Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 5 mars 2020, Mme D... E..., représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
2°) d'annuler le jugement n° 2000253 du 17 février 2020 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ;
3°) d'annuler entièrement les arrêtés contestés du 21 janvier 2020 ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son avocat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, n'a pas été signé par une personne habilitée à cette fin ;
- l'obligation de quitter le territoire français n'est pas motivée au regard de son état de santé ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle n'a pas été précédée de la consultation de collège de médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration ;
- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle n'est pas justifiée dès lors qu'elle ne s'est jamais soustraite à une mesure d'éloignement ;
- la décision fixant le pays de renvoi est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision d'assignation à résidence est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle n'est pas justifiée dès lors qu'elle présente les garanties de représentation requises.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 novembre 2020, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.
Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 juin 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
Sur l'aide juridictionnelle :
1. Mme E... ayant, par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 9 juin 2020, postérieurement à l'introduction de sa requête en appel, été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, sa demande tendant à ce que la cour prononce son admission à titre provisoire au bénéfice de cette aide est devenue sans objet. Par suite, il n'y a pas lieu d'y statuer.
Sur la recevabilité :
2. Le tribunal ayant, par le jugement attaqué, annulé dans son article 2 la décision du 21 janvier 2020 portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an, Mme E... est dépourvue de tout intérêt pour demander l'annulation de cet article 2 de ce jugement qui lui donne satisfaction. Par suite, ses conclusions ne sont pas recevables en tant qu'elles sont dirigées contre cet article.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne le moyen commun à l'obligation de quitter le territoire français sans délai, la décision fixant le pays de destination et l'interdiction de retour sur le territoire français :
3. Par un arrêté du 21 janvier 2020, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de Meurthe-et-Moselle le 22 janvier 2020, le préfet de Meurthe-et-Moselle a donné délégation à Mme Marie-Blanche F..., secrétaire générale de la préfecture, pour signer tous actes entrant dans les attributions de l'Etat, à l'exception des arrêtés de conflit. Les décisions contestées ne constituant pas des arrêtés de conflit, Mme F... était ainsi régulièrement habilitée à les signer. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté contesté ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
4. En premier lieu, l'arrêté contesté comporte un énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de l'obligation de quitter le territoire français, et est ainsi suffisamment motivé. La circonstance qu'il ne mentionne pas, en outre, l'état de santé de Mme E... ni celui de son conjoint est sans incidence sur sa régularité, dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, et n'est même pas allégué, que la requérante aurait fait valoir ces éléments auprès du préfet.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ". Selon l'article R. 511-1 du même code : " L'état de santé défini au 10° de l'article L. 511-4 est constaté au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. (...) / En cas de rétention ou d'assignation à résidence en application de l'article L. 561-2, l'avis est émis par un médecin de l'office et transmis sans délai au préfet territorialement compétent ".
6. Ainsi qu'il a été dit au point 4, la requérante n'établit pas avoir fourni au préfet des éléments relatifs à son état de santé, ni à plus forte raison des éléments de nature à laisser penser que cet état de santé pourrait faire obstacle à son éloignement. Par ailleurs, la requérante ne peut pas utilement invoquer la méconnaissance des dispositions précitées en se prévalant de l'état de santé de son conjoint. Par suite, le préfet a pu régulièrement se prononcer sans avoir au préalable procédé à la consultation prévue par l'article R. 511-1 précité.
7. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'état de santé de Mme E..., laquelle se borne à soutenir qu'elle " souffre de diverses pathologies (coeur, tension) " sans apporter d'élément concret à l'appui de ces allégations, soit de nature, au sens des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 précité, à faire obstacle à son éloignement.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
9. Mme E..., née en 1956 et de nationalité arménienne, fait valoir qu'elle vit en France depuis novembre 2009 avec son mari, son fils unique, l'épouse de ce dernier et leurs deux enfants et qu'elle ne dispose plus d'attaches familiales en Arménie. Toutefois, l'ancienneté de son séjour en France, contestée par le préfet, n'est pas établie par les pièces du dossier, dont il ressort seulement qu'elle a demandé l'asile en 2009, au demeurant sous une fausse identité et en se prévalant d'une autre nationalité, qu'elle a sollicité son admission au séjour à titre exceptionnel en août 2016 et qu'elle a fait l'objet d'une première obligation de quitter le territoire français le 27 avril 2017, à laquelle elle n'a pas déféré. Par ailleurs, elle ne se prévaut d'aucune autre attache en France que, d'une part, son fils, sa belle-fille et ses petits-enfants, lesquels ont formé leur propre cellule familiale et, d'autre part, son époux qui comme elle, n'a pas déféré à la mesure d'éloignement prises à son encontre en avril 2017 et se trouve en situation irrégulière. Si elle fait valoir l'état de santé de ce dernier, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il ait même sollicité son admission au séjour à ce titre. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier qu'elle et son époux seraient dépourvus de toute attache en Arménie, où ils ont vécu l'essentiel de leur vie, ni qu'il leur serait impossible d'y reconstituer leur cellule familiale. Dans ces conditions, Mme E... n'est pas fondée à soutenir que le préfet a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a décidé de l'obliger à quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne le refus de délai de départ volontaire :
10. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.
11. En second lieu, aux termes du II de l'article L. 511-1 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) / d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) ".
12. Il ressort des pièces du dossier que Mme E... a fait l'objet, le 27 avril 2017, d'une obligation de quitter le territoire français, dont le tribunal administratif de Nancy a confirmé la légalité par un jugement du 6 juillet 2017. Il est constant qu'elle n'a pas déféré à cette mesure d'éloignement. Par suite, le préfet a légalement pu se fonder sur les dispositions précitées pour refuser de lui accorder un délai de départ volontaire.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
13. Il résulte de ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.
En ce qui concerne la décision d'assignation à résidence :
14. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision d'assignation à résidence est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.
15. En second lieu, aux termes de l'article L. 561-2 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I.- L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : (...) / 5° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé ; (...) ".
16. En se bornant à soutenir qu'elle présente toutes les garanties de représentation requises, alors que, d'une part, son éloignement demeure une perspective raisonnable et, d'autre part, ainsi qu'il a été dit au point 12, qu'elle s'est déjà auparavant soustraite à l'exécution d'une mesure d'éloignement, la requérante n'établit pas que le préfet a commis une erreur d'appréciation en prononçant son assignation à résidence.
17. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme E..., ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'admission provisoire de Mme E... au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... E... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.
N° 20NC00579 2