Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée sous le n° 18NC02531 le 20 septembre 2018, M. B... A..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler les articles 1 et 2 de l'ordonnance n° 1700955 de la présidente de la 3ème chambre du tribunal administratif de Strasbourg du 5 janvier 2018 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 14 novembre 2016 par laquelle le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour en qualité d'étranger malade ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir.
M. A... soutient que :
- sa requête de première instance n'était, ni irrecevable, ni dilatoire ou abusive ;
- la décision préfectorale contestée est signée par une autorité incompétente ;
- il n'est pas démontré que le médecin de l'agence régionale de santé a rendu un avis comportant l'ensemble des indications requises par l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 ;
- il n'est pas démontré que l'avis de désignation du médecin inspecteur de santé public par le directeur général de l'agence régionale de santé a été publié ;
- il a droit à un titre de séjour en tant qu'étranger malade et le préfet a donc méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- c'est à tort que le tribunal administratif lui a retiré l'aide juridictionnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juillet 2019, complété par les pièces enregistrées le 3 juin 2019, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.
Le préfet de la Moselle fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 12 juillet 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 8 août 2019.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 23 août 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Favret, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant albanais né le 3 juillet 1989, déclare être entré irrégulièrement en France le 16 novembre 2014. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le 13 mai 2015, puis par la Cour nationale du droit d'asile, le 23 décembre suivant. Prenant acte de ces décisions, le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, par un arrêté du 22 janvier 2016. Par un jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 7 juillet 2016 et un arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 6 avril 2017, la demande de M. A... tendant à l'annulation de cet arrêté a été rejetée. L'intéressé avait entretemps sollicité, le 4 juillet 2016, son admission au séjour en raison de son état de santé. Le préfet de la Moselle a refusé de faire droit à cette demande, par une décision du 14 novembre 2016. Par l'ordonnance attaquée, la présidente de la 3ème chambre du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande de M. A... tendant à l'annulation de cette décision et lui a retiré le bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. Pour rejeter comme irrecevables les conclusions aux fins d'annulation présentées par M. A..., la présidente de la 3ème chambre du tribunal administratif de Strasbourg s'est fondée sur les dispositions de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, qui prévoient que : " (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : (...) 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours (...) les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ".
3. Or, en soutenant, notamment, que le préfet de la Moselle a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et en produisant, à l'appui de sa demande de délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé, deux certificats médicaux des 8 juin et 6 décembre 2016 établis par un médecin psychiatre, M. A... ne peut pas être regardé comme ayant soulevé un moyen irrecevable, inopérant ou non assorti de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé. Il est ainsi fondé à soutenir que sa demande de première instance ne relevait pas des dispositions du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative et qu'elle n'était pas davantage manifestement irrecevable. Par suite, la demande de M. A... ne pouvait pas régulièrement faire l'objet d'une ordonnance de rejet sur le fondement de l'article R. 222-1 du code de justice administrative. Il en résulte que l'ordonnance par laquelle la présidente de la 3ème chambre du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande de M. A... et lui a retiré, en conséquence, le bénéfice de l'aide juridictionnelle doit être annulée en toutes ses dispositions.
4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Strasbourg ;
Sur la légalité de la décision du 14 novembre 2016 :
5. En premier lieu, le préfet de la Moselle a, par un arrêté du 1er février 2016, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du même jour, donné délégation à Mme G... E..., chef du service de l'immigration et de l'intégration et, en cas d'absence ou d'empêchement de celle-ci, à Mme D... F..., chef du bureau de l'admission au séjour, pour signer notamment les décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour. Il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme G... E... n'aurait pas été absente ou empêchée à la date de signature de l'arrêté attaqué. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de Mme D... F..., signataire de la décision attaquée, doit être écarté.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement des avis médicaux concernant les étrangers malades : " Au vu de ce rapport médical et des informations dont il dispose, le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant : - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; - s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; - la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays ".
7. Le préfet de la Moselle a produit, à la demande de la cour, l'avis rendu le 27 octobre 2016 par le médecin de l'agence régionale de santé Grand Est, le docteur Christine Quenette. Il ressort des mentions figurant sur l'avis émis le 27 octobre 2016 que ce médecin s'est prononcé sur l'ensemble des éléments prévus par l'article 4 précité de l'arrêté du 9 novembre 2011. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision litigieuse serait intervenue au terme d'une procédure irrégulière.
8. En troisième lieu, le préfet de la Moselle a produit, à la demande de la cour, l'arrêté du 24 février 2016 par lequel le directeur général de l'Agence régionale de santé a désigné le docteur Quenette pour émettre un avis sur la délivrance des cartes de séjour temporaire en application du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment dans le département de la Moselle. Cet arrêté a été publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de la région Alsace-Champagne-Ardennes-Lorraine du 1er mars 2016. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce qu'il ne serait pas démontré que l'avis de désignation du médecin inspecteur de santé public par le directeur général de l'agence régionale de santé aurait été publié doit être écarté.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11°A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".
10. Il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande au titre des dispositions du 11° de l'article L. 313-11, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin mentionné à l'article R. 313-22, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Elle doit alors, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
11. L'appelant a produit en première instance un certificat médical établi le 8 juin 2016 par le docteur Schong, médecin psychiatre, qui mentionne qu'il souffre d'un état anxio-dépressif important, que cet état est lié à une " importante histoire personnelle traumatisante ", et qu'il nécessite une prise en charge psychiatrique régulière et un traitement médicamenteux, faute de quoi il y aurait " risque de décompensation majeure aux conséquences d'une exceptionnelle gravité ". Un deuxième certificat médical établi le 6 décembre 2016 par le même médecin reproduit le contenu du certificat de juin 2016. Un troisième certificat médical établi le 20 février 2018, postérieurement à la décision contestée, par le même médecin, confirme le contenu des deux précédents certificats.
12. Toutefois, le médecin de l'agence régionale de santé indique, dans son avis du 27 octobre 2016, que l'état de santé de M. A... nécessite une prise en charge médicale, mais que l'intéressé peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, l'Albanie, vers lequel il peut voyager sans risque. Si M. A... affirme qu'il ne peut pas être soigné en Albanie, il ne l'établit pas en se bornant à produire les certificats établis par le docteur Schong, qui se bornent à indiquer que l'intéressé devrait pouvoir poursuivre son traitement en France, sans affirmer qu'il n'existerait pas de traitement adéquat en Albanie. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet aurait méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
13. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision par laquelle le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour en qualité d'étranger malade.
14. Le présent arrêt de rejet n'implique aucune mesure d'exécution et par suite, les conclusions de M. A... tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : L'ordonnance de la présidente de la 3ème chambre du tribunal administratif de Strasbourg du 5 janvier 2018 est annulée.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Strasbourg est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.
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N° 18NC02531