Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 16 novembre 2018 sous le numéro 18NC03107, Mme A..., représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler en ce qui la concerne le jugement du 13 juin 2018 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 28 décembre 2017 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 700 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
S'agissant du refus de titre de séjour :
- la décision est insuffisamment motivée ;
- il n'est pas indiqué si le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a été saisi ;
- le préfet de la Moselle n'a pas tenu compte de la situation familiale de Mme A... ;
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- elle n'a pas été mise à même de présenter des observations avant l'édiction de la décision ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- elle n'a pas été mise à même de présenter des observations avant l'édiction de la décision ;
- la décision est insuffisamment motivée en tant qu'elle ne mentionne ni la situation et le parcours de Mme A... ni les considérations de droit et de fait propres au pays de destination ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que le préfet ne démontre pas l'inexistence de tout risque en cas de retour en Bosnie.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 septembre 2019, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 octobre 2018.
II. Par une requête, enregistrée le 16 novembre 2018 sous le numéro 18NC03108, M. A..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler en ce qui le concerne le jugement du 13 juin 2018 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 28 décembre 2017 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 700 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
S'agissant du refus de titre de séjour :
- la décision est insuffisamment motivée ;
- il n'est pas indiqué si le collège des médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration a été saisi ;
- le préfet de la Moselle n'a pas tenu compte de la situation familiale de M. A... ;
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- il n'a pas été mis à même de présenter des observations avant l'édiction de la décision ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- il n'a pas été mise à même de présenter des observations avant l'édiction de la décision ;
- la décision est insuffisamment motivée en tant qu'elle ne mentionne ni la situation et le parcours de M. A... ni les considérations de droit et de fait propres au pays de destination ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que le préfet ne démontre pas l'inexistence de tout risque en cas de retour en Bosnie ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 septembre 2019, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 octobre 2018.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience du 3 octobre 2019.
Le rapport de M. Dietenhoeffer, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme A..., ressortissants bosniens, sont entrés sur le territoire français le 3 août 2015, selon leurs déclarations, afin d'y solliciter la reconnaissance du statut de réfugiés. Leurs demandes d'asile ont été définitivement rejetées par la Cour nationale du droit d'asile le 3 juin 2016. Par des arrêtés du 21 décembre 2016, devenus définitifs, le préfet de la Moselle a refusé de leur délivrer des titres de séjour, les a obligés à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. Par une décision du 18 septembre 2017, devenue définitive, le préfet de Moselle a refusé de faire droit à la demande de titre de séjour présentée le 16 janvier 2017 par M. A.... Le 3 octobre 2017, Mme A... a sollicité un titre de séjour en raison de son état de santé. Par deux arrêtés du 28 décembre 2017, le préfet de la Moselle a refusé de délivrer à M. et Mme A... un titre de séjour, a fait obligation aux deux époux de quitter le territoire français dans les trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils étaient susceptibles d'être éloignés. Par deux requêtes qu'il y a lieu de joindre, M. et Mme A... font appel du jugement du 13 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes d'annulation de ces arrêtés du 28 décembre 2017.
Sur la légalité des décisions portant refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, les décisions contestées comportent les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Les moyens tirés du défaut de motivation doivent donc être écartés.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11 ° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé ".
4. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a rendu, le 11 septembre 2017, un avis sur l'état de santé de M. A..., avant que le préfet ne rejette, le 18 septembre 2017, la demande de titre de séjour présentée par l'intéressé le 16 janvier 2017. Par suite, dès lors que M. A... n'a pas ultérieurement formé de nouvelle demande de titre de séjour pour ce même motif, le préfet de la Moselle n'a pas méconnu les dispositions précitées en prenant l'arrêté contesté sans saisir préalablement le collège des médecins de l'OFII. D'autre part, ainsi que l'indique l'arrêté du 28 décembre 2017, le collège des médecins de l'OFII a rendu, le 11 décembre 2017, un avis sur l'état de santé de Mme A.... Il s'ensuit que le moyen selon lequel ce collège n'aurait pas été saisi manque en fait et doit être écarté.
5. En troisième lieu, il ressort des termes mêmes des arrêtés contestés, qui rappellent notamment la situation familiale des demandeurs et l'état de santé de Mme A..., que le préfet de la Moselle a procédé à un examen particulier de leurs demandes titre de séjour. Le moyen tiré de l'erreur de droit doit, par suite, être écarté.
Sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français :
6. En premier lieu, dans le cas prévu au 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du refus de titre de séjour. Le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour. En effet, à l'occasion du dépôt de sa demande de titre de séjour, l'intéressé en situation irrégulière est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour. Dès lors, les décisions faisant obligation à M. et Mme A... de quitter le territoire français ayant été prises concomitamment aux décisions refusant leur admission au séjour, la seule circonstance que les requérants n'aient pas été invités à formuler des observations avant l'édiction des décisions leur faisant obligation de quitter le territoire français n'est pas de nature à permettre de les regarder comme ayant été privés de leur droit à être entendus. Ce moyen doit ainsi être écarté.
7. En second lieu, si M. et Mme A... soutiennent que les obligations de quitter le territoire français prononcées à leur encontre seraient entachées d'erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur leur vie privée et familiale, ils n'apportent aucun élément de fait ou de droit de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le tribunal administratif de Strasbourg sur leur argumentation de première instance. Il y a lieu, dès lors, d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par les premiers juges.
Sur la légalité des décisions portant refus de titre de séjour :
8. En premier lieu, les décisions en litige, après avoir visé l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers du droit d'asile et mentionné la nationalité bosnienne des intéressés, indique qu'ils n'ont pas démontré que leur vie ou leur liberté seraient menacées s'ils étaient éloignés à destination de leur pays d'origine et qu'ils n'ont pas justifié être exposés à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ces décisions comportent les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement et sont ainsi suffisamment motivées.
9. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7, les moyens tirés de ce que M. et Mme A... n'auraient pas été mis à même de présenter leurs observations avant que le préfet de la Moselle ne fixe le pays à destination duquel ils sont susceptibles d'être éloignés doivent être écartés.
10. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". En outre, selon l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
11. En se bornant à se prévaloir des constatations générales d'un rapport du département d'Etat américain publié en novembre 2010 relatif à la liberté de religion en Bosnie et des résultats d'une enquête d'une organisation non-gouvernementale concernant la situation des mariages inter-ethniques dans ce pays en 2002, M. et Mme A... n'établissent pas le caractère réel, personnel et actuel des risques allégués en cas de retour dans leur pays d'origine. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.
12. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Les requêtes présentées par M. A... et Mme A... sont rejetées.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. B... A..., à Mme E... A..., née D..., et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.
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N° 18NC03107-18NC03108