Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 7 septembre 2018, M. A... E..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif du 5 juillet 2018 ;
2°) d'annuler la décision du 20 février 2017 par laquelle le directeur délégué de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes de Thieblemont lui a infligé une exclusion temporaire de fonctions pour une durée de six mois avec un sursis partiel de quatre mois ;
3°) de mettre à la charge de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes de Thieblemont une somme de 900 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il n'existe aucun avis du conseil de discipline ; dans l'hypothèse où un tel avis existerait, il ne lui a pas été transmis ni ne figure dans son dossier en violation de l'article 11 du décret n° 89-822 du 7 novembre 1989 ;
- la procédure est irrégulière puisqu'il n'est pas prouvé que les différentes sanctions du troisième groupe ont été mises aux voix devant les membres du conseil ;
- il n'a pas été invité à présenter d'ultimes observations avant que le conseil ne commence à délibérer en violation de l'article 6 du décret n° 89-822 du 7 novembre 1989 ;
- l'un des membres du conseil de discipline faisait partie de l'autorité poursuivante ; la présence d'une directrice adjointe du centre hospitalier de Saint-Dizier pour un établissement de la Marne entache également d'irrégularité la décision ;
- la sanction n'est pas motivée ;
- les premiers juges n'ont pas tenu compte des conditions dans lesquelles M. E... est contraint de travailler ;
- la sanction est disproportionnée.
Par un mémoire enregistré le 11 décembre 2018, l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) de Thieblemont, représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête et à la prise en charge par M. E... d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le décret n° 89-822 du 7 novembre 1989 ;
- le décret n° 2007-1188 du 3 août 2007 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme G..., présidente-assesseure,
- et les conclusions de Mme Peton, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Il a été reproché à M. A... E..., agent de service hospitalier qualifié à l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes de Thieblemont dans la Marne, en octobre 2016 et novembre 2016, des faits se caractérisant par une prise en charge inadaptée de résidents de l'EHPAD. Une procédure disciplinaire a dès lors été engagée à l'encontre de M. E... par son employeur, pendant laquelle l'intéressé a été suspendu à titre conservatoire du 25 novembre 2016 au 24 mars 2017 inclus. Le conseil de discipline, réuni le 26 janvier 2017, a proposé, à l'issue de son délibéré, une exclusion temporaire de fonctions pour une période de six mois avec un sursis partiel de quatre mois. Par une décision du 20 février 2017, le directeur de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes de Thieblemont a décidé d'infliger à M. E... la sanction proposée par l'instance disciplinaire. Par un jugement en date du 5 juillet 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté la demande de M. E... tendant à l'annulation de cette décision. M. E... relève appel de ce jugement.
Sur la légalité de la sanction disciplinaire :
En ce qui concerne la légalité externe :
2. Aux termes de l'article 82 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " L'autorité investie du pouvoir de nomination exerce le pouvoir disciplinaire après avis de la commission administrative paritaire siégeant en conseil de discipline et dans les conditions prévues à l'article 19 du titre 1er du statut général ". Aux termes de l'article 11 du décret n° 89-822 du 7 novembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires relevant de la fonction publique hospitalière : " L'avis émis par le conseil de discipline est communiqué sans délai au fonctionnaire intéressé ainsi qu'à l'autorité qui exerce le pouvoir disciplinaire. Celle-ci statue par décision motivée ". Aux termes de l'article 6 du même décret " (...) /Le fonctionnaire et, le cas échéant, son ou ses défenseurs ainsi que l'autorité investie du pouvoir disciplinaire peuvent, à tout moment de la procédure devant le conseil de discipline, demander au président l'autorisation d'intervenir afin de présenter des observations orales. Ils doivent être invités à présenter d'ultimes observations avant que le conseil ne commence à délibérer. ". La règle ainsi posée participe de la garantie selon laquelle le fonctionnaire doit être mis à même de répondre à chaque imputation soulevée à son encontre.
3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que, comme l'ont relevé les premiers juges, un conseil de discipline s'est réuni le 26 janvier 2017, préalablement à la sanction contestée. Si l'appelant soutient n'avoir pas reçu cet avis simultanément à la notification de la décision contestée du 20 février 2017, il n'établit pas, alors que la lettre de notification mentionnait que le pli comportait cet avis, en avoir demandé la communication. Par suite le moyen tiré de l'absence d'avis et de l'absence de transmission de cet avis à l'appelant manque en fait.
4. En deuxième lieu, il résulte des termes mêmes de la décision que cette dernière comporte les motifs de droit et de fait qui ont présidé à son adoption. En tout état de cause, la décision était, comme il a été précisé au point précédent, accompagnée de l'avis du conseil de discipline permettant à l'intéressé de connaître précisément les faits reprochés. En conséquence, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision attaquée manque en fait.
5. En troisième lieu, il ressort d'une part du procès-verbal du conseil de discipline du 26 janvier 2017 que la présidente du conseil de discipline a mis au vote la sanction proposée de la mise à la retraite d'office, qui n'a pas obtenu de voix, et a ensuite mis au vote la sanction suivante dans l'échelle des sanctions de l'exclusion temporaire des fonctions de 3 mois à deux ans qui a obtenu la majorité des voix. D'autre part, la seule circonstance que le fonctionnaire et son défenseur n'aient pas été formellement invités à présenter d'ultimes observations n'entache pas d'irrégularité l'avis du conseil de discipline, dès lors que les intéressés avaient été mis à même d'intervenir pendant le cours et jusqu'au terme de la procédure en cause et que M. E... a été le dernier intervenant avant que le conseil ne commence à délibérer. Par suite les moyens tirés de la méconnaissance des droits de la défense ne sont pas fondés.
6. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier et notamment du procès-verbal du conseil de discipline que M. C..., qui s'est borné à lire le rapport de saisine du conseil et à répondre aux questions de ses membres, était présent en qualité de représentant de l'EHPAD et ne faisait pas partie du conseil de discipline. Il ressort également des pièces du dossier qu'il a été invité à sortir avant la fin de la séance par la présidente du conseil de discipline et n'a pas assisté au délibéré de cet organe. Mme F..., qui a siégé au sein du conseil de discipline, est membre de la commission administrative paritaire locale laquelle a été élargie à cinq établissements, dont le centre hospitalier de Saint-Dizier. En l'absence des membres titulaires, Mme F... a régulièrement été appelée à siéger au sein de ce conseil. Le moyen tiré de l'irrégularité de la composition du conseil de discipline n'est dès lors pas fondé.
En ce qui concerne la légalité interne :
7. Aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale. ". Aux termes de l'article 81 de la loi du 9 janvier 1986 : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : (...) Troisième groupe : / La rétrogradation, l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans. (...). ". Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
8. Il ressort des pièces du dossier que, le 16 octobre 2016, lors de la toilette d'une résidente, M. E... a oublié de replacer la poche de la sonde urinaire et la perfusion d'une résidente, lesquelles avaient été placées sous les cuisses de cette dernière et que, le 1er novembre, M. E... a heurté l'oeil gauche d'une résidente en manipulant le robinet de la douche, occasionnant ainsi un hématome. M. E... ne conteste pas la matérialité des faits. Il fait valoir que la charge de travail est lourde et qu'il est isolé dans ses fonctions. Il apparaît toutefois que M. E... fait preuve d'une grande maladresse et ne parvient pas toujours à prioriser les tâches. Si le manque de soins ou les blessures occasionnés aux résidents sont involontaires et résultent d'un manque de précaution ou d'une dispersion, ces actes de négligence ont un retentissement sur la santé et le confort des résidents, ainsi que sur le fonctionnement et l'image du service. Contrairement à ce que soutient M. E..., il ne lui était pas demandé de mettre en place des sondes et des perfusions, mais seulement de les manipuler pendant la toilette des résidents. Par suite, compte tenu de la gravité des faits, de leur caractère répété et de la qualité d'agent des services hospitaliers qualifié de M. E..., qui avait déjà été sanctionné en juin 2016 par un blâme pour avoir écrasé des doigts d'une résidente par inadvertance, et alors même que sa manière de servir a été, pendant plusieurs années, reconnue comme satisfaisante, la sanction d'exclusion de six mois assortie de quatre mois de sursis contestée est proportionnée aux manquements reprochés.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'EHPAD défendeur qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont M. E... demande le versement au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. E... le versement de la somme que l'EHPAD de Thieblemont demande sur le fondement des mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de l'EHPAD de Thieblemont présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E... et à l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes de Thieblemont.
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N° 18NC02435