Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée sous le n° 19NC03658 le 19 décembre 2019, Mme F... A... D..., épouse E..., représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 7 novembre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Aube du 26 juin 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Aube de lui délivrer une carte de séjour temporaire et, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à Me C... sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
S'agissant de la décision de refus de séjour :
- elle est insuffisamment motivée, dès lors que le préfet n'a pas procédé à un examen approfondi de sa situation particulière ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale à raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle comporte pour sa situation personnelle des conséquences d'une exceptionnelle gravité.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 juin 2020, le préfet de l'Aube conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Mme A... D..., épouse E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 7 avril 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain du 14 et 15 août 1957 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Favret, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme F... A... D..., épouse E..., ressortissante marocaine, née le 12 septembre 1971, déclare être entrée en France en 2012, accompagnée de ses deux filles B... et Ikhlas. Après s'être soustraite à une mesure d'éloignement prononcée à son encontre le 28 octobre 2015, à la suite de deux demandes de titre de séjour pour raison de santé, elle a sollicité en vain l'asile le 15 novembre 2017, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et la cour nationale du droit d'asile (CNDA) ayant rejeté sa demande par des décisions des 23 mars et 31 août 2018. Le 15 octobre 2018, l'intéressée a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 26 juin 2019, le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer le titre de séjour demandé, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. Mme A... D..., épouse E... fait appel du jugement du 7 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Aube n'aurait pas procédé à l'examen de la situation particulière de Mme F... A... D..., épouse E..., avant d'opposer un refus à sa demande de titre de séjour en qualité de parent d'enfants scolarisés en France. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision contestée, qui énonce au demeurant les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, serait insuffisamment motivée dès lors que le préfet n'aurait pas procédé à un examen approfondi de la situation particulière de l'intéressée doit être écarté.
3. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; ".
4. Si Mme A... D..., épouse E... affirme être entrée en France avec ses deux filles en 2012 et y résider de façon continue depuis cette date, elle ne l'établit pas par les pièces qu'elle produit, alors qu'il ressort des pièces du dossier qu'elle est retournée au Maroc pendant plusieurs mois fin 2014 et début 2015. En outre, la durée de sa présence sur le territoire français s'explique pour l'essentiel par les démarches vaines qu'elle avait entreprises pour obtenir un titre de séjour, d'abord pour raison de santé, ensuite au titre de l'asile, et par le fait qu'elle n'avait pas exécuté une précédente mesure d'éloignement. De plus, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle serait dépourvue de toute attache familiale dans son pays d'origine, où elle a vécu jusqu'à l'âge de trente ans et où réside notamment sa mère. Par ailleurs, si elle affirme être séparée de fait du père de ses enfants depuis 2012 et avoir quitté le Maroc pour se protéger et protéger ses filles des violences de l'intéressé, elle ne l'établit pas par les pièces qu'elle produit. Dans ces conditions, et nonobstant la scolarisation de ses enfants en France, la décision par laquelle le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, les moyens tirés de ce que la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
5. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme A... D..., épouse E... n'est pas fondée à soulever, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision refusant de lui accorder un titre de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision l'obligeant à quitter le territoire.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I - L'autorité administra1tive peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...) / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III ".
7. Il résulte des dispositions précitées que la motivation de l'obligation de quitter le territoire se confond avec celle de la décision de refus de séjour. En l'espèce, la décision de refus de titre de séjour énonce les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
8. En troisième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 4 du présent arrêt que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision contestée portant obligation de quitter le territoire pour la situation personnelle de Mme A... D..., épouse E....
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... D..., épouse E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Aube du 26 juin 2019. Ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de l'Aube de lui délivrer une carte de séjour temporaire, et à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir doivent par voie de conséquence être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
10. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
11. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le conseil de Mme A... D..., épouse E... demande au titre des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... D..., épouse E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... A... D..., épouse E... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Aube.
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N° 19NC03658