Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée sous le n° 18NC03358 le 14 décembre 2018, M. C... A..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 4 octobre 2018 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 2 février 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour, subsidiairement, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour en l'attente de ce réexamen, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous une astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) subsidiairement, d'enjoindre, avant dire droit, à l'administration de lui communiquer le rapport établi par le docteur Sébille le 31 octobre 2017 ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me B... de la somme de 2 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet1991.
Il soutient que :
S'agissant de la décision de refus de séjour :
- la décision contestée est entachée d'un vice de procédure, dès lors qu'on ne connaît pas la date de transmission du rapport du médecin instructeur au collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;
- elle méconnait les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors que son état de santé nécessite des soins dont le défaut peut entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;
- le rapport du médecin instructeur ne lui a pas été communiqué ;
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;
- elle méconnait les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que son état de santé nécessite des soins dont le défaut peut entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que l'avis de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ne se prononce pas sur l'existence d'un traitement approprié dans le pays d'origine ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnait les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour les mêmes raisons.
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- elle méconnait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il risque d'être soumis à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine, du fait de son homosexualité ;
- le préfet s'est estimé en situation de compétence liée.
La requête a été communiquée au préfet du Bas-Rhin, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 22 novembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Favret, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... A..., ressortissant guinéen, né en 1995, est entré irrégulièrement en France le 1er mars 2015, selon ses déclarations. Le 6 juin 2016, il a sollicité le statut de réfugié. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 31 octobre 2016, confirmée, le 3 février 2017, par la Cour nationale du droit d'asile. Le 9 mai 2017, M. A... a sollicité son admission au séjour en raison de son état de santé. Par un arrêté du 2 février 2018, le préfet du Bas-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. Par le jugement attaqué du 4 octobre 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande de M. A... tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / Les orientations générales mentionnées à la quatrième phrase du 11° de l'article L. 313-11 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22 (...) Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. ".
3. Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 pris pour l'application des dispositions précitées : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège. ".
4. Il ressort des pièces produites par le préfet du Bas-Rhin devant le tribunal administratif de Strasbourg que le rapport médical sur l'état de santé de M. A... prévu à l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été établi par le docteur Sébille qui n'a pas siégé au sein du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), composé des docteurs Coulonges, Bantman et Mbomeyo, et ayant rendu l'avis du 8 décembre 2017 transmis au préfet du Bas-Rhin. Il ne résulte pas des dispositions citées aux points 2 et 3 que l'avis du collège des médecins de l'OFII devrait comporter l'indication de la date à laquelle le rapport du médecin instructeur a été transmis à ce collège. En outre, ce collège a estimé, dans son avis du 8 décembre 2017, que si l'état de santé de M. A... nécessitait une prise en charge médicale, le défaut de celle-ci ne devrait pas entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il pouvait voyager sans risque vers son pays d'origine. Dans ces conditions, le collège n'était pas tenu de se prononcer sur la possibilité pour M. A... de bénéficier d'un accès effectif à un traitement approprié dans son pays d'origine. Il en résulte que le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure consultative prévues par les dispositions des articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...). La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".
6. Il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande au titre des dispositions du 11° de l'article L. 313-11, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin mentionné à l'article R. 313-22, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Elle doit alors, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
7. Il ressort des pièces du dossier que M. A... souffre d'un syndrome anxio-dépressif résistant de nature traumatique, pour lequel il suit un traitement régulier depuis juin 2015. Pour refuser à M. A... le titre de séjour qu'il avait sollicité pour des raisons de santé, le préfet du Bas-Rhin s'est fondé notamment sur l'avis du 8 décembre 2017 par lequel le collège des médecins de l'OFII a estimé que l'état de santé de l'intéressé nécessitait une prise en charge médicale, mais que le défaut d'une telle prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que M. A... pouvait voyager sans risque. Les pièces produites par le requérant, notamment le certificat médical du 27 mai 2017 dans lequel le docteur Piret, psychiatre, se borne à indiquer que " le traitement est nécessaire en raison de la gravité du syndrome dépressif, la nature traumatique des symptômes et des risques de complications qu'il entraine ", sans faire état de conséquences d'une exceptionnelle gravité en cas d'arrêt de la prise en charge médicale, ne permettent pas de remettre en cause l'appréciation portée, au vu de cet avis, par le préfet du Bas-Rhin.
8. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner avant dire droit la communication à l'intéressé du rapport du docteur Sébille, que le préfet n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de délivrer à M. A... une carte de séjour au regard de son état de santé et que, pour les mêmes motifs, le moyen tiré de qu'il aurait commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation de l'intéressé doit être écarté.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
9. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à invoquer, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision refusant de lui accorder un titre de séjour, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision l'obligeant à quitter le territoire.
10. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 4 et 7 du présent arrêt, le préfet du Bas-Rhin n'a pas méconnu les dispositions du 11° de l'articles L. 313-11 et du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni entaché sa décision portant obligation de quitter le territoire français d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur la légalité de la décision fixant le pays d'éloignement :
11. En premier lieu, aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des traitements inhumains ou dégradants ".
12. Si le requérant soutient qu'il risque d'être soumis à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour en Guinée, du fait de son orientation sexuelle et s'il est avéré, au regard de l'attitude des autorités de Guinée et de la législation en vigueur dans ce pays, que les personnes homosexuelles sont effectivement susceptibles de subir des discriminations et des mauvais traitements à raison de cette orientation, il incombe néanmoins au juge administratif, sans pour autant exiger de l'intéressé qu'il apporte la preuve des faits qu'il avance et notamment de son orientation sexuelle, de forger sa conviction au vu des éléments précis et pertinents dont le requérant fait état à l'appui de ses écritures. Or, en l'espèce, les documents produits par M. A... ne suffisent pas, en raison notamment des contradictions et incertitudes qui entourent son identité, sa réelle situation familiale et le récit de son parcours antérieur, d'établir la réalité du risque allégué, dans l'hypothèse d'un retour en Guinée. Au surplus, ainsi qu'il a été dit au point 1 du présent arrêt, la demande d'asile de M. A... a été rejetée par une décision de l'OFPRA en date du 31 octobre 2016, confirmée par une décision de la CNDA en date du 3 février 2017. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations et dispositions précitées ne peut qu'être écarté.
13. En deuxième lieu, il ne ressort pas des termes de la décision attaquée que le préfet du Bas-Rhin se serait estimé en situation de compétence liée pour fixer le pays de destination.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 2 février 2018. Ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour, subsidiairement, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour en l'attente de ce réexamen, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous une astreinte de 100 euros par jour de retard doivent être rejetées, par voie de conséquence.
Sur les frais liés à l'instance :
15. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
16. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le conseil de M. A... demande au titre des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
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N° 18NC03358