvre dans l'établissement du décompte mensuel ne saurait lui être opposable ;
- le fait que le décompte général du marché litigieux soit devenu définitif sans que les sommes qui lui sont dues aient été prises en compte ne lui est pas opposable en tant que sous-traitant ;
Sur les conclusions reconventionnelles de la commune de Vivier-au-Court :
- le versement de la somme dont la commune sollicite le remboursement est intervenu plus d'un an après qu'elle a été informée de la régularisation opérée par la société Lesueur TP ;
- la commune ne saurait prétendre obtenir le remboursement d'une somme qui lui a déjà été remboursée ;
- la somme litigieuse a été intégrée au débit de la société Lesueur dans le décompte général établi par le maître d'ouvrage ;
Par des mémoires en défense, enregistrés les 16 février et 30 mars 2017, la commune de Vivier-au-Court, représentée par MeA..., demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête de la société Colas Ile-de-France Normandie ;
2°) d'infirmer l'ordonnance du 6 décembre 2016 du juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en ce qu'elle a rejeté sa demande reconventionnelle ;
3°) de condamner la société Colas Ile-de-France Normandie à lui verser la somme de 25 840,78 euros correspondant au montant d'un trop-perçu ;
A titre subsidiaire :
4°) de déclarer la demande présentée la société Colas Ile-de-France Normandie irrecevable ;
En tout état de cause :
5°) de mettre à la charge de la société Colas Ile-de-France Normandie une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
Sur l'appel de la société Colas Ile-de-France Normandie :
A titre principal :
- la société Colas Ile-de-France Normandie (IDFN) se contente de produire les mêmes éléments qu'en première instance pour attester la transmission de la facture n° 61002490 du 29 novembre 2012 ;
- le premier juge a considéré, selon son interprétation souveraine, que ces éléments ne suffisaient pas à établir que la facture litigieuse lui avait été effectivement transmise et n'a commis, ce faisant, aucune erreur de fait ni de qualification des faits ;
- l'ordonnance attaquée est parfaitement motivée ;
- la somme de 77 721,15 euros TTC réclamée par la société requérante fait partie de l'acompte n° 6 ;
- cet acompte intègre à la fois des travaux réalisés par la société Colas IDFN et la société Lesueur TP ;
- elle n'a jamais versé la somme de 103 532,23 euros par erreur à la société Lesueur TP ;
- l'interprétation de la procédure de paiement direct du sous-traitant faite par la société requérante est erronée ;
- il existe un différend entre la société Colas IDFN et la société Lesueur TP quant à la répartition des travaux entre ces deux entreprises ;
- les paiements qui lui étaient demandés ayant été réglés conformément aux pièces qui étaient en sa possession, la créance réclamée par la société requérante est sérieusement contestable ;
A titre subsidiaire :
- le juge des référés de la Cour ne pourra que constater que la demande de la société Colas IDFN est irrecevable ;
- le caractère définitif du décompte général s'oppose à ce que la société Colas IDFN puisse exercer une quelconque action à son encontre ;
Sur ses conclusions reconventionnelles :
- la société Colas IDFN a bénéficié d'un trop-perçu d'un montant de 25 840,78 euros du fait d'un double paiement de sa part et de la part de la société Lesueur TP pour les mêmes travaux ;
- ce trop-perçu n'est pas contestable ni même contesté ;
- elle apporte l'ensemble des éléments attestant ce trop-perçu ;
- la somme correspondant au trop-perçu figure bien au décompte général et définitif de la société Lesueur TP, mais son remboursement n'a pas été exécuté ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 modifiée relative à la sous-traitance ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
1. La commune de Vivier-au-Court a passé un marché public en vue de la construction d'un complexe sportif et d'une salle des fêtes dont le lot n° 18 " Terrassements, voirie et aménagement des extérieurs " a été attribué à la société Lesueur TP. Cette société a sous-traité, le 15 avril 2011, une partie de son marché à la société Jouen, société qui a fait l'objet, le 30 juin 2011, d'une transmission universelle de patrimoine à la société SCREG Ile-de-France Normandie (SCREG IDFN). La commune de Vivier-au-Court a, par un acte spécial du 16 novembre 2011, accepté la société SCREG IDFN comme sous-traitant et agréé ses conditions de paiement, pour une somme totale de 253 521 euros HT. Un avenant n° 1 au contrat de sous-traitance en date du 27 novembre 2012 a porté la somme sous-traitée à 445 727,75 euros HT. Le 22 février 2013, la société Colas Ile-de-France Normandie (Colas IDFN) a été substituée à la société SCREG IDFN en qualité de sous-traitant et ses conditions de paiement direct ont été agréées par la commune pour le même montant.
2. La société Colas IDFN a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'une demande tendant à la condamnation de la commune de Vivier-au-Court à lui verser, à titre de provision, les sommes de 77 721,45 euros, 19 864,97 euros et 9 815,28 euros relatives à des factures des 29 novembre 2012, 28 juin 2013 et 30 juillet 2013 au titre du paiement direct pour des travaux effectués en sa qualité de sous-traitant. La société Colas IDFN interjette appel de l'ordonnance du 6 décembre 2016 en tant que le juge des référés a rejeté sa demande de provision relative à la facture du 29 novembre 2012 . Par des conclusions d'appel incident la commune de Vivier-au-Court demande la réformation de l'ordonnance attaquée en tant qu'elle a rejeté ses conclusions reconventionnelles.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
3. Contrairement à ce que soutient la société requérante, le juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, qui n'avait pas à répondre à l'ensemble de ses arguments, a indiqué précisément les motifs sur lesquels il s'est fondé pour estimer que l'existence des obligations invoquées, notamment celle relative à la facture du 29 novembre 2012, ne pouvait être regardée comme non sérieusement contestable. Dès lors, l'ordonnance attaquée est suffisamment motivée.
Sur le bien-fondé de l'ordonnance attaquée :
4. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. (...) ". Il résulte de ces dispositions que pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude. Dans ce cas, le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état. Dans l'hypothèse où l'évaluation du montant de la provision résultant de cette obligation est incertaine, le juge des référés ne doit allouer de provision, le cas échéant assortie d'une garantie, que pour la fraction de ce montant qui lui paraît revêtir un caractère de certitude suffisant.
En ce qui concerne l'appel principal de la société Colas IDFN :
5. Aux termes de l'article 116 du code des marchés publics alors applicable : " Le sous-traitant adresse sa demande de paiement libellé au nom du pouvoir adjudicateur au titulaire du marché, sous pli recommandé avec accusé de réception, ou la dépose auprès du titulaire contre récépissé. / Le titulaire dispose d'un délai de quinze jours à compter de la signature de l'accusé de réception ou du récépissé pour donner son accord ou notifier un refus, d'une part, au sous-traitant et, d'autre part, au pouvoir adjudicateur ou à la personne désignée par lui dans le marché. / Le sous-traitant adresse également sa demande de paiement au pouvoir adjudicateur ou à la personne désignée dans le marché par le pouvoir adjudicateur, accompagné des factures et de l'accusé de réception ou du récépissé attestant que le titulaire a bien reçu la demande ou de l'avis postal attestant que le pli a été refusé ou n'a pas été réclamé. / Le pouvoir adjudicateur ou la personne désignée par lui dans le marché adresse sans délai au titulaire une copie des factures produite par le sous-traitant. / Le pouvoir adjudicateur procède au paiement du sous-traitant dans le délai prévu par l'article 98. Ce délai court à compter de la réception par le pouvoir adjudicateur de l'accord, total ou partiel du titulaire sur le paiement demandé, ou de l'expiration du délai mentionné au deuxième alinéa si, pendant ce délai, le titulaire n'a notifié aucun accord ni aucun refus, ou encore de la réception par le pouvoir adjudicateur de l'avis postal mentionné au troisième alinéa. / Le pouvoir adjudicateur informe le titulaire des paiements qu'il effectue au sous-traitant ".
6. Il résulte de l'instruction que, par un courrier réceptionné le 3 décembre 2012, la société SCREG IDFN, à laquelle s'est substituée la société Colas IDFN, a adressé à la société Lesueur TP, une facture du 29 novembre 2012 d'un montant de 230 324,90 euros TTC, correspondant à une situation n° 1. Le 23 janvier 2013, le maître d'oeuvre a validé une facture présentée par la société Lesueur TP, correspondant à sa situation n° 6, pour un montant de 235 399,23 euros TTC et une attestation de paiement direct en faveur de la société SCREG IDFN pour un montant de 126 762,67 euros TTC, réglé par la commune. Par courrier du 18 février 2013, complété par un courrier du 26 février suivant de la société Colas IDFN, la société SCREG IDFN a saisi le maître d'ouvrage d'une demande d'action directe, notamment pour le règlement d'une somme d'un montant de 103 562,23 euros TTC correspondant à la différence entre sa facture du 29 novembre 2012 et le règlement effectué par la commune.
7. En se fondant sur une analyse de la situation entre les sociétés SCREG IDFN et Lesueur TP, dressée le 1er août 2013 par le bureau d'études en charge de l'ordonnancement, du pilotage et de la coordination de l'opération, la société Colas IDFN soutient que la répartition du paiement entre le mandataire et le sous-traitant mentionnée dans la situation n° 6 établie par la société Lesueur est inexacte et que la part revenant à l'entreprise SCREG IDFN est de 230 324,90 euros et non de 126 762,67 euros TTC. Elle en déduit qu'elle détient à l'encontre de la commune Vivier-au-Court, maître d'ouvrage, une créance de 103 562,23 euros TTC correspondant au trop-perçu par la société Lesueur TP.
8. Toutefois, il ressort de l'instruction que, le détail de la répartition des prestations entre le mandataire et le sous-traitant, relative à la situation de travaux en cause, n'ayant été à l'origine communiqué ni au maitre d'oeuvre ni au maître d'ouvrage, la vérification du bien-fondé de cette répartition n'a pas été possible lors du paiement, alors qu'il est constant que la société SCREG IDFN n'a pas joint à la demande de paiement relative à sa situation n°1 adressée au pouvoir adjudicateur, la facture du 29 novembre 2012 qui aurait permis à celui-ci de disposer des documents nécessaires pour réaliser la répartition convenue. Contrairement à ce que soutient la société requérante, aucune disposition n'impose au maitre d'ouvrage de demander la communication de la ou des facture (s) qui, en application de l'article 116 du code des marchés alors en vigueur, doivent être jointes à la demande de paiement. Enfin, l'argument selon lequel la commune aurait eu la possibilité de régulariser l'erreur commise en retenant sur les acomptes suivants la somme litigieuse versée à tort à la société Lesueur TP ne présente pas, en l'état de l'instruction, un caractère de certitude suffisant pour être retenu par le juge du référé provision.
9. Dans ces conditions, l'obligation dont se prévaut la société Colas IDFN à l'encontre de la commune de Vivier-au-Court ne saurait être regardée comme présentant un caractère non sérieusement contestable. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande présentée au titre de la facture du 29 novembre 2012.
En ce qui concerne l'appel incident de la commune de Vivier-au-Court :
10. La commune de Vivier-au-Court soutient que, dans le cadre du paiement de l'acompte mensuel n° 5, elle a versé par erreur à la société Lesueur TP, qui a également réglé cette somme à son sous-traitant, une somme de 25 840,78 euros qui revenait à la société Colas IDFN. Ayant finalement versé ladite somme à la société Colas IDFN, la commune fait valoir que celle-ci a bénéficié, pour les mêmes travaux, d'un double paiement constituant un trop-perçu dont elle demande le remboursement.
11. Toutefois, compte tenu de l'erreur commise par le maître d'ouvrage dans le règlement de l'acompte mensuel n° 5, il revenait à celui-ci, comme il l'a d'ailleurs fait, de réclamer le remboursement de la somme à la société Lesueur TP et non à la société Colas IDFN. Il ne ressort pas de l'instruction que cette entreprise n'aurait pas procédé à ce remboursement. Dès lors, l'obligation dont se prévaut la commune de Vivier-au-Court à l'encontre de la société Colas IDFN, au titre du trop-perçu litigieux, ne revêt pas de caractère non sérieusement contestable au sens des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative.
12. La commune de Vivier-au-Court n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ses conclusions reconventionnelles.
Sur les conclusions rendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Vivier-au-Court, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société Colas IDFN demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de la société Colas IDFN une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Vivier-au-Court.
ORDONNE :
Article 1er : La requête de la société Colas IDFN est rejetée.
Article 2 : Les conclusions d'appel incident de la commune de Vivier-au-Court sont rejetées.
Article 3 : La société Colas IDFN versera à la commune de Vivier-au-Court une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à SAS Colas Ile-de-France Normandie et à la commune de Vivier-au-Court.
Fait à Nancy, le 12 avril 2017.
La présidente de la Cour
Signé : Françoise SICHLER
La République mande et ordonne au préfet des Ardennes, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
Pour expédition conforme
Le Greffier,
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16NC02850