Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée sous le n° 18NC02581 le 24 septembre 2018, complétée par un mémoire enregistré le 10 janvier 2019, M. B... C..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 5 juillet 2018 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet des Vosges du 23 mars 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Vosges de réexaminer sa demande et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, dans un délai de quarante-huit heures à compter de la notification de l'arrêt à intervenir.
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me A... de la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
M. C... soutient que :
S'agissant de la décision de refus de séjour :
- il remplit les conditions requises pour bénéficier d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 311-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet s'est estimé lié par l'avis du collège de médecins ;
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- il est fondé à solliciter l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire par voie d'exception de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- la décision méconnaît l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- il est fondé à solliciter l'annulation de la décision fixant le pays de destination par voie d'exception de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- il risque d'être soumis à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine, en raison de son appartenance au mouvement d'opposition FILIMBI.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er juillet 2019, le préfet des Vosges conclut au rejet de la requête.
Le préfet des Vosges fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 12 juillet 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 8 août 2019.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 23 août 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
-le rapport de M. Favret, premier conseiller,
-et les observations de Me A..., pour M. C....
Considérant ce qui suit :
1. M. B... C..., ressortissant de la République démocratique du Congo, né le 25 mai 1991, est entré irrégulièrement en France en mars 2016, pour y solliciter la reconnaissance du statut de réfugié. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) en date du 31 octobre 2016, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) en date du 3 mai 2017. M. C... a alors sollicité la délivrance d'un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", sur le fondement du 11° de l'article L. 311-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 23 mars 2018, le préfet des Vosges a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté la demande de M. C... tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la décision de refus de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. Chaque année, un rapport présente au Parlement l'activité réalisée au titre du présent 11° par le service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ainsi que les données générales en matière de santé publique recueillies dans ce cadre ".
3. Il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande au titre des dispositions du 11° de l'article L. 313-11, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin mentionné à l'article R. 313-22, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Elle doit alors, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
4. Il ressort des pièces du dossier que M. C... souffre de divers troubles psychiatriques liés à un syndrome de stress post-traumatique, pour lesquels il suit un traitement associant thérapie de soutien, antidépresseurs et anxiolytiques. Pour refuser à M. C... le titre de séjour qu'il avait sollicité pour des raisons de santé, le préfet des Vosges s'est fondé notamment sur un avis émis le 11 janvier 2018 par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), qui a estimé que l'état de santé de l'intéressé nécessitait une prise en charge médicale, mais que le défaut d'une telle prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que M. C... pouvait voyager sans risque. Les pièces produites par le requérant, notamment le certificat médical du 4 janvier 2019, ne permettent pas de remettre en cause l'appréciation portée, au vu de cet avis, par le préfet des Vosges. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que la pathologie psychiatrique de l'intéressé présenterait, avec les événements traumatisants qu'il allègue avoir vécus dans son pays d'origine, un lien tel qu'un traitement approprié ne puisse pas, dans son cas, être envisagé dans ce pays. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'ordonner un supplément d'information pour vérifier que M. C... bénéficierait effectivement d'une prise en charge appropriée dans son pays d'origine, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
5. En second lieu, il ne ressort ni des pièces du dossier ni des termes de la décision attaquée, que le préfet des Vosges se serait estimé lié par le sens de l'avis du collège de médecins de l'OFII.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
6. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à exciper, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision refusant de lui accorder un titre de séjour, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".
8. Compte tenu de ce qui a été dit au point 4 du présent arrêt, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée méconnaîtrait les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur la décision fixant le pays d'éloignement :
9. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à exciper, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision refusant de lui accorder un titre de séjour, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination.
10. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Et aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des traitements inhumains ou dégradants ".
11. Si le requérant se prévaut de son appartenance au mouvement d'opposition Filimbi à Kinshasa, cette appartenance ne ressort pas des pièces du dossier. Les documents produit par l'intéressé ne démontrent pas davantage qu'il risquerait d'être exposé à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour en République démocratique du Congo. Au surplus, ainsi qu'il a été dit au point 1 du présent arrêt, la demande d'asile de M. C... a été rejetée par une décision de l'OFPRA en date du 31 octobre 2016, confirmée par une décision de la CNDA en date du 3 mai 2017. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations et dispositions précitées ne peut qu'être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à annuler l'arrêté du préfet des Vosges en date du 23 mars 2018. Ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet des Vosges de réexaminer sa demande et lui délivrer une autorisation provisoire de séjour doivent être rejetées, par voie de conséquence.
Sur les frais liés à l'instance :
13. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
14. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le conseil de M. C... demande au titre des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Vosges.
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N° 18NC02581