Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée sous le n°18NC02452 le 7 septembre 2018, la commune de Blénod-les-Pont-à-Mousson, représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 10 juillet 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle du 13 octobre 2017 ;
3°) d'annuler la décision du préfet de Meurthe-et-Moselle du 19 décembre 2017 ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le tribunal administratif a jugé que la question prioritaire de constitutionnalité soulevée ne présentait pas de caractère sérieux et qu'il n'y avait donc pas lieu de la transmettre au Conseil d'Etat ;
- les dispositions de l'article L. 2334-7-3 du code général des collectivités territoriales sont contraires aux articles 4 et 9 de la charte européenne de l'autonomie locale du 15 octobre 1985, dès lors qu'elles l'empêchent de disposer librement de la totalité de ses ressources propres, que le prélèvement est destiné à réduire le déficit du budget de l'Etat et qu'elles ne prévoient aucun plafonnement par rapport aux recettes réelles de fonctionnement.
La requête a été communiquée au ministre de l'intérieur, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Par ordonnance du 21 octobre 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 13 novembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution ;
- la charte européenne de l'autonomie locale ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Favret, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., pour la commune de Blénod-les-Pont-à-Mousson.
Considérant ce qui suit :
1. Le ministre de l'intérieur et le ministre de l'action et des comptes publics ont, par un arrêté du 21 août 2017, en application des dispositions de l'article L. 2334-7-3 du code général des collectivités territoriales, déterminé la liste des communes dont la dotation forfaitaire versée par l'Etat devait être minorée au titre de l'année 2017 au titre de la contribution au redressement des finances publiques. La commune de Blénod-les-Pont-à-Mousson figurant sur cette liste, le préfet de Meurthe-et-Moselle a, par un arrêté du 13 octobre 2017, fixé à la somme de 66 671 euros le montant du prélèvement sur ses recettes fiscales qui devait ainsi être opéré. Cette commune fait appel du jugement du 10 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté et de la décision du 19 décembre 2017 portant rejet de son recours gracieux.
Sur le refus de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité posée devant les premiers juges :
2. Aux termes de l'article R. 771-12 du code de justice administrative : " Lorsque, en application du dernier alinéa de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, l'une des parties entend contester, à l'appui d'un appel formé contre la décision qui règle tout ou partie du litige, le refus de transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité opposé par le premier juge, il lui appartient, à peine d'irrecevabilité, de présenter cette contestation avant l'expiration du délai d'appel dans un mémoire distinct et motivé, accompagné d'une copie de la décision de refus de transmission. La contestation du refus de transmission par la voie du recours incident doit, de même, faire l'objet d'un mémoire distinct et motivé, accompagné d'une copie de la décision de refus de transmission ". Il résulte de ces dispositions que lorsqu'un tribunal administratif a refusé de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité qui lui a été soumise, il appartient à l'auteur de cette question de contester ce refus à l'occasion de l'appel formé contre le jugement qui statue sur le litige, dans le délai d'appel et par un mémoire distinct et motivé, que le refus de transmission précédemment opposé l'ait été par une décision distincte du jugement, dont il joint alors une copie, ou directement par ce jugement.
3. Il est constant que la contestation, par la commune de Blénod-les-Pont-à-Mousson, du refus de transmission au Conseil d'Etat, par le jugement attaqué, de la question prioritaire de constitutionnalité qu'elle avait soulevée devant le tribunal administratif de Nancy et tirée de ce que les dispositions de l'article L. 2334-7-3 du code général des collectivités territoriales porteraient atteinte au principe de libre administration et d'autonomie financière des collectivités territoriales, n'a pas été présentée par un mémoire distinct de sa requête d'appel. Cette contestation n'est, par suite, pas recevable.
Sur la légalité de l'arrêté du 13 octobre 2017 et de la décision du 19 décembre 2017 :
4. Aux termes de l'article L. 2334-7-3 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté préfectoral contesté : " En 2014, le montant de la dotation forfaitaire des communes de métropole et des communes des départements d'outre-mer, à l'exception de celles du Département de Mayotte, est minoré d'un montant de 588 millions d'euros(...). En 2017, cette dotation est minorée de 725 millions d'euros. Cette minoration est répartie entre les communes au prorata des recettes réelles de fonctionnement de leur budget principal, minorées des atténuations de produits, des recettes exceptionnelles et du produit des mises à disposition de personnel facturées dans le cadre de mutualisation de services entre l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre et ses communes membres, telles que constatées au 1er janvier de l'année de répartition dans les derniers comptes de gestion disponibles(...). Si, pour une commune, la minoration excède le montant perçu au titre de la dotation forfaitaire, la différence est prélevée sur les compensations mentionnées au III de l'article 37 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014 ou, à défaut, sur les douzièmes prévus à l'article L. 2332-2 et au II de l'article 46 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006 de la commune. Si, pour une commune, ce prélèvement était déjà opéré en 2016, il s'ajoute à cette différence ".
5. En premier lieu, aux termes de l'article 4 de la charte européenne de l'autonomie locale : " (...) 4. Les compétences confiées aux collectivités locales doivent être normalement pleines et entières. Elles ne peuvent être mises en cause ou limitées par une autre autorité, centrale ou régionale, que dans le cadre de la loi. (...) 6. Les collectivités locales doivent être consultées, autant qu'il est possible, en temps utile et de façon appropriée, au cours des processus de planification et de décision pour toutes les questions qui les concernent directement ".
6. Si, en vertu des dispositions de l'article 55 de la Constitution, le juge devant lequel un acte administratif est contesté au motif que les dispositions législatives dont il fait application sont contraires à une norme juridique contenue dans un traité ou un accord régulièrement introduit dans l'ordre juridique interne est habilité à écarter l'application de celle-ci, il ne peut être utilement saisi d'un moyen tiré de ce que la procédure d'adoption de la loi n'aurait pas été conforme aux stipulations d'un tel traité ou accord. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance du paragraphe 6 de l'article 4 de la charte européenne de l'autonomie locale doit, en tout état de cause, être écarté.
7. En second lieu, aux termes de l'article 9 de la charte européenne de l'autonomie locale : " 1. Les collectivités locales ont droit, dans le cadre de la politique économique nationale, à des ressources propres suffisantes dont elles peuvent disposer librement dans l'exercice de leurs compétences. (...) 4. Les systèmes financiers sur lesquels reposent les ressources dont disposent les collectivités locales doivent être de nature suffisamment diversifiée et évolutive pour leur permettre de suivre, autant que possible dans la pratique, l'évolution réelle des coûts de l'exercice de leurs compétences. (...) ".
8. Ces stipulations ne s'opposent pas à ce que, dans un but d'intérêt général, les collectivités locales soient appelées à contribuer à un effort visant au redressement des finances publiques nationales. En adoptant les dispositions de l'article L. 2334-7-3 du code général des collectivités territoriales, le législateur a entendu faire contribuer les communes à l'effort de réduction des déficits publics à due proportion de leurs recettes de fonctionnement respectives. Quand bien même, au titre d'une année donnée, le calcul de cette contribution se traduirait, au-delà d'une réduction voire d'une suppression de la dotation forfaitaire, par une diminution des recettes fiscales reversées par l'Etat, un tel mécanisme qui tient compte des recettes de fonctionnement constatées la même année ne saurait, de ce seul fait, caractériser une atteinte à l'autonomie financière de la collectivité concernée et au libre exercice de leurs compétence, au sens des stipulations précitées de l'article 9 de la charte européenne de l'autonomie locale.
9. Il résulte de ce qui précède que la commune de Blénod-lès-Pont-à-Mousson n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 octobre 2017 et de la décision du 19 décembre 2017.
Sur les frais liés à l'instance :
10. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la commune de Blénod-les-Pont-à-Mousson demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Blénod-les-Pont-à-Mousson est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Blénod-les-Pont-à-Mousson et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.
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N° 18NC02452