Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 2 novembre 2020, et un mémoire complémentaire, enregistré le 22 juillet 2021, M. B... A..., représenté par Me Boukara, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2002029 du tribunal administratif de Strasbourg du 7 juillet 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 17 février 2020 ou, subsidiairement, de l'abroger ;
3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin, sous astreinte de cent euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour valable un an portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ou de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 400 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- le jugement de première instance est entaché d'une insuffisance de motivation ;
- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour est insuffisamment motivée au regard des exigences découlant de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision en litige est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;
- la décision est entachée d'une erreur de droit au regard des exigences de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur de fait ;
- elle méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise par une autorité incompétente ;
- la décision en litige est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;
- la décision porte atteinte à la vie privée et familiale et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- compte tenu de l'évolution de sa situation à la date de l'arrêt à intervenir, l'arrêté en litige est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les stipulations du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant et les dispositions de l'article 7 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 avril 2021, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par M. A... ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 septembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Meisse, premier conseiller,
- et les observations de Me Mengus substituant Me Boukara, pour M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A... est un ressortissant kosovar, né le 2 mars 1991. Il a déclaré être entré en France le 16 août 2018 sous couvert de son passeport revêtu d'un visa touristique. Le 8 octobre 2018, il a présenté une demande d'asile, qui a été successivement rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 14 décembre 2018, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 12 avril 2019. Le 9 octobre 2019, le requérant a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions, alors en vigueur, du 7° de l'article L. 313-111 et de l'article L. 313-14 de code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, par un arrêté du 17 février 2020, le préfet du Haut-Rhin a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière. M. A... a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 17 février 2020. Il relève appel du jugement n° 2002029 du 7 juillet 2020 qui rejette sa demande.
Sur la régularité du jugement :
2. Il ressort des pièces du dossier, spécialement du point 2 du jugement contesté, que les premiers juges ont suffisamment répondu au moyen de M. A... tiré du caractère insuffisamment motivé de la décision du 17 février 2020 portant refus de délivrance d'un titre de séjour. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que ce jugement serait entaché d'irrégularité en raison d'une insuffisance de motivation.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
3. En premier lieu, aux termes de du premier alinéa de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. ".
4. En présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels et, à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail ne saurait être regardé, par principe, comme attestant par là-même des motifs exceptionnels exigés par la loi. Il appartient en effet à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger, ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.
5. Il ressort des pièces du dossier que la décision en litige, après avoir fait mention des textes dont elle fait application, notamment l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, décrit le parcours en France et la situation familiale et personnelle de M. A..., relève que l'intéressé se prévaut d'une promesse d'embauche pour un emploi à durée indéterminée de décorateur d'intérieur, qu'il a obtenu un diplôme d'électricien le 14 janvier 2008 au Kosovo, qu'il a déclaré avoir travaillé cinq ans en cette qualité dans son pays d'origine et qu'il ne justifie d'aucune expérience professionnelle en France, et conclut que, au vu de ces différents éléments, son admission au séjour ne répond pas à des considérations humanitaires, ni se justifie au regard de motifs exceptionnels. Dans ces conditions, la décision, qui énonce, dans ses visas et motifs, les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, est suffisamment motivée.
6. En deuxième lieu, les énonciations de l'arrêté, rappelées au point précédent, permettent de vérifier que le préfet a procédé à un examen particulier de la situation personnelle du requérant, et qu'il n'a pas commis une erreur de droit au regard des dispositions du premier alinéa de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ".
8. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a épousé au Kosovo, le 20 avril 2015, une ressortissante serbe, titulaire en France d'une carte de séjour pluriannuelle, valable du 4 juillet 2019 au 3 juillet 2021. L'intéressé entrant dans les catégories qui ouvrent droit au regroupement familial, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté comme inopérant.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
10. En application de ces stipulations, il appartient à l'autorité administrative qui envisage de procéder à l'éloignement d'un ressortissant étranger en situation irrégulière d'apprécier si, eu égard notamment à la durée et aux conditions de son séjour en France, ainsi qu'à la nature et à l'ancienneté de ses liens familiaux sur le territoire français, l'atteinte que cette mesure porterait à sa vie familiale serait disproportionnée au regard des buts en vue desquels cette décision serait prise. La circonstance que l'étranger relèverait, à la date de cet examen, des catégories ouvrant droit au regroupement familial ne saurait, par elle-même, intervenir dans l'appréciation portée par l'administration sur la gravité de l'atteinte à la situation de l'intéressé. Cette dernière peut en revanche tenir compte le cas échéant, au titre des buts poursuivis par la mesure d'éloignement, de ce que le ressortissant étranger en cause ne pouvait légalement entrer en France pour y séjourner qu'au seul bénéfice du regroupement familial et qu'il n'a pas respecté cette procédure.
11. M. A... se prévaut de son mariage, le 20 avril 2015, avec une ressortissante serbe, titulaire d'une carte de séjour pluriannuelle, de l'ancienneté de cette union et de la stabilité de la communauté de vie entre lui et son épouse, enfin, de la naissance, postérieurement à la décision en litige, de sa fille à Mulhouse le 8 mars 2020. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le requérant n'est présent sur le territoire français depuis le 16 août 2018, soit depuis un an et six mois à la date de la décision en litige. S'il est vrai que son épouse est venue à plusieurs reprises lui rendre visite au Kosovo, il est constant que le couple a vécu séparé pendant plus de trois ans et aucune pièce du dossier ne permet d'expliquer les raisons et la durée d'une telle séparation. M. A..., qui ne parle pas français, ne justifie pas d'une intégration particulière en France. Il n'est pas isolé dans son pays d'origine, vivent notamment ses parents, son frère et sa sœur. La circonstance qu'il est bénéficiaire d'une promesse d'embauche datée du 19 août 2019, pour un emploi de décorateur d'intérieur, ne suffit pas à lui conférer un droit au séjour sur le territoire français. Par ailleurs, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne garantissent pas à l'étranger le droit de choisir le lieu qu'il estime le plus approprié pour y développer une vie privée et familiale, et il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que la cellule familiale de M. A... ne pourrait pas se reconstituer au Kosovo ou en Serbie. Si le requérant fait valoir sur ce point que la grand-mère de son épouse, qui est veuve et qui vit au domicile conjugal, est atteinte d'une infection de longue durée, il n'établit pas que la présence de son couple auprès de l'intéressée serait indispensable eu égard à la gravité de son état de santé. Enfin, contrairement aux allégations de M. A..., il n'appartient pas au juge de l'excès de pouvoir d'apprécier l'atteinte portée à sa vie privée et familiale en se plaçant à la date à laquelle il statue et en prenant en considérant les circonstances de droit et de fait survenus postérieurement à l'édiction de la décision administrative dont la légalité est contestée devant lui. Par suite, et alors qu'il n'est pas sérieusement contesté que le requérant ne pouvait légalement entrer en France pour y séjourner qu'au bénéfice d'une mesure de regroupement familial et qu'il n'a pas respecté cette procédure, il y a lieu d'écarter les moyens tirés respectivement de l'erreur de fait et de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
12. En cinquième lieu, eu égard à ce qui a été dit aux points 5 et 12 du présent arrêt et à supposer même que l'emploi de décorateur d'intérieur qu'il envisage d'exercer serait caractérisé dans le Haut-Rhin par des difficultés de recrutement, M. A... n'établit pas que son admission au séjour répondrait à des considérations humanitaires ou se justifierait au regard de motifs exceptionnels. Si le requérant se prévaut d'une nouvelle promesse d'embauche établie le 16 novembre 2020 par le même employeur pour un poste d'électricien, ce document, qui est postérieur à la décision en litige, est sans incidence sur sa légalité. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du premier alinéa de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.
13. En sixième lieu, compte tenu de ce qui précède, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle au regard du pouvoir de régularisation du préfet du Haut-Rhin.
14. En septième lieu, il est constant que, à la date de la décision en litige, la fille de M. A... n'était pas encore née. Par suite, et alors que le juge de l'excès de pouvoir apprécie la légalité des actes administratifs au vu des circonstances de droit et de fait existant à la date de leur édiction, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant est inopérant et il ne peut, dès lors, être accueilli.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
15. En premier lieu, eu égard à ce qui a déjà été dit, il y a lieu d'écarter les moyens tirés respectivement de ce que la décision en litige serait illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, de ce qu'elle serait contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de ce qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
16. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que la décision en litige du 17 février 2020 a été signée par M. Jean-Claude Geney, secrétaire général de la préfecture du Haut-Rhin. Or, par un arrêté du 16 septembre 2019, régulièrement publié le même jour au recueil spécial n° 16 des actes administratifs de la préfecture, le préfet du Haut-Rhin a consenti à l'intéressé une délégation de signature à l'effet de signer notamment tout arrêté ou décision relevant des attributions de l'Etat dans le département, à l'exception de certaines catégories d'actes au nombre desquels ne figurent pas les mesures concernant le séjour et l'éloignement des étrangers. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte manque en fait et il ne peut, dès lors, qu'être écarté.
17. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 17 février 2020, ni, subsidiairement, son abrogation, dès lors qu'il n'appartient pas au juge administratif de l'excès de pouvoir d'abroger une décision administrative. Par suite, il n'est pas davantage fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et ses conclusions à fin d'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.
N° 20NC03188 2