Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée sous le n° 20NC03026 le 14 octobre 2020, M. B..., représenté par Me Gabon, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 29 mai 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Marne en date du 17 septembre 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet lui délivrer un titre de séjour pour raisons médicales et notamment un titre de séjour pour " vie privée et familiale " en application des 7° et 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, en application de l'article L. 911-3 du code de justice administrative ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;
- le préfet n'a pas procédé à l'examen individuel sa situation personnelle préalablement à l'édiction de l'arrêté attaqué ;
- la décision de refus de titre de séjour a été prise au terme d'une procédure irrégulière à défaut de saisine de la commission mentionnée à l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en méconnaissance du deuxième alinéa de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il n'est pas établi que le médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ait été saisi, ni que le collège des médecins était compétent pour rendre un avis sur sa situation, ni que les médecins sont dûment identifiés ; il n'est pas établi que la procédure décrite aux articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été respectée ;
- l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration est insuffisamment motivé ;
- le préfet s'est estimé à tort lié par l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;
- le préfet a commis une erreur d'appréciation en refusant de lui délivrer une carte de séjour en application du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a commis une erreur de fait et une erreur manifeste d'appréciation en refusant de lui délivrer une carte de séjour " vie privée et familiale " sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou de l'admettre exceptionnellement au séjour ;
- il n'a pas été mis en mesure d'être entendu et de présenter des observations préalablement à l'édiction de l'obligation de quitter le territoire, en méconnaissance du droit d'être entendu ;
- le préfet a commis une erreur de droit au regard du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en l'obligeant à quitter le territoire français ;
- l'obligation de quitter le territoire français porte atteinte à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet de la Marne, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 août 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le traité sur l'Union européenne ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Picque, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant cap verdien né le 11 novembre 1965, est arrivé en France en 1992, selon ses déclarations. Il a fait l'objet d'un premier refus de titre de séjour assorti d'une mesure d'éloignement au mois d'août 2016. Le 6 mai 2019, il a sollicité la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 17 septembre 2019, le préfet de la Marne a rejeté cette demande, obligé l'intéressé à de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays de destination. M. B... relève appel du jugement du 29 mai 2020 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les moyens soulevés à l'appui de la contestation de l'ensemble de l'arrêté attaqué :
2. En premier lieu, M. B... reprend en appel, sans apporter d'éléments nouveaux, le moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur de droit en ne procédant pas à l'examen individuel de sa situation personnel. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus, à bon droit, par les premiers juges.
3. En deuxième lieu, l'arrêté contesté énonce les considérations de droit et de faits, notamment celles relatives à l'état de santé et à la situation personnelle et familiale de M. B..., qui constituent le fondement de la décision refusant de délivrer un titre de séjour à l'intéressé. Dès lors, cette décision est suffisamment motivée. Conformément aux dispositions de l'avant-dernier alinéa du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable, la décision concomitante énonçant l'obligation de quitter le territoire français n'avait pas à faire l'objet d'une motivation distincte. Enfin, l'arrêté vise l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les stipulations de l'article 3 convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, précise que M. B... est de nationalité cap-verdienne et indique qu'il n'établit pas encourir des risques de peine ou traitement inhumains ou dégradants en cas de retour dans ce pays. Dès lors, la décision fixant le pays de destination est, elle aussi, suffisamment motivée. Par conséquent, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté attaqué doit être écarté.
Sur les moyens soulevés à l'appui de la contestation de la décision portant refus de séjour :
4. En premier lieu, M. B... reprend en appel, sans apporter d'éléments nouveaux, les moyens tirés de ce que le préfet aurait omis, avant de statuer sur son droit au séjour, de recueillir l'avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), de l'incompétence de ces trois médecins et du collège qu'ils forment, du non-respect de la procédure décrite aux articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'insuffisance de motivation de l'avis de l'OFII. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus, à bon droit, par les premiers juges.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. / (...) ".
6. Il ressort des pièces du dossier que, pour refuser de délivrer un titre de séjour à M. B... à raison de son état de santé, le préfet de la Marne s'est fondé sur l'avis du 29 août 2019 du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui a estimé que si l'état de santé de l'intéressé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il pouvait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Les certificats médicaux dont se prévaut M. B..., établis par des médecins spécialisés en date notamment des 26 juin, 10 juillet, 20 octobre 2017 et 22 mai 2020, indiquent qu'il a subi au mois d'octobre 2016 une craniectomie décompressive postérieure dans le cadre d'un accident vasculaire cérébral, dont il résulte des troubles de l'équilibre malgré une bonne récupération et pour lequel il bénéficie d'examens de contrôle réguliers. Cependant, ces certificats ne précisent pas que le requérant ne pourrait pas bénéficier d'un traitement médical au Cap-Vert. Les documents généraux produits, se rapportant notamment au système sanitaire et de soins au Cap-Vert, ne permettent pas davantage d'établir que M. B... ne pourrait pas effectivement bénéficier, dans ce pays, à une prise en charge médicale appropriée à son état de santé. Par conséquent, c'est par une exacte application des dispositions 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le préfet de la Marne, qui ne s'est pas cru lié par l'avis de l'OFII, a refusé de lui délivrer un titre de séjour sur ce fondement.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 (...) ". Par ailleurs, selon l'article L. 313-14 du même code : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ".
8. Il résulte de ce qui a été dit au point 6 que M. B... ne remplit pas les conditions requises pour la délivrance d'un titre de séjour de plein droit sur le fondement de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il ait demandé son admission exceptionnelle au séjour en se prévalant d'une résidence habituelle en France supérieure à dix ans. Dans ces conditions, le préfet n'était pas tenu de saisir la commission mentionnée à l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile avant de statuer sur sa demande de titre de séjour. Par conséquent, le requérant ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance de la procédure prévue au dernier alinéa de l'article L. 313-14.
9. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... ait demandé un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni, ainsi qu'il vient d'être dit qu'il ait sollicité son admission exceptionnelle au séjour en se prévalant de l'article L. 313-14 du même code. L'autorité administrative, qui n'y était pas tenue, n'a pas examiné sa situation au regard de ces dispositions. Par suite, M. B... ne peut utilement s'en prévaloir.
Sur les moyens soulevés à l'appui de la contestation de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
10. En premier lieu, M. B... reprend en appel, sans apporter d'éléments nouveaux, le moyen tiré de la violation de son droit à être entendu préalablement à l'édiction de l'obligation de quitter le territoire français. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus, à bon droit, par les premiers juges.
11. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...) ".
12. Il résulte de ce qui a été dit au point 6 que le préfet n'a pas méconnu les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en faisant obligation à M. B... de quitter le territoire français.
13. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
14. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré irrégulièrement sur le territoire français en mars 1992, puis s'y est maintenu ensuite irrégulièrement, y compris après son mariage avec une ressortissante française la même année. Son mariage a été dissous par un jugement de divorce du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Reims du 24 avril 2002. S'il est le père de trois enfants de nationalité française, ceux-ci sont majeurs et il n'apporte aucune justification permettant d'apprécier l'existence, et, le cas échéant, l'intensité de la relation qu'il entretiendrait avec eux. Par ailleurs, M. B... ne justifie pas, ni même n'allègue, être dépourvu d'attaches familiales au Cap-Vert, où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de 27 ans. De plus, il a été incarcéré pour entre le 10 janvier 2001 et le 10 mars 2015 pour tentative d'assassinat sur la personne de son ex-épouse. Depuis sa libération, il exerce périodiquement une activité de maçon mais ne justifie pas avoir créé de nouvelles attaches personnelles en France. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, nonobstant l'ancienneté du séjour de l'intéressé, le préfet de la Marne n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts poursuivis par sa décision en l'obligeant à quitter le territoire français. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, dès lors, être écarté.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 décembre 2019. Ses conclusions à fin d'annulation, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, et celles qu'il présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, dès lors, être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Marne.
[DE1]Délai de 3 mois notifié sur jugement '
7
N° 20NC03026