Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 11 avril 2021, M. E..., représenté par Me Airiau, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 11 mars 2021 en tant qu'il a rejeté ses conclusions contre l'arrêté du préfet du préfet de la Moselle du 27 février 2021 ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur la décision d'obligation de quitter le territoire :
- la décision est signée par une autorité incompétente ;
- la décision a été prise en méconnaissance du droit d'être entendu, garanti par les principes généraux du droit de l'Union européenne ;
- le préfet a manifestement inexactement apprécié sa situation au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur la décision fixant le pays de destination :
- la décision encourt l'annulation par exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire ;
Sur la décision portant interdiction de retour :
- la dispositif de la décision ne mentionne pas si la durée de l'interdiction se compte en jours ou en années, ce qui le prive de connaître précisément le contenu de son obligation ;
- le préfet a manifestement inexactement apprécié sa situation en fixant à deux ans la durée de cette mesure.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 août 2021, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 juillet 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Picque, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. E..., né le 12 juin 1990, de nationalité béninoise, est entré en France au mois de septembre 2014, selon ses déclarations. Il a bénéficié de titres de séjour comme étudiant jusqu'au 30 juin 2016 et fait l'objet d'une première mesure d'éloignement le 19 octobre 2018. Le préfet du Finistère l'a de nouveau obligé à quitter le territoire français par un arrêté du 30 janvier 2020. Par deux arrêtés du 27 février 2021, le préfet du Bas-Rhin, d'une part, lui a fait obligation de quitter le territoire français sur le fondement du 4° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et, d'autre part, l'a assigné à résidence. M. E... relève appel du jugement du 11 mars 2021 par lequel la magistrate désignée du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation du premier arrêté du 27 février 2021.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, un arrêté du 5 décembre 2020 publié le 7 décembre 2020 au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Moselle, le préfet de la Moselle a donné délégation de signature à Mme A..., directrice de l'immigration et de l'intégration, pour signer l'ensemble de actes se rapportant aux matières relevant de cette direction à l'exclusion des arrêtés d'expulsion relevant de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Cette délégation prévoit qu'en cas d'absence ou d'empêchement de Mme A..., et dans le cadre des permanences qu'elle assure les week-ends, Mme C... B..., agent du bureau de l'éloignement et de l'asile, et auteur de la décision attaquée, est habilitée à signer toutes les mesures d'éloignement prises à l'encontre des ressortissants étrangers en situation irrégulière prévues au Livre Cinquième du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'exception des mesure d'expulsion régies par les articles L. 521-1 et suivants de ce même code. Il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme B... n'était pas de permanence lorsqu'elle a signé l'arrêté en litige le samedi 27 février 2021. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de la décision en litige doit être écarté.
3. En deuxième lieu, le droit d'être entendu, qui fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union, se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative, avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Ce droit ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter son point de vue sur la décision en cause. S'agissant particulièrement des décisions de retour, le droit d'être entendu implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter son point de vue sur l'irrégularité de son séjour et les motifs susceptibles de justifier qu'une décision de retour ne soit pas prononcée à son encontre. Mais il n'implique pas l'obligation, pour l'administration, de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement.
4. Contrairement à ce que soutient M. E..., il ressort du procès-verbal produit pour la première fois en appel par le préfet qu'au cours de son audition par la police aux frontières le 26 février 2021, veille de la décision en litige, il a été expressément invité à présenter des observations dans l'éventualité de l'édiction d'une mesure d'éloignement. Le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu doit, en conséquence, être écarté.
5. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
6. Il ressort des pièces du dossier que M. E... est présent en France depuis sept ans, qu'il y a séjourné régulièrement jusqu'en 2018, travaillé et exercé du bénévolat. Toutefois, il est célibataire et sans charge de famille et ne justifie pas d'attaches familiales ou personnelles en France, alors que ses parents résident au Bénin où il a vécu jusqu'à l'âge de 24 ans. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations et dispositions précitées une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise.
Sur la décision fixant le pays de destination attaquée :
7. Il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant fixation du pays de destination.
Sur la décision portant interdiction de retour attaquée :
8. En premier lieu, contrairement à ce qui est soutenu, l'arrêté attaqué mentionne tant dans les motifs que dans le dispositif, la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français faite à M. E.... En indiquant que cette interdiction porte sur durée de deux ans, la décision préfectorale est suffisamment claire et dépourvue d'ambiguïté. Par suite, le moyen tiré de l'absence d'indication de la durée de la mesure en litige doit être écarté.
9. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " III. ' L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour (...). / La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...). ".
10. Eu égard à la durée de présence en France du requérant, à l'existence de deux obligations de quitter le territoire français non exécutées, à l'absence de liens familiaux ou personnels en France hormis ceux allégués mais non établis avec l'une de ses tantes, et à la circonstance que l'intéressé a été condamné à une peine de prison de plus d'un an, le préfet de la Moselle n'a pas inexactement appliqué les dispositions précitées en décidant de lui interdire de retourner sur le territoire français pendant une durée de deux ans. Dès lors, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation doit être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en litige. Ses conclusions à fin d'annulation, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles qu'il présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, dès lors, être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... E... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.
2
N° 21NC01034