Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 7 juin 2019, Mme D..., représentée par Me Scribe, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 13 mai 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 25 avril 2019 par lequel le préfet du Bas-Rhin a décidé son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile.
Elle soutient que :
- la compétence du signataire de la décision contestée n'est pas établie ;
- l'Italie n'était pas compétente en vertu des critères définis par le paragraphe 5 de l'article 20 du règlement n° 604/2013 dès lors qu'elle avait quitté ce pays depuis plus de trois mois ;
- la décision contestée méconnaît les dispositions des articles 3 et 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 août 2019, le préfet du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 juin 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003, modifié par le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Barteaux a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., de nationalité nigériane, est entrée irrégulièrement en France en vue de solliciter l'asile. Le passage de ses empreintes dans la base de données Eurodac a révélé qu'elles avaient déjà été relevées en Italie le 7 décembre 2016. Par un arrêté du 25 avril 2019, le préfet du Bas-Rhin a alors décidé son transfert aux autorités italiennes responsables de l'examen de sa demande d'asile. Mme D... fait appel du jugement du 13 mai 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande d'annulation de cette décision.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. En premier lieu, Il ressort des pièces du dossier que par un arrêté du 26 mars 2019, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le 27 mars 2019, le préfet du Bas-Rhin a donné délégation à Mme F... C..., directrice des migrations et de l'intégration, à l'effet de signer, dans la limite des attributions de sa direction, tous actes et décisions, à l'exception de cinq catégories d'actes au nombre desquelles ne figurent pas les décisions de transfert. Ce même arrêté prévoit qu'en cas d'absence de Mme C..., cette délégation de signature est conférée à Mme H... A..., chef du bureau de l'asile et de l'éloignement, dans les mêmes limites à l'exclusion des refus de séjour. Il n'est pas établi ni même allégué que la directrice des migrations et de l'intégration n'aurait pas été absente ou empêchée lors de la signature par Mme A... de l'arrêté litigieux. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision contestée, qui manque en fait, doit être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 20 paragraphe 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...)/ L'État membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite pour la première fois est tenu, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, et en vue d'achever le processus de détermination de l'État membre responsable de l'examen de la demande de protection internationale, de reprendre en charge le demandeur qui se trouve dans un autre État membre sans titre de séjour ou qui y introduit une demande de protection internationale après avoir retiré sa première demande présentée dans un autre État membre pendant le processus de détermination de l'État membre responsable. / Cette obligation cesse lorsque l'État membre auquel il est demandé d'achever le processus de détermination de l'État membre responsable peut établir que le demandeur a quitté entre-temps le territoire des États membres pendant une période d'au moins trois mois ou a obtenu un titre de séjour d'un autre État membre. / Toute demande introduite après la période d'absence visée au deuxième alinéa est considérée comme une nouvelle demande donnant lieu à une nouvelle procédure de détermination de l'Etat membre responsable. (...) ".
4. Pour contester la responsabilité de l'Italie pour l'examen de sa demande d'asile, Mme D... fait valoir qu'elle avait quitté le territoire de cet Etat depuis plus de trois mois à la date à laquelle elle a sollicité l'asile en France, soit le 26 mars 2019. Toutefois, il résulte des dispositions précitées que l'Etat requis, dans lequel une demande d'asile a été initialement déposée, n'est plus tenu de reprendre le demandeur d'asile lorsque celui-ci a résidé hors du territoire des Etats membres pendant une durée d'au moins trois mois. Mme D... n'apporte aucun élément probant pour établir qu'elle aurait résidé en dehors du territoire de l'Union européenne pendant au moins trois mois. D'ailleurs, selon son récit, après avoir quitté l'Italie, elle s'est directement rendue en France le 14 mars 2019. Il s'ensuit que la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'Italie ne serait plus responsable de l'examen de sa demande d'asile en application des dispositions précitées de l'article 20 paragraphe 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013.
5. En dernier lieu, d'une part, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) 2. (...) / Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. / Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable ". Aux termes de l'article L. 742-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La procédure de transfert vers l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile ne peut être engagée dans le cas de défaillances systémiques dans l'Etat considéré mentionné au 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 (...) ".
6. D'autre part, aux termes du 1 de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. (...) ".
7. Mme D... se prévaut de l'existence de défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile en Italie en raison notamment de l'afflux de migrants. Elle poursuit en indiquant que l'absence de réponse explicite à la demande de reprise en charge atteste de cette défaillance. Toutefois, la requérante n'apporte aucun élément probant à l'appui de ses allégations, notamment pour établir que les autorités italiennes ne respecteraient pas les dispositions de la directive 2013/33/UE du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale alors que dans son récit, elle fait uniquement référence à ses craintes en cas de retour en Italie à l'égard de la personne qui l'a aidée à fuir le Nigéria. De même, la circonstance que les autorités italiennes n'ont pas expressément répondu à la demande de reprise en charge ne saurait suffire à démontrer l'existence de défaillances systémiques dans le traitement des demandes d'asile. Le préfet n'a dès lors pas méconnu les dispositions précitées de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013. Si l'intéressée se prévaut également de son état de santé et des conditions d'accueil de son fils, il résulte des dispositions de l'article 32 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 qu'il lui appartient de transmettre, le cas échéant, au préfet tout élément relatif à sa santé pour qu'il en informe les autorités italiennes et s'assure qu'elle bénéficiera d'une prise en charge adéquate. Dans ces conditions, en refusant de faire application des dispositions précitées de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, le préfet du Bas-Rhin n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation de la situation de Mme D....
8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet du Bas-Rhin.
N° 19NC01817 2