Procédure devant la Cour :
I. Par une requête, enregistrée le 17 juin 2019, et des mémoires en réplique enregistrés les 4 septembre et 11 octobre 2019, M. et Mme F... D..., représentés par Me A..., demandent à la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance du 20 mai 2019 du juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) d'évoquer ou de réformer ladite ordonnance ;
3°) de mettre à la charge de l'intimée une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le premier juge a commis une erreur de fait ainsi qu'une erreur de droit ;
- leur demande d'expertise ne saurait être circonscrite au seul contentieux relatif à l'autorisation environnementale accordée à l'association intersyndicale autorisée (ASA) du Spickelberg pour les travaux de desserte ;
- leur source d'eau potable est également exposée à des risques liés à l'exploitation forestière que ces travaux permettent et qui n'ont fait l'objet d'aucune analyse au sein de l'étude d'impact ;
- une atteinte à leur source serait dans ces conditions de nature à engager la responsabilité des personnes publiques ;
- le premier juge a méconnu le sens des dispositions de l'article R. 625-1 du code de justice administrative et de la jurisprudence s'y rattachant ;
- seule une mesure d'expertise portant sur les impacts d'une exploitation forestière permettrait de déterminer les éventuels dommages que subirait leur source en cas de pollution ou de tarissement ;
- les mesures sollicitées, qui portent au-delà des travaux de desserte, objet de la procédure pendante au fond, excédent ce qui pourrait être ordonné par le juge du fond dans le cadre d'une mesure d'avant dire droit.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 juillet 2019, le ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- il se rapporte aux observations présentées par le préfet du Haut-Rhin en première instance ;
- le projet de desserte forestière a fait l'objet d'une étude d'impact ;
- les préconisations de cette étude d'impact ont été prises en compte.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 septembre 2019, l'association syndicale autorisée du Sprickelsberg, représentée par Me E..., demande à la cour :
A titre principal :
1°) de rejeter la requête de M. et Mme D... ;
A titre subsidiaire :
2°) de lui donner acte, tous droits et moyens demeurant ...réservés, en ce qu'elle se rapporte à la sagesse du juge des référés pour se prononcer sur la demande d'expertise ;
3°) de mettre à la charge de M. et Mme D... la somme de 1 000 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête de M. et Mme D... ne peut qu'être rejetée pour cause de forclusion ;
- le projet a été soumis à l'avis des services compétents, puis a fait l'objet d'une enquête publique à l'issue de laquelle la commissaire enquêtrice a rendu un avis favorable ;
- un hydrogéologue agréé a été mandaté pour apprécier l'impact du projet sur la ressource en eau potable publique et privée ;
- l'hydrogéologue qui est intervenu a conclu à l'absence d'effet prévisible de la création de la desserte sur la ressource en eau des requérants ;
- les requérants peuvent, par d'autre voies et notamment celle du constat d'huissier, établir les dimensions qualitatives et quantitatives de la ressource en eau qui approvisionne leur habitation ;
- les requérants ne font état d'aucun préjudice actuel.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code l'environnement ;
Vu le code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. L'association syndicale autorisée (ASA) du Sprickelsberg a été créée dans l'objectif de réaliser une desserte forestière, située à Dolleren et Kirchberg (Haut-Rhin), permettant l'accessibilité de parcelles non exploitables. Par arrêté du 5 novembre 2018, le préfet du Haut-Rhin a autorisé la création d'un réseau de dessertes forestières dans un massif forestier de 293 hectares situé à Dolleren et Kirchberg, sous réserve du respect des prescriptions qui y sont définies. M. et Mme D... ont saisi le juge des référés du tribunal de Strasbourg d'une demande tendant à prescrire une mesure d'expertise en vue de déterminer l'impact que pourraient avoir ces travaux de création de dessertes forestières sur la source dont ils sont propriétaires, sur le ban de la commune de Kirchberg, qui constitue la seule possibilité en eau potable pour leur habitation. Ils font appel de l'ordonnance du 20 mai 2019 rejetant leur demande.
2. Aux termes de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction. (...) ".
3. L'utilité d'une mesure d'instruction ou d'expertise qu'il est demandé au juge des référés d'ordonner sur le fondement de ces dispositions doit être appréciée, d'une part, au regard des éléments dont le demandeur dispose ou peut disposer par d'autres moyens et, d'autre part, bien que ce juge ne soit pas saisi du principal, au regard de l'intérêt que la mesure présente dans la perspective d'un litige principal, actuel ou éventuel, auquel elle est susceptible de se rattacher.
4. En premier lieu, s'il résulte de l'article R. 625-1 du code de justice administrative qu'il peut être fait application des dispositions de R. 532-1, alors même qu'une requête à fin d'annulation est en cours d'instruction, il appartient au juge des référés d'apprécier l'utilité de la mesure demandée sur ce fondement.
5. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté préfectoral du 5 novembre 2018 autorise les travaux concernant la transformation de 1 519 mètres linéaires de pistes, la création de 7 127 mètres linéaires de chemins à grumiers, de 1 779 mètres linéaires de pistes de débardage, la création de 6 places de dépôt de bois et de 7 places mixtes de retournement de grumiers et de dépôt de bois et enfin la réalisation de deux passages à gué et d'un passage busé. Cette autorisation est conditionnée au respect de prescriptions destinées à protéger le milieu naturel et de mesures de compensation en faveur des particuliers édictées sur la base de l'étude d'impact à laquelle le projet de desserte a été soumis. Si M. et Mme D..., qui ont introduit un recours aux fins d'annulation de cet arrêté auprès du tribunal administratif, contestent le bien-fondé de cette étude d'impact, aucune circonstance particulière ne confère à la mesure qu'il est demandé au juge des référés d'ordonner un caractère d'utilité différent de celui de la mesure que le juge de l'excès de pouvoir pourra décider, le cas échéant, dans l'exercice de ses pouvoirs de direction de l'instruction. En particulier, les requérants ne fournissent au juge des référés aucun élément de nature à justifier qu'il fasse usage du pouvoir qu'il tient des dispositions citées ci-dessus, sans attendre que le tribunal administratif ait pu lui-même en apprécier l'utilité.
6. En second lieu, si les requérants font valoir que leur demande d'expertise porte également sur les risques qu'engendreraient les dessertes en raison de l'exploitation forestière, ils n'apportent aucune précision sur des exploitations déjà existantes ou en projet qui, en tout état de cause, doivent faire l'objet de prescriptions d'exploitation, notamment au regard de la protection de l'eau et des captages des sources et forages.
7. Il résulte de ce qui précède qu'en l'état du dossier, l'expertise sollicitée ne présente pas de caractère utile au sens des dispositions de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, telles que définies au point 3. Dès lors, M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif a rejeté leur demande. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner sa recevabilité, leur requête ne peut qu'être rejetée.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".
9. La requête de M. et Mme D... étant rejetée, leurs conclusions présentées en application de ces dispositions doivent, par conséquent, être également rejetées.
10. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. et Mme D..., sur le fondement des mêmes dispositions, le versement à l'association syndicale autorisée du Sprickelsberg d'une somme de 750 euros.
ORDONNE :
Article 1er : La requête de M. et Mme D... est rejetée.
Article 2 : M. et Mme D... verseront à l'association syndicale autorisée du Sprickelsberg une somme de 750 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à M. et Mme F... D..., au ministre de la transition écologique et solidaire et à l'association syndicale autorisée du Sprickelsberg, copie en sera communiquée au préfet du Haut-Rhin.
Fait à Nancy, le 25 octobre 2019.
La présidente de la cour
Signé : Françoise Sichler
La République mande et ordonne au préfet du Haut-Rhin, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
Pour expédition conforme,
La greffière en chef,
ou par délégation la greffière,
Aline SIFFERT
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19NC01929